printemps 2013

 

Kesaj Tchavé

Le groupe Kesaj Tchavé c'est 30 jeunes musiciens, chanteurs danseurs de culture Roms. Ils étaient à Istres la semaine dernière pour participer ensuite à Marseille au festival Latcho Divano.

Il se seront produits dans une école primaire, un collège mais aussi au Magic Mirror, salle de spectacle de la ville d'Istres. A chaque fois leur générosité aura marqué les esprits, leur énergie nous aura fait oublier pour quelque instants leurs conditions de vie si difficiles lorsqu'il sont en Slovaquie, les échanges auront toujours été riche de sincérité et de partage ; la musique le chant et la danse comme vecteur principal de Communication...

Nous aurons entendus, vu mais aussi un peu appris de leur culture....

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Tournée de printemps

 

mars avril 2013

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La tournée de printemps 2013 reposait sur une résidence du groupe à la MJC Bréquigny. Cette idée germait depuis bien longtemps. Nous sommes déjà passés à deux reprises à Bréquigny. En 2008 et en 2010, toujours avec un franc succès. Avec nos différents partenaires, nous souhaitions donner un cadre plus serein à la prochaine venue, et une résidence artistique nous paraissait la plus approprié pour encadrer un tel projet. Mais les choses avaient du mal à avancer, la situation des institutions culturelles en France est loin d'être simple, et il a fallu réunir plusieurs intervenants pour que le projet,  au bout de plusieurs années, puisse enfin aboutir. L'association Yepce, donc notre ami Johann, épaulé aussi par des nouveaux venus dans l'aventure, tels que la fameuse chorale Les Têtes à l'Est, ont enfin réussi à concevoir et écrire un projet pédagogique de résidence en partenariat avec des écoles de Rennes, et à le présenter à des interlocuteurs tels que le Conseil Régional, la Ville, etc. Les promesses des prometteurs n'ont pas toujours été suivies d'effets, mais grâce à la détermination et l’enthousiasme de nos amis le projet s'est peu à peu mis en place, et malgré des désistements de certains partenaires financiers, il pu enfin voir le jour. Il est à souligner que le projet a été entièrement porté par nos partenaires de Rennes. Livré clefs en main. A ce stade, c'est une implication directe et décisive dans l'évolution même du groupe, sans eux la tournée n'aurait pas lieu, nous mêmes étant trop accaparés par les événements relatifs à la marche du collège à Kežmarok, pour nous investir encore à l'extérieur. Donc c'est un apport  véritable, consistant, permettant de nouveau de franchir un cap, de poursuivre dans la continuité, en faisant fructifier les acquis du passé.  Ce n'est pas qu'une tournée de plus parmi d'autres… Chaque tournée, chaque événement est important, fondamental, essentiel pour continuer, pour exister. Et à ce titre l'implication de nos partenaires externes dépasse uniquement le stade d'ingérence extérieure, leur action rejoint le fondement même du groupe, fait partie de sa construction au quotidien, celle qui assure la survie et la pérennité du projet initial.

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La résidence à Rennes était prévue sur une semaine, en chevauchant sur le temps des vacances scolaires de Pâques en Slovaquie, eh oui, nous ne voulons pas que nos élèves manquent trop aux cours... Le projet étant bien monté, nous n'avions pas besoin à priori de chercher d'autres productions pour compléter la logistique. Mais spontanément d'autres occasions de spectacles se sont présentées, et bien sûr, nous n'allons pas les refuser. Une tournée sur un peu plus de deux semaines se profilait, la résidence à Rennes en premier et avec comme partenaire complémentaire le festival Latcho Divano de Marseille, où nous sommes déjà passés il y a quelques années. Avec le soutien de Jean-Pierre Liégeois et Elisabeth Crose pour le relais avec Marseille Provence 2013, capitale européenne de la culture, et aussi le Cirque Romanes qui lançait son Centre culturel itinérant Tchiriclif, en passant par Cergy et Sérent en Bretagne. Bien que certaines questions d'hébergement et de prises en charge n'étaient résolues que peu avant notre départ, on peut dire que tout se passait dans une certaine sérénité, en tout cas bien plus grande qu'à l'habitude. Nous étions toujours incapables de préciser exactement le nombre de participants, finalement au départ nous étions 36, plus les deux chauffeurs, donc pas trop de débordement…

 

Cergy

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Notre première représentation devait avoir lieu à Cergy, aux Visages du Monde,un lieu de spectacles ouvert que tout récemment, donc dans de très bonnes conditions scéniques. Un immense panneau lumineux avec notre photo nous accueillait, nous étions à l'affiche avec un groupe de rap, pour participer à une soirée dans le cadre d'un festival de danses actuelles. 

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Le tout était relayé par Olivia, une étudiante qui est venue passer un mois chez nous il y a 2 ans dans le cadre de son stage de fac. Un peu avant le départ les organisateurs nous ont annoncé qu'ils ne pouvaient plus assurer l'hébergement prévu initialement à leur charge. Ce n'est pas grave, on a connu pire, on va se débrouiller. L'idéal aurait été de prendre un F1 pour une nuit, mais nos réserves financières ne nous permettaient pas une telle frivolité. L'avance que Johann nous a envoyé, est passée au chauffeur, mais cela n'a pas empêché que 300 km avant Paris nous nous retrouvions en panne sèche. Le chauffeur a utilisé l'avance pour l'achat de pièces pour son bus, et n 'avait plus assez de sous pour parvenir jusqu'à la première destination. En plus il a oublié son GPS… Malin. Donc à trois heures de Paris, on fait les fonds de poches, heureusement il y avait avec nous Jean-Michel Delage, qui nous suivait pour son documentaire, et d'observateur, il allait devenir acteur en passant à la caisse de la station d'essence. Ouf, on avait juste de quoi rejoindre Paris, alors on fonce directement au Cirque Romanès, où notre première question est: "T'as pas cent balles?" Sympa. 

 

Heureusement que Délia et Alexandre connaissent bien ce genre de déconvenues, et ont de quoi assumer en nous donnant une avance sur le spectacle que l'on donnera chez eux dans deux jours. Comme ça on a de quoi arriver jusqu'à Cergy et Sérent, qui sont nos prochaines étapes. 

 

Autant à Cergy tout se passe bien sur scène, malgré la fatigue des 34 heures du voyage je pense que nous envoyons un spectacle correct, les conditions très professionnelles motivent toute la troupe, il y  aussi Duško et Joana dans la salle qui sont venus nous voir en spectateurs, ce qui est sympathique et motivant, après le spectacle on doit faire face à la dure réalité – comment se débrouiller pour l’hébergement? 

Après le désistement des organisateurs à ce niveau nous avons élaboré avec Olivia un plan de rattrapage qui consistait tout simplement à répartir tout le monde sur deux maisons qui servent d'appartements d'étudiants pour ses copains de fac. Plutôt sympa comme solution, bien que je craignais un peu le côté désinvolte de ce genre d'habitat. Déjà le premier problème était de trouver les lieux. On a quitté la salle de spectacle vers minuit, Olivia, elle-même n'arrivait pas trop s'orienter à Cergy, et sans le GPS c'était carrément la catastrophe. Nous avons laissé le bus à un carrefour, le laissant à son sort, c'est à dire autonome pour trouver le F1 que nous avons réservé pour les chauffeurs, Jean-Michel se joignant à eux, malade qu'il était après la première nuit et journée de voyage dans notre car surchauffé ou glacé en alternance sans autre raison apparente que le rapport quasi charnel du chauffeur à son car, conjugué avec un manque flagrant de considération pour sa clientèle que nous avions le malheur de constituer (décidément, la pénurie de chauffeurs de bus slovaques potables perdure…).

