avril 2009

Rencontres et animations dans les bidonvilles Roms dans la banlieue de Paris

 

Notre association, Kežmarský hlas / Kesaj Tchave, développe depuis prés d´une dizaine d´années des activités socioculturelles auprès des jeunes et enfants roms des colonies – bidonvilles de la Slovaquie orientale. Le spectacle, avec toute la partie constructive de travail en amont, constitue pour ces jeunes une passerelle vers la vie “normale“, vers la société majoritaire, de laquelle ils sont, de par leur localisation à l´écart de tous pratiquement complètement coupés. Lors de nos nombreuses tournées sur le sol français nous nous sommes aperçus que les populations des Roms roumains vivants sur les terrains sauvages, souvent dans l´illégalité, souffrent des mêmes stigmates de l´exclusion que les jeunes Roms slovaques avec les quels nous travaillons. De là nous est venue l´idée de développer de semblables activités avec eux en France. Lors de notre tournée en novembre 2008 nous avons pu établir les premiers contacts sur les terrains de Montreuil, Saint Denis et Aubervilliers, et impliquer les jeunes dans nos spectacles. Le succès de cette première démarche était surprenant, il dépassait de loin nos espérances. Les jeunes Roms roumains se sont pris de passion pour les activités que nous leur proposions et se sont totalement investis dans les répétitions. A la fin de notre séjour au mois de novembre nous avons réussis à mobiliser plus de 50 jeunes dans nos activités. Le point culminant en fut le spectacle que nous avons donné ensemble le 11 novembre 2008 à la Salle du Parc Montreau, qui a permis à tous ces jeunes de se présenter devant un large public et surtout devant les leurs. Après cette réussite la demande de la part des jeunes de poursuivre le travail était très forte. Nous sommes revenus avec un petit groupe pour des ateliers de danse dans les camps au mois de février 2009, et nous avons trouvés le même engouement que lorsque nous les avons quittés. Il était évident qu´il fallait aller en graduant. L´occasion pour ce faire s´est présenté à nous avec la possibilité inespérée de pouvoir passer le 8 avril 2009, Journée Mondiale des Roms, au Zénith de Paris, invités à participer au concert de nos amis, le groupe Les Ogres de Barback. C´était une occasion trop extraordinaire, qu´il fallait saisir. Outre la symbolique de la présence des plus démunis, des exclus, sur une des plus prestigieuses scènes françaises, cela constituait de nouveau une occasion formidable pour mobiliser tous les jeunes qui s´étaient investi dans le projet.

 

Il était évident qu´il fallait aussi mener une action directement auprès de la population, auprès des familles, des voisins, des compatriotes et compagnons d´infortune, directement sur les terrains, dans les conditions qu´ils vivent au quotidien à la longueur de l´année, au grès des périples des expulsions, fuites et changements incessants. Forts de nos expériences antérieures en Slovaquie, nous avons voulu utiliser le même « stratagème » que chez nous lors des premiers contacts – créer un événement hors normes, impliquant une participation de la plus grande part des habitants, afin de leur permettre de vivre un moment unique, inoubliable, infléchissant surtout sur les jeunes, mais aussi sur les adultes, en leur donnant à tous l´occasion de se manifester à travers leur culture, leur identité profonde, sous un aspect positif, performant, enviable. Nous voulions leur donner la possibilité de devenir, ne serait-ce qu´un après midi, des vedettes, des héros de leur propre vie, les sortir du marasme quotidien d´une fatalité vécue comme inévitable et insurmontable. En pratique, cela veut dire organiser un festival, concours de chants et de danses tziganes, durant le quel tout un chacun peut prétendre être le meilleur,... et non  le pire de tous, comme à l´habitude des errements de mendicité ou autres dérives au jour le jour à travers les rues de la capitale.

