Fête de la Danse

 

Genève – Fête de la Danse, 3 – 8 mai 2017

Genève – ouverture du Festival, stade de Genève, 3.5.2017

Grenoble – Mme Ruetabaga, Centre social autogéré le 38, 4.5.2017

Genève – École Sécheron, 5.5.2017

Genève – Alhambra, 6.5.2017

Genève – Bal de clôture, Plaine de Plainpalais, 7.5.2017


Personne n’est prophète en son pays, nous ne faisons pas exception à cette règle immuable, et moins on est sollicité chez nous, plus on nous demande à l’étranger. Le calme plat au niveau national est troublé, dans le bon sens, par une invitation à la Fête de la Danse à Genève. C’est un événement de grande envergure, qui, à l’image de la Fête de la Musique en France, réunit dans la Suisse entière plus de 80 000 participants, qui durant la première semaine de mai s’adonnent à toutes les formes de danses, allant du classique au hip hop, le tango, la salsa, le break, tout y passe. C’est très bien organisé, normal, la Suisse oblige, et c’est très impressionnant. Outre les manifestations de masse, de nombreuses compagnies de danse, des ballets, dont certains de renommée mondiale, prennent part à l’événement en présentant ce qu’ils ont de mieux à leur répertoire. Donc, tout un honneur pour nous que de faire partie de ce beau monde, et en plus, nous avons le privilège  d’être « l’Invité spécial » de l’édition 2017. Cette aubaine, nous la devons à Cèline, une genevoise, qui nous a découverts sur l’internet, elle est venue passer une petite semaine chez nous avec ses grands enfants l’année dernière, et a ensuite embrayée sur le contact avec le festival, dont la présidente est une amie à elle. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes là par piston, loin de là. La direction du festival s’est déplacée en hiver à Paris, où nous étions en tournée, ils ont vérifié la qualité du « produit », et ce n’est qu’ensuite que nous avons conclu sur notre participation. Nous nous sommes produits à maintes reprises dans de différents endroits de Genève, sur scène, dans des associations, dans un gymnase, au super-marché, à l´école, bref un peu partout. Le point culminant était le spectacle en soirée à l’Alhambra, un des plus beaux théâtres de la ville.  Partout, un franc succès et un public acquis dès le premier jour. Les médias n’étaient pas en reste, nous avons eu des super articles et des photos dignes des stars. Genève ne correspondait absolument pas à l’image de la ville de banquiers et de snobs, qu’on s’en fait d’habitude. J’étais un peu comme Obélix, qui n’arrêtait pas de nager dans le Lac de Genève, en demandant, mais où sont ces montagnes… Moi aussi, j’aurais pu demander, mais où sont ces vils banquiers et ces bourgeois qui ne pensent qu’à leurs sous… C’était tout le contraire. Nous étions accueillis par des associations qui s’occupent des jeunes en rupture, en l’occurrence c’est eux qui assuraient notre restauration tout au long de notre séjour, et c’était une rencontre vraiment formidable. Des gens très chaleureux, très investis dans leur mission, à l’opposé de cette caricature du Suisse banquier qui fait jurisprudence à l’international. Comme quoi, il n’y a pas que les tsiganes qui traînent des casseroles de préjugés tordus…

Ce séjour s’est vraiment très bien passé. Les organisateurs, des amis, étaient aux petits soins pour nous. Nous étions hébergés dans un énorme dortoir, avec une centaine de lits superposés, peu importe, cela nous permet d’avoir tout le monde à l’œil, sous contrôle. Mon lit est à l’entrée, je surveille tout. Mais point n’est besoin d’excès en ce sens. Il n’y a aucun fait divers à déplorer au niveau de la discipline et de la cohésion du groupe. Au contraire, tous prennent volontiers part à toutes les activités en dehors des spectacles. Lorsque nous intervenons dans une école élémentaire du centre Genève, avec d’autres groupes, nous avons ensuite un temps d’attente assez long à passer dans la cour, avant de partir dîner. Je me demande ce que l’on va bien pouvoir faire toute l’après-midi dans cet espace fermé, avec plus d’une centaine de petits suisses de toutes provenances et origines, d’environ de 10 ans d’âge moyen, qui courent dans tous les sens dans cette cour de recréé. Mais nos jeunes, naturellement, sans qu’on ait rien à leur demander, se sont fondus dans cette masse juvénile, à jouer avec eux, à se courir après, à danser, chanter, comme avec leurs petits frères et soeurs du bidonville. Inutile de dire que les petits autochtones genevois étaient ravis, et ne voyaient pas le temps passer. Les enseignants qui étaient de service n’avaient pas à bouger le petit doigt…

 

Alhambra

La petite semaine que nous avons passée sur les bords du Lac Léman est passée très vite. Des prestations en tout genre, c’est vrai, il y en eu pas mal, mais il n’y a pas de mal à cela, puisque tout le monde était très sympa… Même les chauffeurs des bus genevois. A Genève, se garer, relève de l’impossible. C’est pourquoi nous avons fait la majeure partie de nos déplacements en transports en commun. Mais lorsque nous ne pouvions pas faire autrement, nous nous sommes retrouvés samedi à tourner en rond avec notre bus, dans une situation sans aucun espoir de sortie. Il n’y avait vraiment pas un endroit où garer cet énorme engin. Par hasard, nous étions juste devant le Dépôt central des bus de Genève. Il ne serait venu à personne l’idée d’aller demander de se garer là. A personne, sauf à Cèline, qui nous accompagnait, et qui a réussi, d’ailleurs sans trop de mal, à négocier une place pour notre bus polonais (nous avions fait appel à une compagnie de l’autre côté des Tatras) parmi les bus municipaux de la capitale helvétique. Un truc pareil serait totalement impensable chez nous. Décidément, la Suisse n’est plus ce qu’elle était. Tant mieux.