De mon côté, j´allais avec avec avec toute la troupe, guidé par une Olivia tâtonnante, chercher les deux bâtisses qui devaient nous accueillir. Cergy, une heure du matin, on déambule. Je reviens vers le bus pour récupérer mon chargeur de portable, en prévenant les autres qu'ils m'attendent. Bien sûr, il n'en est rien, et lorsque je cours pour les rejoindre, je ne trouve personne. Sympa. Toujours à Cergy, 1h30, personne dans les rues, pas le moindre signe de la troupe, je me demande bien comment je vais faire pour les retrouver, mon portable sera bientôt éteint, et de toute manière Olivia ne prend pas mes appels. C'est là que je découvre deux de nos ados en train de faire pipi… Chouette, ils ont eu la bonne idée de m'attendre et on va retrouver les autres. Non, ils ne m'attendent pas, ils sont tout aussi perdus que moi… Bon, au moins je les ai retrouvés. Mais ils me disent que ça doit être par  là-bas, dans cette direction que sont partis les autres. On part dans la nuit, en direction de quelque part…  Enfin on les aperçoit. Il y a Helena et une douzaine de mômes. Ils nous attendent. Quelle bonne idée. Mais non, ils sont aussi paumés que nous! Olivia a disparue avec le reste du groupe. Du moins j'espère qu'elle ne les a pas laissés quelque part dans la nuit comme nous... On réussi ainsi à se retrouver à 16, à être paumés à Cergy. La moitié des effectifs. Il est presque 2h du mat', aucune idée d'où on se trouve, ni où on doit aller. Olivia est dans la nature, elle ne prend pas mes appels, il fait froid, un crachin léger commence à tomber. Ça fait 40 heures que nous avons quittés Kežmarok.  Sur le bitume. Hagards. Que faire?

 

C'est là qu'il y a un gars qui passe par là en vélo. Par hasard. Par hasard, il se trouve que c'est un copain étudiant d'Olivia qui rentre chez lui et peut nous guider pour rejoindre les deux maisons. Il est 2h20. Pendant ce temps je reçois les messages apocalyptiques de Jean-Michel qui pète les plombs, car il n'a toujours pas réussi à trouver le F1, les chauffeurs étant totalement inaptes, et la navigation de son portable impraticable. Mais, chacun ça vie, ma priorité c'est les mômes. Bon, voyons ce que ça donne dans les deux bicoques. C'est ce à quoi je m'attendais. Deux gîtes étudiants, pleins d'étudiants tout cool, en train de faire un peu la nouba et un peu les devoirs vers les 3 heures du mat', nous recevant à la décontracte, en picolant légèrement,  bien sûr ne se rendant  pas  compte que ça fait 40 heures que nous sommes sur la route,  ni que certains des mômes ont à peine 9 ans. Mais, c'était déjà très sympa de nous accueillir.  Le tout c'est de rester cool et dispatcher notre marmaille dans tout cela. Les deux maisons sont distantes de 5 mn de marche, vite on fait une répartition sommaire des filles et des garçons, des petits et des grands, on installe ça comme on peut, sur des matelas, dans les séjours, couloirs et les chambres. Les nouveaux sont un peu déconcertés, les anciens ont l'habitude, et la fatigue aidant on s'écroule tous, les uns et les autres comme on peut et où on peut. Les grands en profitent encore pour partager la convivialité étudiante, et les bouteilles et les clopes aussi, bien-entendu. Je fais juste les gros yeux pour qu'ils n'exagèrent pas trop, et je sombre dans le coma.

Le réveil est matinal, ce n'est pas la peine de s'attarder, et de toute façon, un sacré bout de route nous attend pour rejoindre Sérent, à quelques  400 bornes de là. On réussit à improviser un petit déj' vite-fait et on reprend la route avec nos chauffeurs, qu'on a réussi à retrouver avec Jean-Michel, grâce à Rozalia, qui nous a rejoint depuis Paris avec son équipe de tournage tchèque, en possession enfin d'un GPS, ce qui présage des jours meilleurs au niveau de l'orientation dans le paysage…

 

 

Direction Bretagne

fin mars 2013

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Avoir un GPS, ça aide, nous rejoignons Sérent sans trop de mal, où nous sommes accueillis très chaleureusement par Régis et l'association les Passeurs d'images et de sons, mais aussi par  l'équipe municipale qui s'engage toute entière dans cet événement qui consiste dans la projection d'un film suivi d'un débat et de notre prestation. Le tout sur le thème des Roms. Le Printemps Tsigane. 

 

Nous sommes un peu sur la brèche, toujours dans la dynamique du voyage, après la dernière nuit en bivouac et la précédente sur la route, nous envoyons malgré tout un solide spectacle, très bien reçu par le public. Standing ovation. Somme toute dans une bonne humeur générale nous rejoignons le dojo municipal qui va nous servir de dortoir. C'est vrai qu'à ce stade là nous sommes déjà bien cassés, et on se pose tous là où on nous dit de nous poser. J'entame ma série de deux semaines de nuitées de trois heures, ça me permet de découvrir au petit matin un petit bled superbe, avec une église incroyable, et partager ensuite avec tout le monde un petit déjeuner copieux avant de reprendre la route. 

Puisque nous sommes pas trop loin de l'océan, on décide de faire un tour à la plage, Régis nous sert de guide avec sa famille, et malgré le froid persistant de cette saison d'hiver à ne plus en finir, on découvre les plages, et certains ne résistent pas à la tentation de faire trempette dans la grande mare salée.  Rozalia fait des prises de vues avec Jenika et Perla pour son documentaire filmo-thérapeutique sur les rêves des gosses de Kesaj Tchave.

 

Le décor naturel est superbe, en y ajoutant quelques coupes de champagne les filles peuvent se croire sur la Croisette, les caméras tournent… Ce break au grand air nous fait du bien, et tranquillement, nous repartons en direction de Rennes pour rejoindre l'équipe de Yepce.

J'essaie de profiter du trajet pour m'assoupir un peu, mais mon portable sonne. C'est Olivia. Ses amis qui nous ont hébergés, constatent après notre départ que des bijoux, une chaîne en or et d'autres objets ont disparus après notre passage. Bonjour les dégâts! Qui a fait ça? Helena part tout de suite à l'arrière du car voir les ados pour mener l'enquête. Il n'en faut pas plus pour découvrir le pot aux roses. La plupart des bijoux bons marché sont exhibés sur les torses des gars, et la chaîne est dans la poche de Dalibor, à qui on fait porter le chapeau. Je me doute bien que les autres devaient bien savoir de quoi il en était, mais ils jurent qu'ils n'étaient pas au courant, que c'était lui qui leur avait "offert" ces cadeaux. Il nous manquait plus que ça. Juste en début de tournée. Ça me surprend plutôt de la part de Dalibor, qui avait l'air, au contraire, plutôt sensé, sans problèmes.  Le jour du départ pourtant, il a fallu que j'aille personnellement à son école pour persuader ses profs de le laisser partir, parce que les derniers temps il était plutôt dissipé, mais c'était plus une occasion de le mettre au pas, pour qu'il soit conscient de la chance qu'il a et qu'il arrête de faire le con. Mais là…

