fevrier 2017

 

En ce début d’année, nous avons eu aussi une belle surprise. Une invitation au bal des folkloristes de Poprad. L’invitation venait du groupe folklorique slovaque Vagonár. C´est un ensemble performant et reconnu dans le monde du folklore slovaque. Lorsqu´ils nous ont donc proposé de participer à leur Bal annuel, en février 2017, nous étions pas peu surpris... Mais avec autant plus de plaisir nous avons accepté. Ne restait qu’à s’occuper des détails de la logistique, le transport, réunir tout le monde à l’école pour prendre les costumes et monter dans le bus qui va nous amener sur les lieux du bal. C’est une sortie semi-nocturne, alors cela demande un peu plus d’organisation. Mais tout le monde est là, on a encore une heure devant nous, alors on fait une petite répète pour la forme, pour passer le temps. Palo me dit avec un sourire candide que Maros et lui ont bu un petit coup, il y avait un anniversaire au bidonville, alors ils ont eu droit à une petite collation. Normalement un truc pareil me mettrait hors de moi, mais il me l’a annoncé, n’a pas cherché à le cacher, et puis il le dit avec un gros sourire… Bon, il faudra pas recommencer, je fais quand même mon gros méchant, mais pas plus que ça, Palo a 18 ans, et il  n’a pas l’air trop éméché. Hélas, on ne peut pas dire la même chose de Maros. Il tient debout, assure que tout va bien, mais rien qu’à l’entendre brailler, alors qu’il croit qu’il chante comme Pavarotti, il est évident qu’il a du descendre un ou deux verres de plus que Palo. Il va sans dire qu’on est intransigeants avec l’alcool, tolérance zéro, et on ne rigole pas avec ces principes. Mais nous sommes conscients que nous avons à faire avec des ados, et pour eux l’attrait de l’alcool fait partie de ces attractions irrésistibles, qui correspondent aux turpitudes de leur âge et leur environnement social n’arrange rien en ce sens.  En généraI, il n’y a pas de problèmes majeurs, mais il faut surveiller. De près. Que faire avec Maros ? Je n’ai pas de moyen de le faire repartir au bidonville, il n’y a plus de bus à cette heure, je ne peux pas le laisser là tout seul, ce serait trop risqué. Alors, ne reste qu’à l’amener avec nous. Je lance une répétition pour la forme, pour passer le temps, et surtout pour tester l’état de Maros. Je me dis que si je le fais bouger un peu, il pourrait éliminer plus facilement l’alcool qu’il a en lui. Force est de constater qu’il lui faudrait danser pendant un sacré bout de temps, car, visiblement, il ne tient pas la route. Ce qui est étonnant, c’est que je suis calme, très calme. De toute façon, s’énerver ne servirait à rien. Maros nous assure que tout va bien, qu’il est parfaitement capable d’assurer au spectacle, qu’il ne faut pas nous inquiéter. Je ne m’inquiète pas, mais je ne sais pas quoi faire, si je l’amène dans cet état, forcément, le public va s’apercevoir que quelque chose ne va pas, et ceux qui nous ont fait confiance, qui nous invité à leur fête, ne pourront que constater que les tsiganes étaient bourrés. Comme d’habitude. Et c’est qu’il fallait éviter à tout prix. Maros voit que je ne suis pas très enthousiaste, et il s’en va aux toilettes. Pour revenir quelques instants plus tard, la main droite en sang. Il a cassé le miroir des toilettes, qui ne lui a pourtant rien fait, à part de lui refléter son image telle quelle… alors il donné un bon coup de poing pour évacuer son trop plein d’énergie et de frustration. Ca saigne abondamment, heureusement, les veines ne sont pas touchées, je réussis à faire un pansement de fortune, Maros a l’air d’un Frankeinstein en costume folklorique, le bus vient d’arriver, il faut monter pour aller au spectacle. Ce n’est pas loin, nous sommes sur place en dix minutes. La consigne est de ne pas laisser Maros seul une seule minute, il a constamment trois gardes du corps autour de lui qui veillent à ce qu’il ne s’étale pas de tout son long devant tout le monde. Manque de bol, dès qu’on arrive, il a besoin d’aller aux toilettes, bel exercice de prestidigitation devant tout le parterre des spectateurs qui nous attendent impatiemment. On réussit tant bien que mal à passer ce premier obstacle sur notre parcours d’équitation éthylique et on gagne l’espace scénique. Il faut dire que le public nous est vraiment acquis. Ce sont tous des folkloristes, des danseurs, et on sent chez eux un  réel attrait pour notre groupe. Notre prestation rencontre un succès enthousiaste, on réussit à caler Maros parmi les chanteurs, dans le chœur ses braillements passent inaperçus, on rajoute un bis, mais on s’éternise pas, on préfère partir tant qu’on tient debout. Ce n’est pas la peine de faire la morale à Maros, à ce stade, il est évident qu’il a compris que ce qui vient d’arriver n’aurait pas du arriver, ce n’est pas la peine d’en rajouter, je sais qu’il va se morfondre, sans doute il ne viendra plus aux répétitions, trop honteux de ses exploits. C’est ce qui arrive, on ne le voit plus, je lui fais passer le mot comme quoi les erreurs sont faites pour être réparées, ce n’est pas la peine qu’il s’exclue du groupe, même s’il a fait une bêtise. Mais les bêtises, ce n’est pas fini pour lui. Ca ne fait que commencer. Ses potes du bidonville, voyant dans quel état il est, en profitent pour le faire boire, se délectent de son désarroi, et de nouveau, c’est dans un état quelque peu éméché qu’il descend en ville, pas pour venir nous voir, il a trop honte, mais pour retrouver Lucia, sa petite copine, une de nos danseuses, qui, depuis son dernier exploit au bal, ne veut plus le voir. Il la retrouve là, où se retrouvent tous les Roms des environs, au Lidl, en sortant avec les courses. Il va vers elle, veut l’embrasser, elle ne veut pas, résiste, il force, devant tout le monde, et il y en a du monde en spectacle devant l’entrée du Lidl, et lorsqu’il réussit enfin à embrasser Lucia, il lui fend les lèvres avec le tiret-ouvre cannettes du Red Bull, qu’il avait dans sa bouche. Il ne l’a pas fait exprès, mais l’effet est garanti, du sang partout, il faut appeler l’ambulance, les flics, la totale. Lucia a les lèvres bien entaillées, aux urgences on doit lui poser plusieurs points de suture. Sa mère porte plainte, les dés sont jetés…  

Maros n’est vraiment pas un mauvais bougre. Mais un verre ou deux suffit à commettre l’irréparable. Non seulement il ne vient plus aux répétitions, mais il ne vient non plus à l’école. On ne peut pas laisser ça comme ça, on parle avec sa grand-mère, qui en a la responsabilité, on réussit à lui parler à lui aussi. Petit à petit il revient. Mais il a encore du chemin devant lui. Rapidement, le procès a lieu. Il écope d’un sursis. Je suis surtout en pétard contre ses fameux potes, sans les quels tout cela ne serait pas arrivé. Mais bon, il faut le prendre comme une leçon de vie. Maros revient tout doucement, finit par s’excuser, se stabilise, on parle, calmement, amicalement, mais fermement, sans compromis, de toute manière, les faits parlent d’eux-mêmes.