Nous étions programmés pour le samedi soir au Théâtre de l’Alhambra. Un super endroit. Très belle salle, avec tout ce qu’il faut comme équipement dernier cri, bien sûr. L’ingénieur du son, sympa, comprend très vite nos spécificités, et n’insiste pas pour changer quoi que ce soit à notre façon de jouer tout en tapant, de chanter tout en criant, comme cela arrive couramment avec d’autres de ses collègues moins tolérants, pour ne pas dire plus obtus. Il nous  prend tels quels, fait au mieux avec ce qu’il y a, tant pis pour la timbale, cela fait partie de la vie, de notre vie, alors on la garde, et sereins et confiants, nous pouvons attaquer la soirée. La salle est comble, en première partie une compagnie professionnelle de hip hop, d’un sacré niveau, parfait pour nous mettre en train. Les organisateurs expriment le souhait de concocter un final avec les deux troupes. Pas de problème, pour nous c’est du béàba, une seconde nature en quelque sorte. On explique un peu le truc à nos nouveaux partenaires. Des amerloques et des suisses. Bien que rodés à la scène, manifestement ils ne sont pas familiers de ce genre d’improvisations. Peu importe, on les emportera avec nous tels quels. C’est ce qui se passe. Ils font leur prestation, en première partie de la soirée. Après l’entracte nous attaquons notre passage. Super. Du gâteau. Les conditions exceptionnelles de toute la semaine, ainsi que l’exceptionnelle qualité  de la salle, font qu’on se surpasse allégrement, la salle réagit à merveille, le public en redemande, les standigs ovations n’en finissent pas. Pareil pour le final avec les hip hopistes. Ils n’ont pas le temps de s’étonner de quoi que ce soit, on le amène avec nous, on les balade dans notre façon de faire, à la tsigane, tout le monde à l’abordage, la salle est debout, tout le monde danse. Quoi demander de mieux pour ue final de la Fête de la Danse. Nos amis, les organisateurs, sont ravis, nous aussi. 

 

 

Plainpalais

Le dernier spectacle était programmé en plein air, dommage, le temps était plutôt morose, des petites bourrasques et un froid assez vif, et de notre côté une fatigue et usure sensibles, normal, vu les cadences de prestations que nous venons d’assumer au fil des derniers jours. Nos organisateurs étaient tellement sympas, qu’il ne nous serait même pas venu à l’idée de faire des histoires, puisque nous voyons bien qu’ils y tenaient à cette représentation. Nous nous sommes bien couverts, et c’est en civil que nous avons dansé sur une scène montée au milieu de la  Plaine de Pleinpalais. Malgré le temps, il y avait pas mal de public, nous avons fait comme d’habitude, et rapidement, des passants,  des badauds qui étaient là, se retrouvaient entraînés dans notre ronde, pour le plaisir et la joie de tous. Mais, comme souvent en de pareilles circonstances, et là, ça n’a pas raté, non plus, est survenu le clochard de service, bien éméché, qui voulait, lui aussi, prendre part aux réjouissances. Et, bien sûr, il était tsigane. C’était un vieux Rom roumain, avec une dégaine  de clodo de carte postale, grosse barbe, gros chapeau, un bâton de pèlerin, et rien ne pouvait l’empêcher de retrouver son génofond ancestral, il fallait absolument qu’il ait sa part de gloire ce jour là. Ses prouesses de danseur n’étaient vraiment pas à la hauteur de l’idée qu’il s’en faisait, mais il n’y avait rien à faire, il voulait à tout prix montrer à tous ce dont il était capable. En de pareilles circonstances, ce n’est pas la peine d’insister, il faut faire avec. Nous sommes rodés à l’exercice. Et après tout, c’est la Fête de la Danse. Nos danseuses le prennent dans la ronde, ça nous fait un soliste de plus, et le spectacle monte en sauce. On aura tout vu dans cette Genève atypique, les derniers étaient les premiers…. Mais, tout compte fait, il est assez sage, et arrive même de temps en temps à suivre mes directives, alors je lui fais l’honneur suprême de le faire monter avec nous sur la scène pour le tableau final, le chant hymnique O Roma. Il trône au centre, en plein milieu de nos danseurs, fière comme tout. Il faudrait encore qu’il arrête de bouger, ce que, manifestement, il n’a pas l’intention. Alors je viens lentement vers lui, je traverse toute la scène au pas d’oie, je fais le salut militaire, et je lui dis d’une voix ferme, droit dans les yeux : Vivat Caucescu ! Il se met au garde à vous, lève sa main à la hauteur de sa tempe, et ne bronche plus jusqu’à la fin du morceau. Ah, la nostalgie, quand tu nous tiens…

 

 

 

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