Olivia téléphone pour nous signaler encore d'autres objets (des rasoirs, un coupe-cheveux), qu'on arrive à récupérer au fur et à mesure. Je sais maintenant par expérience, qu'en principe ce n'est pas trop méchant, mais il n'est pas question de laisser passer ça. On explique à Dalibor et aux autres la gravité de leur geste, Helena gueule un bon coup, on lui promet de ne plus faire partie du groupe. Mais en même temps je sais que c'était une sorte de "réflexe naturel", on aurait du faire plus gaffe pour éviter cela. En nous référant aux expériences antérieures, on sait que cela pourra servir de leçon, et ne devrait plus se reproduire. C'est pour que ce genre d'incident ne se produisent pas que l'on fait ce que l'on fait.  Mais on ne peut pas se permettre ce genre d'écarts vis-à-vis de nos partenaires. Je me doute bien que ces "travaux pratiques"  ne vont pas trouver de compréhension auprès des jeunes qui nous ont hébergés et qui pâtissent maintenant de leur générosité. Heureusement que cela n'arrive pas trop souvent, sinon on serait grillés partout. Je crois qu'en 10 ans de tournées, c'est la deuxième fois qu'un fait similaire se produit. Mais le mal est fait. Olivia est complètement défaite, bien que comprenant, etc,.  Le pire est que certainement, ses amis ne pourront plus revenir sur leur vision des Roms. Et pour cause. A ce niveau une telle affaire est  vraiment dramatique. C'est ce que nous essayons de leur expliquer et leur faire sentir. On met la pression. En même temps il faut gérer le groupe, nous en sommes qu'à la deuxième journée de la tournée, il y a encore deux semaines à tenir…

Résidence

 

A Rennes, nous sommes enfin logés dans un gîte, et tout un chacun retrouve un lit bien mérité et bien apprécié après les trois jours de nos pérégrinations. Nous ne resterons que deux nuits, mais c'est déjà formidable de pouvoir se poser un peu. Nous voyons que très sommairement Johann, accaparé qu'il est par l'organisation de notre résidence, nous n'aurons pas l'occasion de profiter plus que ça de sa présence. 

Mais de nouveaux partenaires viennent nous rejoindre, et nous jouissons d'un accompagnement attentionné et efficace tout le long du séjour à Rennes. Le lendemain nous devons attaquer dès le matin avec une intervention scolaire suivie d'atelier, alors on essaie de ne pas trop traîner, dans la mesure du possible. Heureusement, Helena prend le relais et je peux m'assoupir un peu.

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Le séjour à Rennes, la résidence artistique, est concentré autour des ateliers avec des classes du primaire qui ont travaillé depuis la rentrée sur notre répertoire et nous allons maintenant ensemble monter un spectacle que nous présenterons au bout de deux jours aux parents dans un rendu publique. Autant dire que malgré l'apparente sérénité et quiétude que j'essayais de communiquer autour de moi, et surtout aux enseignantes des classes concernées, j'appréhendais quand-même quelque peu ces ateliers innovateurs autant pour nous que pour nos vis-à-vis. En effet, nous avons une grande habitude de travailler avec les publics scolaires, de les mener, les manipuler, pour les amener au final là où nous voulons – à un partage  d'un moment lors d'un événement artistique que nous maîtrisons dans notre régie. A une participation de notre spectacle, donc à une participation à une frange de notre vie. Je sais, par les retours que nous avons de notre public, que les moments d'échanges, lorsque les spectateurs participent à notre spectacle en dansant avec nos jeunes qui viennent les chercher l'air de rien, laissent des souvenirs durables, même des années après. C'est pourquoi j'attache une importance particulière à tout ce qui touche au travail avec le public, j'essaie d'atteindre une efficacité certaine, tout en maintenant une spontanéité et un plaisir partagé tant par les spectateurs, que par nos jeunes. Périlleuse entreprise, que de maîtriser la spontanéité  tout en la sauvegardant,  il y a encore du travail à faire, mais les progrès et les acquis sont palpables… En l'occurence, dans le cas présent il ne s'agit pas tout à fait d'un travail d'improvisation spontanée, puisqu'un travail préalable a été effectué, mais l'improvisation prend quand-même une grande place, du fait du peu de temps dont nous disposons. Mais, avant tout, avec tout le travail qui a été fait au préalable par les enseignants et leurs élèves dans le cadre du projet, une responsabilité bien plus grande en découle. Il y a des attentes et des espoirs qu'il ne faudrait surtout pas décevoir, au contraire,  il faudra respecter et valoriser le travail qui a été fait, inclure le produit artistique de nos partenaires dans le spectacle final, et le mettre en avant.

Il y a quelques mois, Stéphanie, une des enseignantes, m'a envoyée un enregistrement de nos morceaux réalisé par ses élèves. Malgré tout le travail que l'on sentait derrière, musicalement c'était très, très sommaire et simpliste. Il était évident que ces enfants débutaient avec la musique instrumentale (les instruments à vent), et à vrai dire, c'était à peine si on arrivait à reconnaître les mélodies qu'ils interprétaient. Je me demandais bien qu'est-ce que l'on pourra faire avec un tel matériel! En même temps il était évident qu'ils se sont donné bien du mal pour arriver déjà à un tel résultat, et il était essentiel de ne pas les décevoir, pas plus que leurs professeurs.

C'est le jour J, le matin, nous sommes tous à pied d'oeuvre, l'heure n'est plus aux questions, il faut agir. Et vite, tout le monde arrive en même temps dans la salle de la MJC. Le temps de prendre mes repères, heureusement, les gosses prennent les devants. Ils communiquent instantanément entre eux autour des instruments – les saxos surtout, font baver nos musicos. Les petits Français ne sont pas en reste, ils sont plutôt cool, pas trop impressionnés, ouverts, et spontanément ils attaquent les morceaux qu'ils ont appris. Quelle bonne surprise! Ce n'est pas du tout comme sur l'enregistrement, apparemment ils ont fait des sacrés progrès et il est tout de suite évident qu'on pourra les inclure facilement dans notre spectacle. Une joyeuse pagaille s'instale, je laisse faire, tout en essayant de ne pas trop laisser déborder. Quand ça déborde quand-même, on fait une démonstration musclée de notre savoir-faire scénique et on passe à un travail par groupes, garçons et filles.

 

Il est évident qu'en espace de si peu de temps on ne pourra pas faire grand-chose de vraiment construit, et au spectacle final on fera avec ce qu'il y a, mais il me semble essentiel de donner quand-même l'impression de travailler, s'investir, d'utiliser le fruit de leur travail, alors on se concentre sur un morceau qu'ils possèdent déjà correctement, Me tut na kamav et Pasvare, en essayant de leur apprendre à réagir à ma direction „naturiste“, en se lâchant, en s'adaptant aussi à la dynamique du groupe, qui est essentielle dans notre conception du spectacle, de son ressenti et de son vécu au final. Malgré la cohue générale, il me semble que ça se passe plutôt bien, et je suis surpris par la réactivité de nos jeunes partenaires. Je sens Stéphanie un peu tendue, légèrement inquiète, mais ça ira.

 

Tchiriclif

 

Nous nous attardons pas trop, le temps presse, une sacrée journée nous attend. En effet, ce soir nous devons encore nous produire au Cirque Romanès, et  les 800 km de route que nous avons devant nous me donnent froid dans le dos… 

 

A vrai dire, nous nous serons bien passés de cette virée. Mais Délia et Alexandre avaient apparemment bien besoin de notre participation au lancement de leur Centre culturel itinérant  tsiganeTchiriclif, qu'ils ont programmé juste ce weekend. Tout cela s'est fait un peu à la dernière minute, nous avons déjà nos engagements à Sérent et à Rennes, donc il ne nous restait qu'à faire cet aller-retour Rennes Paris, pour satisfaire la demande des Romanès et honorer de notre présence le nouveau-né, Tchiriclif.

