Zénith de Paris

 
 
    

 En tapotant sur mon ordi, sur le myspace des Ogres, je découvris par hasard dans leurs dates de concerts à venir que le 8 avril 2009 ils sont programmés au Zénith de Paris. C’est la Journée mondiale des Roms, une coïncidence pareille, ça ne s’invente pas, alors on les contacte presto via Julie et Johann, pour voir si une participation des Kesaj à ce spectacle pourrait être envisagée.  Il est vrai que dés le début l’enjeu me paraissait tellement énorme que j’avais presque le trac de poser moi-même directement la question aux Ogres, et en appréhendant une réponse négative, je préférais laisser le soin de le faire à d’autres. Mais, au contraire, en regrettant de ne pas y avoir pensé plus tôt, car la première partie du spectacle était déjà programmée, les Ogres paraissaient enchantés de cette opportunité et étaient d’accord pour que nous intervenions dans leur spectacle, et ils proposaient même de participer  partiellement au financement et à la logistique de la tournée. Nous étions vers la fin du mois de novembre, début  décembre, ce qui ne laissait plus beaucoup de temps pour la préparation, mais l’essentiel était que le principe était acquis, on pouvait passer le 8 avril au Zénith. Ce symbole était pour moi tellement fort et percutant que j’étais prêt à prendre tous les risques pour y arriver.  Au début je comptais plus sur des partenaires solides comme Villes des Musiques du Monde, par exemple, pour trouver les quelques spectacles indispensables pour couvrir le voyage, Miro était  aussi plutôt confiant dans  ses nombreuses relations. Nous avions aussi derrière nous une première expérience positive avec la Municipalité de Montreuil, ainsi qu’avec celle de Nanterre au niveau de l’hébergement, ce qui fait que je ne me suis même pas adressé d’emblé à Marianne ou à d’ autres partenaires plus modestes, mais efficaces,  pour la recherches de spectacles, conscient des délais trop justes pour se lancer dans une prospection sérieuse, faisant plutôt confiance aux partenaires plus établis. Il est vrai que je me suis laissé emporter par mon enthousiasme par rapport à cette incroyable opportunité que représentait à mes yeux le Zénith. Après une rencontre perso avec les Ogres, Yepce et moi-même dans un restau à Cergy au mois de décembre, où l’accord était confirmé, le temps passait de plus en plus vite et les diverses opportunités des spectacles tardaient à se concrétiser. Mais l’espoir était encore permis, tout le monde était conscient de l’enjeu que représentait pour nous cette date. Parallèlement à cela, chez nous la situation au niveau des répétitions devenait très compliquée à cause des  graves problèmes de santé du fils de Margita, ce qui faisait qu’il devenait très délicat, voire impossible de répéter régulièrement dans le couloir. Nous cherchions des solutions de substitution en allant répéter chez Dusan à Lomnica, mais on lui a déjà cassé plusieurs fois son mobilier et détruit ses tapis, ce n’était pas ça non plus. 

 

Donc avec ce Zénith qui pointait à l’horizon, nous nous sommes tournés  plus sur Paris et nous avons organisé une sortie en petit groupe – Helena, moi, Ivana, Stano, Dusko et Janka, avec Alex comme deuxième chauffeur, pour venir sur Montreuil et St. Denis répéter avec les jeunes Roms roumains, pour les inclure dans notre spectacle, et les faire monter eux aussi, sur la scène du Zénith. Comme d’hab., c’était aussi directement lié aux possibilités financières, qui étaient pratiquement nulles, heureusement Johann nous a proposé de participer à ce voyage avec 500 euros de la part d’Yepce, alors on pouvait partir. Partir  4 000 km pour juste quelques répétitions sur des terrains et des squats, sans savoir ou on va, comment et avec qui on va faire, était assez risqué sinon absurde. Mais partant du postulat que la situation des terrains et des squats est dans son essence bien plus absurde, c’est dans un ordre naturel des choses que nous primes la route pour Paris, au départ de Kežmarok, vers la mi-février 2009...

Mardi, la seule et unique répétition avec tout le monde avant le Zénith. Bien sûr qu’il y a beaucoup de nouveaux, qui ne seront pas là le lendemain, donc qui ne servent à rien, sinon à gêner, mais c’est comme ça, et ca serait dommage de les chasser pour cela. Autant qu’ils profitent au moins de cette répétition. Il y a beaucoup de gosses. Une soixantaine au moins. Les relais associatifs – Parada, Jeanne, Colette, Bielka, ont bien fonctionnés. C’est assez bordélique mais on y arrive quand même. Nous avons la visite de la responsable culturelle de l’ambassade slovaque et de la responsable du CCFD qui nous confirment toutes les deux le soutiens de leurs institutions respectives. On se quitte, en sachant que le lendemain on en verra d’autres. Pareil pour la logistique, il faudra improviser, mais il y a Parada, Bielka, Colette, on s’en sortira… et puis, il y Yepce qui arrive, avec Johann, Cécile et Julie, alors…

Avant le plaisir immense de voir sous ses pieds cet océan de bras et de têtes dans cette salle immense, le Zénith était pour nous avant tout synonyme de stress immense lié à une situation d’extrême incertitude par rapport à tout ce qui touchait la tournée, qui allait en graduant au fur à mesure que le départ approchait. Jusqu’au jour même du départ des points d’interrogations planaient sur les financements – on n’était sûr que de la première moitié du séjour, pour la quelle nous avons pris des engagements, mais rien n’était confirmé quand à la suite. Cette incertitude avec la responsabilité de s’aventurer sans un sous dans un voyage à l’étranger avec 35 personnes, tout en n’ayant pas des réponses pour des besoins logistiques élémentaires était très éprouvante, et s’il n’y avait pas ce fameux Zénith en point de mire, certainement nous aurions abandonnés le projet depuis longtemps. Donc après cette unique et ultime répétition chez Armand Gatti avec des participants de touts bords qui de toute façon ne participeront pas au final (ça, je le sais par expérience, mais cela n’empêche pas Helena de paniquer de croire que j’embarque tout ça avec nous sur scène), nous arrivons au jour J, le 8 avril, Journée Mondiale des Roms, soit dit en passant. 