Donc, le 11 avril, le samedi après midi nous avions projeté d´organiser notre festival Interbidonvilles „Akana me! – A moi, maintenant!“ sur le terrain de la rue Pierre de Montreuil, ou vivent dans les caravanes délabrées prés de 300 Roms roumains. Nous avions, en la personne de Colette Lepage et Bielka Mijoin, d´excellentes contacts sur le terrain même, et plusieurs jeunes Roms du camp se sont déjà impliqués dans le travail avec nous. Mais nous ne connaissions  pas  assez  les  adultes,  et  nous  étions   conscients  de  débarquer  sur   une  terre inconnue pour nous. Notre groupe est constitué de 30 jeunes et enfants Roms slovaques, venants aussi en majorité, des milieux extrêmement précaires des bidonvilles de l´est slovaque. Bien sûr, nous en sommes, ma femme et moi, pleinement responsables et conscients des risques encourus. Mais tout se passe très bien. Avec les retards de règle, au début rien de ce qui devait être prêt ne l´était. On dirait que personne ne nous attend... Mais nous avons l´habitude de ce genre de situations, plus d´une fois nous avons vécu la même chose chez nous. Dons nous commençons notre spectacle, comme si rien n´était, nous dansons sur les graviers du terrain, devant une des caravanes qui a bien voulue nous fournir l´embranchement pour le fil électrique de notre synthétiseur. Un des danseurs a faillit se planter un clou dans le pied, on rafistole les fils électriques pour que le synthé joue, Colette et Bielka mobilisent les femmes pour la cuisine, les hommes préparent les brochettes. Peu à peu les spectateurs viennent, incrédules d´abord, mais vite conquis par la musique et le spectacle. Ce qu´ils voient est tout à fait inhabituel – un groupe de 30 jeunes Roms, parfaitement au point, se produisant devant eux, cela relève plus du irréel que du quotidien d´un terrain sauvage à la périphérie de la ville. Nous jouons une bonne quarantaine de minutes, nous marquons une pose pour manger sur place, le repas est excellent, les premiers contacts se tissent, les langues se délient. Tous parlent le romani, malgré les quelques différences dues aux vocables prises du roumain et du slovaque, la conversation est vite engagée. Nos hôtes sont très corrects, il n´y a pas d´excès d´aucune sorte, ce que nous craignions le plus – qu´un soûlard gâche la fête, ne se produit pas. Au contraire, tout le monde se tient très bien, dans une ambiance joviale, joyeuse, mais aussi empreinte de dignité, puisque c´est quand même un grand événement, une rencontre internationale entre les Roms roumains et slovaques sur ce terrain perdu de Montreuil. Sentant cette émulation dans l´air, nous en profitons pour nous greffer dessus, et c´est sur l´initiative d´un des adultes roumains qui vante les qualités artistiques de son fils et les siennes aussi, que nous lançons l´idée d´une « Grande Compétition Internationale de Danse Tzigane » entre la Roumanie et la Slovaquie! Tout le monde est de suite d´accord. Nous désignons le jury avec son président. D´un côté les Roms roumains, de l´autre les Roms slovaques, et la joute musicale peut commencer. Une sono de fortune est mise en place avec des fils tordus dans tous les sens, mais l´essentiel est que ça marche. Ainsi, en changeant du roumain au slovaque, les différents protagonistes peuvent investir la scène de gravier au milieu d´un public en liesse, supportant frénétiquement ses favoris. Il est à souligner que là aussi, l´ambiance était bon enfant, et malgré le côté émotionnel exacerbé, tout s´est bien passé, le jury et le public fair play reconnaissant les qualités des siens mais aussi ceux des adversaires. Ont participé les petits et les grands, les jeunes et les seniors. A la fin nous distribuons des lots symboliques, tout le monde est gagnant,... mais les Roumains, grands seigneurs, reconnaissent nos qualités, et c´est sur le score de 4 à 3 pour la Slovaquie que finit cette Compétition Interbidonville Internationale. Il est 17h passés, nous ne nous attardons pas, nous quittons les lieux au meilleur moment.

Cet  événement, nous l´avons projeté. Mais de par la définition même de ce genre d´endroits et ce type de population, il est impossible de s´en tenir à un scénario préétabli. Ici, plus on projette, plus c´est différent. C´est un axiome de base, nous le savons, nous le pratiquons. L´essentiel est de saisir le moment présent, de le développer, le travailler, pour en fin arriver quand-même, même par des voies différentes à celles qui étaient projetées, au résultat escompté. Au vu de la satisfaction générale, et de l´investissement de tous, nous pouvons affirmer que notre but était atteint. Cet événement restera gravé à jamais dans les mémoires de tous ceux qui étaient présents. Il infléchira sur leurs comportements, sans qu´ils le sachent. Nous pensons surtout aux jeunes, et aux touts petits, qui ont vu là une chance de se projeter dans un autre rôle que la vie leur réserve au jour le jour. Si nous, ou d´autres leurs donneront encore la chance un jour de sortir de leur quotidien, certainement, ils la saisiront. Et c´est pour cela que nous sommes venus.