On peut dire que maintenant nous avons l'habitude du Romanès, on sait où on va, mais malgré cela Délia a réussi à me surprendre. En effet, la seule chose sur la quelle j'insistais, était la restauration. Vu notre programme ultra chargé, il était essentiel que la troupe puisse se ravitailler tout de suite en arrivant de Rennes, pour être rassasiés avant le spectacle. On en a parlé bien avant notre venue, en précisant les détails, pas de sarmelé ni salades, mais des grillades et des frites que tout le monde puisse manger à sa faim, et durant la journée, j'ai appelé plusieurs fois le Cirque pour mettre les choses bien au point. Bien sûr, il n'en a rien été. Lorsque nous arrivons, les grillades somnolaient encore tranquillement au fond des frigos, aucune frite en vue, et nous devions attaquer le spectacle dans une demi-heure. Les caméras des télés, sont comme d'habitude à pied d'oeuvre. Nous, pros, le sourire au lèvres, nous paradons devant les objectifs pour un scoop qui passera toute la journée en boucle le lendemain sur Bfm. Mais on aurait aimé béqueter un peu…

Et, miracle du Cirque, un bon coup d'essence sur les barbecue, en 15 minutes tout était ok, tout le monde a pu s'empiffrer des fameuses grillades de la mère Délia, coca et frites à volonté, et  on a pu rejoindre la piste le ventre bien rempli et affronter de nouveau les caméras avec un vrai sourire. Le chapiteau était lui aussi, bien rempli, ce qui était tout à fait honorable pour un lundi de début de semaine.

 

Il y avait aussi pas mal de nos amis, certains venant de loin pour nous voir.  Duško et Joana sont réintégrés illico dans la troupe et tout repart comme en 14… Malgré la fatigue et le risque de défaillance dus à l'effet de la fatigue du troisième jour, c'est un spectacle bien dynamique et enlevé que nous envoyons, et satisfaits, nous retournons à Rennes, accompagnés de Meklesh et d'Issaï, pour lequel ce sera sa première tournée avec nous.

 

Issaï  était notre premier contact sur le terrain de Montreuil à nos débuts en 2008. Il n'avait que 10 ans à l'époque, et nous sommes heureux de le voir enfin, à 15 ans, rejoindre notre troupe en tournée. Sa mère a enfin confiance en nous, ou plutôt, ne peut plus s'opposer à la volonté de son gamin qui est maintenant chef de la tribu familiale. Il faut dire aussi que son père est en vadrouille, tout pasteur qu'il est, et ne s'occupe plus trop de ses marmots, préférent prêcher la bonne parole auprès d'autres,  mais ramasser les allocs auprès des siens… Pour ses 5 ou 6  filles, c'est différent, elles sont interdites de danse et de chant et doivent croupir au fond de leur caravane (cette facon de gérer l'espace familial à la taliban me révolte…), mais au moins le fiston peut prendre le large avec nous.

Ateliers et débats

On repart vers minuit pour Rennes.  Il est évident que le lendemain tous ne pourront pas prendre part aux ateliers du matin, vu que nous sommes rentrés qu'au petit matin. J'assure ce qu'il faut avec quatre anciens, et c'est pas plus mal, on a la possibilité ainsi de se concentrer un peu plus sur les détails et de valoriser plus les élèves. Un peu avant midi le reste du groupe nous rejoint mais l'après-midi est consacré dans l'essentiel à des activités de récréation, une partie de foot et une répète générale pour ne pas dire… tout cela favorise naturellement de sympathiques échanges et découvertes mutuelles. 

 

Avec les enseignants qui accompagnent les classes nous sommes sur la meme longueur d'onde, allors tout va bien. Nous nous réservons un laps de temps conséquent pour la préparation au spectacle, nous avons dit aux élèves d'apporter des vêtements colorés qui pourront se prêter au jeu de scène, et nous prêterons des costumes à ceux qui n'en auront pas. Tout le monde se prend au jeu, les filles se maquillent comme des stars et se parent des robes au mieux, les garçons ne sont pas en reste avec au moins des foulards autour des hanches. 

 

La salle de la MJC est bien remplie, la scène aussi – nous étions pas loin d'une centaine à jouer, danser et chanter… C´est quand-même une sacrée production, et rien que la gestion des déplacements de cette masse mouvente entre la scène en haut et l´espace devant les gradins en bas, de toute cette foule d´artistes en herbe, exités de participer à leur première expérience artistique en public, est un vrai challenge.   Ce sont les montées et descentes de scène qui présentent le plus de risques, il faut assurer la sécurité au maximum, les enseignants ont su aussi instantanément  s´adapter à la „méthode kesaj“, et ensemble nous arrivons à gérer une situation qui s´apparente par moments plus à un rodéo qu´ à une partie de scrable… Mais le spectacle ne consiste pas uniquement en montées et descentes sur scène, bien que c´est déjà un exploit en soi.  L'enthousiasme général aidant, on arrive aussi  à produire quelque chose qui tient la route sur scène, s'apparente bien  à du spectacle, donne du plaisir tant aux spectateurs qu'aux acteurs. 

 

Je pense honnêtement que le contrat est bien rempli, le travail qui a été fourni depuis six mois a été valorisé comme il se doit, tout le monde a vécu des moments très intenses que personne n'est prêt d'oublier. J'étais surpris par la spontanéité et l'entrain des enfants  français. Ils étaient très naturels, n'étaient pas du tout refoulés, participaient pleinement à l'action. Comme me l'a expliqué un des enseignants accompagnateurs, en fait ils représentaient un peu le même schéma social que nos enfants à nous. L'immigration, l'exclusion, le chômage. Il ne faut pas croire qu'il y a des problèmes que dans les bidonvilles tsiganes…

 

Le soir nous allons changer de gîte, pour ne plus en changer jusqu' à la fin du séjour à Rennes. Ce n'était pas plus mal. On était dans un haras avec plein de chevaux tout autour de nous, quoi de mieux pour le mental et la santé… 

 

Il y avait des cuisines immenses à notre disposition, qui nous permettaient une restauration du soir dans notre régie, grâce aussi à des provisions dues à la Banque alimentaire, plus que conséquentes. Donc le projet de ratrappage nutritionnel pouvait être poursuivi dans toute sa splendeur. 

Aux calories se sont ajoutés aussi des vêtements. Johann a préparé le coup  avec Cécile depuis fort longtemps. Des gros paquets de fringues et de chaussures nous attendaient, et c'était plus que de mise, vu l'état de détresse  vestimentaire des petits en premier lieu, mais les grands n'étaient pas en reste non plus, et tout le monde a pu bénéficier de cette embellie de la confection.  Au deuxième jour nous étions rejoints par Cassandra, une rescapée du Hanul, qui vit maintenant à Nogent avec Camo, en placement. Son frère, Spartacus, n'a pas pu venir, à cause des histoires de police, qui lui cherchait des noises suite à des échanges sur le net. On n'arrête pas le progrès…

Le reste du séjour était mené tambour battant, avec des interventions le matin, l'après-midi, parfois le soir. Des journée ultra bien remplies. Impossible de faire dans la demi-mesure, toujours à fond. Ce rythme soutenu était tout à fait ce qu'il nous fallait. Chez nous, nous sommes en manque de pratique, les répétitions deviennent périlleuses à cause du voisinage ingrat, et aussi à cause du coût financier, donc de plus en plus rares, alors on se rattrape volontiers lors de cette résidence qui en est une dans tous les sens du terme.  Au fur et à mesure que les journées passent nous nous produisons aussi dans le lycée Emile Zola, devant des élèves du secondaire. Une expérience très intéressante avec le débat qui suivait notre prestation. Le soir même un autre débat était organisé, et puis des ateliers et des spectacles… De quoi bien s'occuper.

 

Les repas de midi étaient pris à la MJC, Issaï et Meklésh prenaient spontanément la relais en organisant des discothèques improvisées de manelé roumain en faisant danser  les minettes françaises du secondaire qui partagaient avec nous les locaux à midi, et qui n'en revenaient pas: „Tu aurais vu leurs regards. Absolument craquants…“ (extrait dedialogue entre deux étudiantes à la sortie de la MJC…). Bref ça baignait, je ne compte pas les quelques accrochages bénins entre nos ados que je résolvais sur le champ par des séries de pompes illico, et en donnant des solos en duo aux principaux protagonistes au spectacle suivant. Mais il fallait être sur ses gardes, la fatigue aidant, tout pouvait arriver. Heureusement, à part un évier qui n'a pas tenu le coup dans la chambre de Cyril, tout a été ok et on pouvait aborder la soirée finale, l'apothéose de toute la semaine. Il y  avait qques bobos, des angines et petites grippes, dues aussi au froid persistant, et manque de bol, certaines chambres n'étaient pas chauffées, donc ça n'arrangait rien à l'affaire avec la météo qui ne voulait pas lâcher un rayon soleil. Durant tout le séjour Cyril s'est donné à fond, remplaçant avec Stéphane Stano, qui n'est pas venu avec nous. Nous pouvons compter aussi sur le concours de Helena de Rakúsy, la mère de Rastik et de Maria, qui était avec nous et était très efficasse. 