Donc finalement, ce sont en gros ceux qui ont le plus participés aux répètes – les filles de Micha de St. Denis et quelques gamins de Montreuil qui arrivent, les choses se font de manière naturelle, mais nous sommes quand même au moins 25 de plus, ce qui fait que sur scène nous nous retrouverons à 60! Plus les parents et les proches, donc une bonne centaine de Roms sur place. En plus, dans un endroit assez exigüe, nous avons juste un petit vestiaire à notre disposition, mais, heureusement il y a tout un espace à l’étage que nous pouvons occuper. 

Nous voyons les Ogres juste le temps de faire une brève mise en place son et espace scénique, on fait une fois le déroulement de notre passage et c’est tout. Pour cela nous aurons passés pratiquement douze heures dans ce vase clos qu’est l’espace vestiaires du Zénith, avec une soixantaine de mômes, dont certains en bas âge, plus leurs parents, dont pour la plupart c’était une première expérience culturelle en dehors des déambulations musicales dans les couloirs du métro. Heureusement que le staff en place était très cool, à commencer par le régisseur, qui a d’emblé évoqué aussi les questions financières, enfin, et tout s’est en fin de compte bien passé. Tagada a fait un boulot super, en organisant les entrées des parents, en faisant délivrer quatre fois plus de passes qu’il n‘était prévu et en gérant les entrées et sorties. La présence des autres bénévoles de Parada, Yepce et autres, faisait que tout s’est bien passé au niveau de la présence sur le site de tout notre groupe, qui était en majorité écrasante sur ces lieux. L’ambiance est plutôt cool, tout le monde est motivé, la salle bondée fait son effet, en même temps chacun fait sa vie, on surveille ça tranquillement. Une chance formidable, sur le chemin de Marseille à Paris, Joëlle nous attendait vers une heure du mat sur l’autoroute prés de Valence pour nous remettre les 8 costumes que Ver’Kesaj a cousue pour nous. Une aubaine pour les filles de Parada, qui se voient pour la première fois habillées vraiment scénique. 

Nous devons passer qu’en fin de spectacle, vers 23 heures, ce qui nous laisse un sacré bout de temps à attendre. Le concert commence vers 2O heures, mais à partir de 19 heures on fait déjà rentrer les spectateurs. La salle se remplit vite. A 19h30 nous faisons une intervention dans le public, juste au devant de la scène, en chantant et en dansant. C’est plutôt bien perçu et cela fait son effet, d’autant plus que c’est inattendu. Les Ogres n’ont fait aucune comm par rapport à notre passage, ni ceux des autres invités. C’est leur politique. Je comprends cela, mais je trouve que nous nous ne sommes vraiment pas comme les autres invités, et que c’est dommage d’être passés à côté de cette occasion de médiatiser l’événement. Cela ne m’aurais jamais venu à l’esprit, cette absence de comm me désole, mais c’est comme ça. 

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Le concert commence. Les invités se suivent. Dont Pierre Perret avec sa Lilli. La salle chauffe, c’est très impressionnant. Quand je pense que parmi les gosses Roms roumains il y en a dont ce sera leur première scène, et qu’ils sortent droit des cabanes du dessous de la rocade de l’autoroute... 

Tarzan, un jeune Rom roumain, bon danseur, très sympa même s’il est un peu éméché,  visiblement très excité dans son costar à rayures, me propose inopinément de m’aider à sauver le spectacle en intervenant avec un solo de claquettes juste entre nous et les Ogres ! Mince, il est prêt à monter sur scène. Je réussis à l’en dissuader, mais je n’oublierais jamais sa proposition généreuse.  Notre moment approche. Je fais monter la sauce. On n‘ a que 10 minutes. Il faut y aller à fond! Tous! On y va... Un diaporama de photos avec un texte lu par Jeanne Moreau sur des événements tragiques dans un camp servent d’intermède pendant le temps d’installation des micros pour nous. Il n’y a pas grand chose, d’ailleurs. Ce qui fait que juste une voix passe convenablement, le reste est perdu. Mais au moins le synthé avec les basses sort bien, ce qui est essentiel. On est dopés par la salle pleine, que du monde, des têtes, des bras, des cris, sifflets, ambiance! Tout le monde est à fond. Cela passe plutôt bien. Quel panard ! Il est évident que tous les efforts démesurés pour en venir là, n’étaient qu’à leur juste mesure… Les nouveaux font leurs preuves et les anciens assurent. La jonction avec les Ogres et notre chanson commune Ara more est nickel. En plus tout est filmé de main de maître par Eric des JMM. On peut quitter la scène la tête haute. Il est en peu avant minuit. Notre car ramène les Roumains dans leurs camps et nous rentrons vers Melun. Le lendemain on récupère. Après le succès de la veille on est comme sur un nuage…  

 

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