 

Dans cette prise en compte de l´imprévu, sont intervenus, hélas, aussi des désistements de dernières minutes de la part de nos partenaires. Ainsi les engagements pris  et pistes envisagées de spectacles, d’hébergement ou de transports, se sont avérés inexistants. A cause de cela, moins d´une semaine avant notre départ, nous nous sommes retrouvés avec un gros déficit dans notre budget, et nous n´avions pas de quoi couvrir financièrement la tournée. Nous n´avons pas l´habitude de quémander, nous préférons gagner ce qu´il nous faut nous mêmes. Avec les entrées de nos spectacles, nous parvenons, tant bien que mal, à trouver les sommes qui sont pour nous exorbitantes, nécessaires surtout pour payer le transport de Slovaquie en France et vice et versa. En se retrouvant au dernier moment sans spectacles qui nous ont étés promis, nous n´avions plus la possibilité d´en trouver d´autres à la dernière minute. Nous étions à un doigt d´abandonner. C´est là, que plusieurs organisations, dont CCFD et l´Institut Slovaque de Paris, alertées par  Charlotte Boisse de la Fnasat se sont portées garantes d´un soutient financier du projet. Nous pouvions partir! Sans cette aide cela n´aurait pas pu être possible.

On peut se poser la question est-il raisonnable de prendre de si grands risques (30  personnes sous sa responsabilité) pour juste une manifestation presque improvisée sur un terrain vague servant de domicile provisoire à des migrants pour la plupart en situation irrégulière. Nous savons tous, que les situations qui sont vécues par ces populations sont absurdes. Indignes des temps que nous vivons. Donc c´est dans une démarche relevant de l´absurde que nous essayons de contrecarrer cette anomalie des temps modernes, que sont les dérives migratoires des populations roms, éternels émigrés dans leur propre pays qu´est l´Europe. Notre Europe.

Merci de tout coeur à touts ceux, qui nous ont soutenus dans notre démarche.

 

 

                                                                                                  Ivan Akimov

                                                                                responsable du groupe Kesaj Tchave

                                                                            président de l´association Kežmarský hlas

 

 

Les étapes de la tournée:

Italie:  Udine, Venise, Vicenza 

France: Marseille, Courbevoie, Melun, Paris, Montreuil

 

Spectacles tous public et interventions auprès des populations roms des bidonvilles de la périphérie parisienne et marseillaise:

27 mars  – Udine, Auditorium Zanon, spectacle scolaire

28 mars  – Venise, spectacle de rue

29 mars  - Vicenza, Ca-Muse, spectacle tout public

31 mars  – Marseille, squat rom, spectacle pour des Roms roumains

1 au 5 avril – Marseille, Vieux Port, Festival Latcho Divano, spectacles tout public

6 avril   – Courbevoie, Ecole A. Malraux, spectacle scolaire

7 avril   – Montreuil, Théâtre de l´Arbre de la Parole Errante, répétitions générale avec plus de

                60 enfants des terrains de Montreuil, Saint  Denis et  Aubervilliers

8 avril   – spectacle au Zénith de Paris avec 60 enfants roms des camps slovaques et roumains

11 avril – Montreuil, terrain de la rue Pierre de Montreuil, Festival Interbidonvilles „Akana me!

–        A moi, maintenant!“ Avec tous les habitants du camps. Cca 300 personnes

12 avril – Montreuil, Théâtre de l´Arbre de la Parole Errante, Spectacle tout public avec tous les

                enfants

 

Partenaires:

Les Amis de Tsuica, ATD Quart Monde, Ca-Muse, CCFD, Citoyennes montreuilloises, Coriandre, Didattica, FNASAT, Institut Slovaque de Paris, Latcho Divano, Les Ogres de Barback, Parada, Ville de Montreuil, La Parole Errante, Terne Roma, Ver´Kesaj, YEPCE