 

Pour la première fois, depuis des années, Stano n'a pas pris part à notre tournée. Il était parti un peu avant Noël rejoindre sa famille dans le sud. Ou plutôt, nous l'avons fait partir. En effet, hélas, il devenait de plus en plus exécrable, ne participait pratiquement plus à aucune de nos activités, il était manifestement  mal dans sa peau et le changement de décor s'imposait pour lui. Comme cette situation ne datait pas d'hier, ça faisait carrément des années que ça traînait, alors il était évident qu'il lui fallait trouver une autre façon d'exister, qui pourrait le satisfaire et rendre heureux.  Il est donc revenu chez ses parents et ne reste qu'à souhaiter qu'il trouve sa voie, surtout du travail et aussi du recul pour mieux comprendre ce qu'il a vécu avec nous. Bien sûr, cette évolution de nos rapports ne nous satisfait pas, je le considére aussi comme un échec dans la communication avec lui de notre part. Mais nous nous sommes retrouvés au bout de nos capacités et une séparation, du moins temporaire s'est avérée inévitable.

Le contact et les ateliers avec le second groupe des élèves se sont aussi très bien passés, sur le même mode qu'avec le groupe précédent. Un très beau rendu devant tous les parents, la télé, les journalistes. Somme toute, ces ateliers artistiques peuvent se résumer comme une expérience banale, comme il y en a beaucoup avec des intervenants du monde du spectacle dans le milieu scolaire. Sauf que là, au lieu d'un ou deux intervenants, il y en a eu quarante, pas de barrières de génération, puisqu'ils étaient pratiquement tous du même âge que leurs élèves, pas de barrière de langue, puisqu'ils s'en fichaient tous épérdument… étant tous complétements passionnés et investis dans leur projet, tous sur la même longueur d'onde, dans le partage et l'échange…

 

 

Nous avons réussi encore à faire un passage exprès sur un terrain des Gens du voyage. Spectacle improvisé dans un local improvisé. Il y avait des Manouches et des Gitans. Comme d'habitude, déconcertés au début, séduits et conquis par la suite. 

 

 

Dommage qu'il n'y avait pas plus de temps, il fallait repartir tout de suite pour une répète informelle avec les choeurs de la Tête à l'Est au gîte. Belle découverte, beau échange. Et de la bonne qualité, ce qui n'est pas forcément courant dans les formations d'amateurs qui se consacrent au répértoire des pays de l'Est. 

 

Il était évident que le plaisir tout simple de faire de la bonne musique primait, mais que l'intérprétation était aussi soutenue par une bonne maîtrise technique, ce qui donnait au résultat un très bon produit artistique dans tous les sens du terme.  Pour nous c'était l'occasion d'un échange véritable autour de la musique. 

 

 

La soirée finale avec le spectacle de soutien était vraiment en apothéose, avec la participation des Kidu, des Têtes à l'Est, de Nounours avec la soirée disco… bref, tout a été au mieux. La salle pleine à craquer, un public en délire qui dansait et chantait nos chansons, comme si c'étaient des tubes planétaires. Sacrée soirée. Sacré exploit de tous les organisteurs… Chapeau à la MJC, dicrète et efficace.

 

 

 

Il va sans dire que ce rythme laissait des traces sur notre état physique, l'endurance a ses limites… Johann a prévu une séance d'enregistrement pour le dimanche qui suivait le concert final. Je me doutais bien que nous ne serons plus en état de produire quoi que ce soit, mais c'était programmé, et l'occasion était là, Vincent et son matériel d'enregistrement était à notre disposition, alors on s'est présenté le soir pour tenter avec un ultime sursaut d'énergie d'enregistrer quelques titres. Mais les batteries étaient vraiment à plat. Du moins en ce qui me concerne. En d'autres circonstances cela aurait été une occasion formidable d'enregistrer carrément un CD, mais en l'état des troupes et de moi-même, cela n'a pas donné grand-chose.  J'en étais désolé pour Johann qui a organisé tout ça avec les meilleures intentions, mais je n'avais vraiment plus de forces… léssivé.

 

 

Place de la Fraternité

1er avril

Le lendemain le départ. Nous avons réussi à rester une nuit de plus à Rennes, mais ça nous faisait encore une nuit à se caser quelque part. On pourrait rouler toute la nuit, mais que faire à Istres si on arrive le matin et on ne pourra rejoindre l'hôtel qu'à partir de midi? Ou alors prendre un F1 à Paris et rouler toute la journée du mardi? Finalement on opte pour la première solution en se mettant d'accord avec le chauffeur qu'on fera une pause sur l'autoroute vers 2 h du matin, tout le monde dormira dans le car, ce qui nous fera arriver à Istres vers midi, juste à temps pour l'hôtel. On met tout ça au point encore avec nos partenaires du Latcho Divano, et pour occuper la journée du lundi, que nous devons passer encore sur Paris, on se décide de passer par Montreuil pour participer à une manifestation de soutien à un jardin citoyen rom, organisée par l'Ecodrom.

 

A l'origine j'ai proposé à nos amis de la chorale des Têtes à l'Est de nous suivre et de passer avec nous au Cirque, ce qu'ils ont accepté avec enthousiasme, mais il était vite évident que nous n'arriverons pas à temps pour intervenir au spectacle, alors en cours de route nous avons concocté avec Colette cette solution de repli à Montreuil, saisissant l'oportunité socio-écologique du lancement de ce nouveau petit espace public dédié au jardinage et à la bonne entente. Ce qui n'était pas plus mal, car ça nous permettait de soutenir une action qui avait son importance pour les Roms de Montreuil et aussi correspondait à une logique militante de nos rapports et engagements avec la municipalité.  J'en étais désolé pour ceux qui nous ont suivi jusqu'à Paris, qui auraient préféré un passage plus exotique au Romanès, mais nous n'étions pas dans les temps et ce repli sur Montreuil correspondait bien plus à ce que nous avions à faire ici.

 

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Il faisait bien froid, le soleil allait se coucher, alors après un goûter sommaire, ayant réussi à récupérer une rallonge  pour nos sinthés, nous avons  vite démarré une prestation improvisée avec le concours des Têtes à l'Est. La bien-nommée Place de la Fraternité s'est rapidement remplie de monde, il y avait les habitants du coin, une élue, les Roms des camps, les militants, Colette, Jeanne, Bielka avec quelques mômes du terrain, tous ravis de notre présence et du petit spectacle que nous leur offrons. L' espace scènique est délimité par les quelques bancs publics, les marmots de l'assistance participent aux ébats, tout le monde est content. On a fait ce qu'il fallait faire et nous sommes repartis. 

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Vu d'extérieur, cela peut paraître désuet, sans aucun sens, se déplacer à 50 pour les quelques malheureux spectateurs réunis autour d'un jardin associatif… Combien d'interventions semblables avons-nous faites par le passé, combien de fois sommes-nous intervenus dans des camps, bidonvilles, terrains, ne comptant pas les km pour venir du bout du monde apporter un peu de chaleur, un peu de lumière et de bonheur là, où d'habitude jamais rien de positif ne se produit… 

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Mais en l'occurence ce n'était pas le cas, puisque le fait même que le jardin existe était déjà éminamment positif! Alors, tant mieux si nous avons pu participer à ce sympathique acte citoyen, réunissant les habitants d'un quartier, d'origines aussi diverses que variées, comme Montreuil en a le secret. Cela valait le détour, et nous ne le regrettons pas.  

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Nous repartons en passant par le terrain des caravanes, car Meklés est bien décidé à tenter le tout pour le tout et de partir enfin avec nous. Sa pièce d'identité roumaine était quelque peu défaillante, abîmée et bientôt au bout d'expiration,  je craignais qu'il ne puisse pas revenir en France, alors je voulais en avoir le coeur net, et avoir l'accord de son père, les yeux dans les yeux. Nous l'avons trouvé dans sa caravane, avec la grande-mère de Meklesh. Du moment qu'il part avec avec nous c'est ok, ils ont entière confiance. Survient alors la question d'argent. Je me porte garant de son séjour chez nous et aussi de son retour, je lui achèterais le billet d'avion, il n'a pas besoin de sous pour partir. Mais Meklés aimerait bien avoir un peu d'argent de poche sur lui. Ne serait-ce que pour les cigarettes. Son père ne veut rien lui donner, pas plus que sa grande-mère. Comment partir comme ça? Je vois Méklesh complètement défait. Manifestement il ne pourra pas venir avec nous. Je le laisse, en lui disant qu'il a 5 minutes pour se décider, après on part. Et je m'en vais vers le bus. Immédiatement tout le monde est au courant de ce qui se passe. Les mecs du camp sont là, à la sortie du terrain, en train de sa payer la tête de Meklesh qui n'a même pas cent balles pour partir avec nous. C'est là que Meklesh survient, un sac en plastique dans la main pour tout bagage, un chapeau en paillettes blanches scintillantes sur la tête, sans prêter attention à ses potes mesquins, il passe entre eux sans les regarder et monte nous rejoindre dans le bus. On démarre, direction Marseille et ensuite la Slovaquie…

 

 

Istres

début avril 2013

Vers les 20h on entame notre descente dans le sud. Avec les soutes remplies à ras-bord des réserves de rillettes, pâtés, sucreries, cocas, chocolats… les restes de la résidence de Rennes,  nous sommes à même d'affronter le trajet en toute sérénité, on se fait une bonne pause restauration au premier péage et on continue, rassasiés, notre trajet. Issaï, Cassandra et Jenika ont du nous quitter, pour cause d'obligations scolaires pour les filles, Issaï est retourné assumer son rôle de grand frère dans sa caravane. Reste Meklés, radieux, en route vers sa nouvelle grande aventure – Kežmarok, en passant par Marseille.

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Nous arrivons à Istres pile pour midi, David de l'Addap 13 nous attend pour nous accompagner à l'hôtel, rapidement rejoint par Adil.  Ce n'est que plus tard que j'ai compris que l'équipe de Latcho Divano a réussi à les dénicher juste deux semaines avant notre départ, et qu'en si peu de temps ils ont réussi à nous organiser un accueil digne des princes. Et en plus une équipe de tonnerre, sympa, efficace, présente à tout moment,… Super! Mais tout ça, j'allais le découvrir par la suite, pour l'instant je découvrais avec David, le responsable de l'Addap 13 sur Istres, l'hôtel qui devait nous héberger. Un vrai hôtel, sympa, pas trop loin de la ville.

Je fais toujours attention en arrivant quelque part à ménager nos effets, on vient discrètement, sans faire du barouf, ce n'est pas la peine d'effaroucher nos hôtes. Il en est de même cette fois-ci, je prends bien soin de me présenter  tout seul à la réception, les autres m'attendent sagement dehors, cachés derrière le car. Il n'en reste pas moins que les chambres qui nous étaient réservées depuis deux semaines, s'avérent non disponibles, car la France étant en guerre au Mali, elles ont été réquisitionnées à l'instant même par l'armée, qui a une base aérienne dans le coin, et n'a pas assez de lits pour ses soldats… Du moins c'est ce que l'on reçoit comme explication offcielle et on est bien obligés de se rabattre sur un autre établissement, à condition de le trouver encore. Heureusement, nous avons David avec nous, et 20 minutes après nous sommes à l'entrée d'un autre hôtel, qui cette fois-ci, n'a pas eu les honneurs de l'armée, et peut nous recevoir. Ouf. Soulagement. D'autant plus qu'il s'agissait d'un magnifique Première Classe, ce qui constitue pour nous le haut de gamme des établissement qu'il nous est donné de fréquenter. Des chambres superbes, avec télés, douches, toilettes. Les portes coulissantes des salles de bains me font un peu  peur, alors on insiste un peu plus sur l'instructage et le mode d'emploi, et allégrement, mais pas moins consciencieusement pour cela, nous faisons la répartitions des chambres avec Helene.  C'est un exercice de style délicat qui demande à chaque fois une solide réflexion pour être au mieux des affinités du moment, ne pas mettre trop près ceux qui le désireraient, et pas trop loin ceux que l'on doit avoir à l'oeil. Mais en général tout le monde est content de se retrouver si bien loti, et de toute façon aucune réclamation n'est admise… Suit un dîner ultra copieux, et le temps de commencer à faire un peu connaissance avec nos nouveaux hôtes et partenaires, nous regagnons nos chambres pour récupérer au mieux avant le programme du lendemain qui doit commencer dès le matin par la visite d'un collège, avec une petite présentation du groupe devant les élèves. 

Au même moment, à Marseille a lieu le vernissage de l'expo de Jean-Michel. A l'origine je pensais y passer, même avec tout le groupe, cela aurait été intéressent pour les gosses de se voir sur les photos accrochées aux murs. Mais les contraintes des temps de conduite des chauffeurs ont rendu impossible tout déplacement en car ce soir, vu que nous étions en route déja depuis plus de 24h, étant parti de Rennes la veille à 10h. Je serais bien passé au moins tout seul, mais il m'aurait fallu trouver une voiture, et je n'imaginais pas de faire le trajet en transports en commun que je ne maîtrisais absolument pas, et à vrai dire il ne me restait plus aucune ressource d'énergie pour faire quoi que ce soit. Heureusement, par le plus grand des hasards, Jean-Michel a rencontré la veille à la sortie d'un cinéma Titi Robin, qui a fait la préface au bouquin qui doit sortir, et lui, il a pu venir et compenser un peu la déception de notre absence.

Le matin tout se passe très bien, les démonstrations improvisée sont notre spécialité, et devant les élèves et leurs enseignants des classes d'initiation musicale, qui fonctionnent sur un mode pratiquement à l'oposé de tout ce qui touche à l'improvisation, elles produisent toujours leur petit effet. Il faut dire que dans ce domaine, toute modestie mise à part, les nôtres sont des vrais petits pros, et l'improvisation est leur domaine d'excellence,… à condition de bien veiller au grain derrière. C'est ce à quoi l'on essaie du moins à s'appliquer avec Helene.  Suit un repas dans une association de quartier, avec enfin, un rayon de soleil en prime, et tout baigne. Je découvre, stupéfait, des gens très sympa, très compétents, qu'ils soient du service social de la ville ou de l'Addap 13, tous attentionnés à notre service pour que tout se passe au mieux. Un rêve.

 

 

Esmeralda

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L'après-midi nous rejoignons une école primaire pour participer à son Carnaval. Pareil, tout le monde avenant, les élèves, et même les enseignants se sont mis à la mode tsigane, en s'accoutrant de costumes à la gitane pour le carnaval. Il y a un bon petit paquet de mômes, dans les 250… Nous aménageons vite-fait  un espace scénique sous le préau et le spectacle peut commencer. Je ne veux pas trop prolonger, car à l'ombre il ne fait pas vraiment chaud et les gosses sont habillés léger. Pareil pour les séances de danses avec le public, nous prenons en compte le nombre important d'enfants, qui veulent bien sûr tous participer, mais on essaie de faire un tout petit plus calme qu' à l'habitude. Après le spectacle suit un goûter en commun, avec  en prime une séance de bataille de confettis qui ravi tout le monde. Il va sans dire que même nos grands prennent part avec délectation à cet exercice, inconnu pour eux. Bien sûr, il faut surveiller, car les grands auraient rapidement tendance à se laisser emporter et il faut éviter tout débordement. Heureusement tout se passe dans la cour de récrée, et je peux avoir tout le monde dans mon point de mire.

C'est à ce moment que deux ou trois gamines viennent me voir en disant: „ Monsieur, monsieur, il y a un de nos garçons qui est amoureux d'une de vos danseuses!“. Pardi, très bien, me dis-je. Le contraire aurait été malheureux. Alors je leur demande: „ La quelle est-ce? Montrez-la moi“. Je pensais à Maria ou à Janka. Elle montrent du doigt Janka. Comme elle passe juste par là, je lui dis, amusé: "Janka, il y a un petit gars qui est amoureux de toi. Viens on va le voir." Janka acquiesce sur le même ton. Les filles françaises comprennent tout de suite et partent en courant chercher le fameux petit gars. Il est vite repéré, c'est un vrai petit gamin, Quentin, je crois qu'il s'apelle, habillé avec une veste blanche à la James Bond, il s'enfuit, effrayé devant toute la horde des petites gonzesses qui veulent l'attrapper en criant "Viens, viens, il y a ton amoureuse!". Il ne va pas loin, il est vite rattrapé et amené de force devant nous. Manifestement les déclarations d'amour ne sont pas  son fort, il ne partage pas du tout l'enthousiasme de son entourage et ne veut pas participer à la serie à l'eau de rose dont on le fait héros malgré lui.  Il est même plutôt terrorisé par toutes ces chipies qui prennent un plaisir manifeste à le voir terrorisé. Voyant cela, pour ne pas prolonger son supplice, je le prends à part avec Janka et je dis aux autres de partir. Janka, maternelle,  le prend gentiment par la main et lui dit de se calmer. Janka a 16 ans, c'est notre meilleure danseuse, c'est normal que le petit Quentin du haut de ses 9 ou 10 ans a été impressionné par ses prouesses scéniques, maintenant c'est pas la peine d'en faire un plat, il faut que les autres se calment et qu'il reparte jouer au ballon, comme il l'a fait jusqu'à lors, les déclarations d'amour, il a toute sa vie pour les faire.  Je les laisse et je reprends ma surveillance de la cour de recrée, il y a de quoi faire, les confettis volent à tout va et l 'ambiance monte rapidement. Le temps d'apostropher un ou deux de nos grands gaillards, de nouveau j'entends une cohue et je vois un mouvement de foule devant moi. C'est les mêmes que tout à l'heure, toujours autour de Quentin, mais cette fois-ci en criant à tue-tête: "Elle l'a embrassée, elle l'a embrassée sur la bouche!".  Quentin est de nouveau terrorisé, paniqué il se met à pleurer, les autres, excitées partent de plus belle en criant: "Elle l'a embrassée, elle l'a embrassée". "Sur la bouche!". Les filles venaient de la cour, Janka et Quentin étaient derrière moi, donc elles ne pouvaient absolument pas voir ce qui se passait derrière, et puis il n'y avait absolument aucune raison pour que Janka se mette à embrasser un gamin plus jeune qu'elle de 6 ans, et de surcroît sur la bouche.  Janka est avec nous depuis 7 ans, nous la connaissons parfaitement, jamais il n'y a eu le moindre problème avec elle. Mais je voyais devant moi un mouvement de foule prendre, sans aucune prise sur lui, j'avais beau dire, mais non, ce n'est pas vrai… personne ne m'écoutait, ni ne m'entendait, elles étaient toutes parties en courant avec leur rengaine „elle l'a embrassé, elle l'a embrassé“, et l'effroi de Quentin ne faisait que décupler cette espèce de psychose qui prenait sous mes yeux et contre la quelle je ne pouvais absolument rien faire. Une des enseignantes qui passait par là a récupéré Quentin, et moi je suis resté planté là, abasourdi par ce qui venait de se passer. Une paranoïa collective, hallucinante, complétement irationelle, sur la quelle je n'avais aucune prise ni pouvoir, venait littéralement prendre corps sous mes yeux. 

En même temps il fallait continuer à surveiller nos grands, puis organiser le goûter et le départ, mais je me doutais bien que cela pouvait donner lieu à des interprétations les plus diverses. A Janka, je n'ai rien dit. Elle croyait que le petit pleurait parce qu'on partait. Ce n'est pas la peine de lui raconter ce genre d'histoires, je ne sais pas si elle aurait compris. Déjà, nous venant de l'Est, on a tellement du mal à comprendre pourquoi les Français s'embrassent en se rencontrant, et jamais nous ne savons si c'est deux, trois, ou quatre fois… mais bon, on fait avec, c'est pas méchant. Alors là, expliquer ce qui venait de se passer à une gamine de chez nous, ... non c'est pas la peine de gâcher le plaisir qu'ont ces mômes à aller vers les autres en toute simplicité, sans histoires. Janka, petite Esmeralda du jour, je préfère la voir comme elle est, ouverte et souriante, prenant avec affection les bébés des mamans qui assistent à nos spectacles pour les faire danser dans ses bras en leur chantant à l'oreille des chansons tsiganes, que de la torturer avec des histoires d'un monde qui n'est pas le sien…

Bien sûr, l'effet ne s'est pas fait attendre. Les parents ont pris le relais, et dès le lendemain matin, la nouvelle du jour dans toutes les écoles de la ville était sur ce qui s'est passé dans la cour de récrée. L'inspection académique était prévenue, ça ne faisait que commencer... Quelle poisse! Ça me faisait énormément de peine pour nos amis qui nous ont si bien reçu, et qui partageaient avec nous le plaisir de voir tout si bien se passer. Nous n'étions même pas une journée à Istres, et toutes les rencontres improvisées au collège, à l'association du quartier, avec tout le monde, tout se passait très bien, et une telle bêtise vient gâcher tout cela ! Ce n'était pas anodin. Encore heureusement que j'étais au cœur même de toute cette histoire, et je savais exactement ce qui s'est passé, j'en étais l'instigateur quelque part, sinon je pourrais moi-même aussi facilement tomber dans le piège de ragots, des on-dit. Mais que faire avec cette paranoïa qui s'est déclenchée instantanément et était relayée par les parents jusqu'à l'inspection académique et la Mairie ?! Heureusement que nous avions des partenaires sensés, faisant partie du monde de l'éducation, et qu'ensemble, nous avons pu dès le début, faire face à cette horreur. Le lendemain matin, avec Denis et David nous sommes chez la directrice de l'école, qui est sur la même longueur d'ondes que nous, on s'explique, bien qu'il n'y a pas grand-chose à expliquer. Elle fera le relais avec ses collègues, avec les parents... mais avec certains ce sera sans doute plus difficile, il y a des à priori qui sont durs à évacuer, surtout s'il n'y a pas de bonne volonté pour le faire... Mais c'est aussi une des raisons pour la quelle nous faisons ce que nous faisons. Pour montrer les Roms, les Tsiganes, les Autres,  sous un autre jour, sous un autre regard... et en général nous sommes plutôt bien reçus, et bien vus, comme c'est le cas d'ailleurs ici, à Istres. N'empêche, que l'on se serait bien passé de cette histoire à dormir debout. Ce boulet nous a suivi encore, et j'appréciais les jours suivants  lors de mes rencontres avec les représentants de la Municipalité et de l’Éducation, leur retenue, jamais il n'en a été question, bien que tout une psychose a été déclenchée dans la ville. C'est moi-même qui a abordé à chaque fois le thème délicat, et force est de constater qu'aucun quiproquo ne subsistait à ce sujet auprès de mes interlocuteurs.

 

La journée suivante se passait toute entière au Magic Mirror, où nous avons donné deux spectacles, un pour les scolaires et un pour tout public. Les élus étaient là, une très bonne ambiance, bonne prestation, de belles rencontres. Au fur et à mesure, nous découvrons plus nos partenaires directs, l'Addap 13. C'est une association qui regroupe 270 éducateurs de rues sur le département. Nos contacts avec le monde professionnel du social ne sont pas toujours très probants. Nous rencontrons souvent des gens qui sont apparemment sur une autre planète,  qui voient les choses autrement, ne sont pas trop enthousiastes de faire ce qu'ils font et ont d'autres raisonnements que nous. Mais c'est comme ça, c'est des pros, nous ne sommes que des guignols qui dévient un peu vers le social, alors, il faut pas chercher à comprendre. Et là, c'est tout le contraire. On à affaire à des pros, qui, à l'évidence, sont très compétents, tout en étant passionnés, investis personnellement dans leur boulot. On est sur la même longueur d'onde. Que ça fait du bien!

 

 

Hallelujah

La journée suivante nous sommes à Marseille, pour une prestation dans l'école maternelle d'Emilia, la présidente du festival Latcho Divano. Nous sentons vraiment la fin de la tournée approcher. Les émotions, ça use, et Dieu sait qu'il y en eu, des émotions, depuis notre départ de Kežmarok, il y a plus de deux semaines. Heureusement, en grande majorité positives, mais cumulés avec la moyenne de deux à trois spectacles par jour, plus des milliers de kilomètres, tout cela laisse des traces sur l'état des troupes. C'est toujours une délicate équation que nous n'arriverons de toute façon jamais à résoudre : soit il n'y a pas grand-chose à faire, et tout le monde s'ennuie, ce qui est la meilleure façon de passer au stade supérieur – faire des bêtises, ou alors on veut faire au mieux, avoir un programme bien rempli, et on est rapidement sur les genoux, épuisés par un rythme d'enfer. Il va sans dire que c'est la deuxième option que nous préférons et que nous pratiquons.  Et que de toute manière, les défaillances physiques concernent en premier lieu moi-même, les jeunes ayant des ressources inépuisables... surtout en rentrant après minuit, alors que tout le monde devrait tomber de fatigue, c'est là que ça repart, il n'y a que moi qui suis au bord de l’apnée... Heureusement qu'à deux, avec Helene, on arrive à se répartir les plages horaires, et elle prend la relève lorsque je tombe  d'épuisement. Mais, justement, Helene doit nous quitter, elle doit prendre le bus pour Prague, pour y passer des examens à la fac dans le cadre de son cursus de diplômes universitaires indispensables pour la direction du collège qu'elle a à assumer. Lisa la conduit à la gare routière, et nous faisons front à la centaine de marmots qui nous attendent de pied ferme à la maternelle. Certains des nôtres commencent quand-même à défaillir, alors je n'insiste pas, ils peuvent rester sur le côté. Mais au cours du spectacle, spontanément, ils nous rejoignent, et malgré le degré de fatigue prononcé, nous en remettons encore plus, ce qui est la meilleure façon de faire face à ce genre de situations. Ce n'est pas la peine de s'économiser, j'ai essayé, ça ne mène à rien. Alors on en remet encore et encore, et finalement au lieu de jouer 40 minutes, on fait au moins le double. Mais ça nous a remis en forme, et après un petit goûter nous pouvons repartir sur le Vieux Port, pour faire une présentation devant le Pavillon M, lieu central du MP 2013.

 

Nous sommes dans une sorte de course, de dynamique qu'il ne faut surtout pas interrompre, il faut enchaîner tout de suite, si on s'arrête, on s'écroule. Alors vite, on investit les lieux, un morceau de trottoir, mais avec quelques micros quand-même, et devant les badauds présents nous remettons ça. Toujours le même constat. Pros. Malgré la fatigue, l'épuisement, le côté dissipé, le côté ado, le côté tsigane... etc., on arrive toujours à se mobiliser pour faire ce qu'il faut quand il faut. Les petits, les grands, les anciens, les nouveaux, tout le monde a sa place et à un moment ou autre prend le devant de la scène ou de l'action qui est en cours. Bien sûr, il y en a qui sortent du lot. Matej est une vraie bête de scène, il a un sens du spectacle inouï. Il n'est pas toujours contrôlable, il faut faire avec, mais justement, dans les moments cruciaux il est là, et instinctivement il choisit la meilleure solution. Cyril fonctionne à la kalachnikov, toujours à fond, Janka est sur tous les fronts, Tomas, Roman assurent autant en claquettes qu'en musique, Eric arrive toujours à surprendre, les Rakusy, Lomnica,... tous s'investissent, et bien que je n'arrête pas de leur gueuler dessus pendant les spectacles : bouge-toi, dors pas, réveillez-vous, souriez, etc., ils sont tous pleinement dans le spectacle et arrivent toujours par me déconcerter dans le bon sens. Sans parler du public, qui n'en revient pas.

 

 

Nous en sommes actuellement à une forme de travail ou de cohabitation-collaboration par le travail artistique, qui réuni deux formes ou approches pratiquement totalement opposées. A savoir, d'un côté une forme quasi militaire de fonctionnement lors des répétitions et lors de la gestion de situation cruciales – descentes de bus, préparation scénique, réactions aux situations hors normes, et de l'autre côté un apparent laisser-aller dans les temps de pause, de gestion du temps libre, libre dans le sens absolu du terme, c'est à dire que les jeunes sont libres de se comporter comme ils veulent quand il n'y a rien de fondamental à faire. Autrement dit, on les laisse faire, ce qui se traduit par le fait qu'une forme peut-être déconcertante de laisser-aller apparaît, ça chante, ça traîne, papote, bref un petit nuage tsigane sur le quel tout le monde plane, avec une solide surveillance non rapprochée de notre part. On n' est pas sans arrêt derrière tout un chacun pour tout surveiller, mais on doit savoir à tout moment qui est où, et qui fait quoi... Et tout le monde doit être capable de se mobiliser et activer au premier coup de sifflet de ma part, comme lors d'un branle-bas-le-combat, immédiatement prêts à l'attaque...

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Nous nous attardons pas sur le Vieux Port. Il fait un froid tenace malgré les quelques rayons de soleil timides, le beau temps du Midi n'est toujours pas au rendez-vous. Je ne veux pas attraper froid, étant en sueur après avoir joué, je suis déjà bien enrhumé, j'évacue au pas de course la troupe vers le bus, au chaud. Une dame me court après, me disant qu'elle est du festival d'Issoire, et qu'ils ont d'excellents souvenirs de nous et n'arrêtent pas de parler de nous, le vent est trop froid, je ne peux pas m'arrêter sans risquer une pneumonie, je fonce vers le bus...

 

6 avril

Dernier jour. Nous quittons l'hôtel avant midi, comme convenu. Rien de cassé, tout est ok. Les portes coulissantes des douches ont tenues le choc, elles continuent à coulisser, on peut partir tranquilles. Les patrons sont venus voir notre spectacle avec leur fille, ils étaient ravis de nous avoir comme clients, à la différence de l'hôtel précèdent qui nous refusé non à cause de l'armée mais du délit de sale gueule. Ça arrive...

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Finalement ce dernier jour constitue le gros de notre participation au festival Latcho Divano. Le reste était dans la régie de l'Addap 13 et de la ville d'Istres, qui ont été des hôtes exceptionnels. Nous essayons péniblement de trouver le camp de Saint Menet, les aires de stationnement pour les Gens du voyage ne sont pas ce qu'il y a de mieux indiqué... alors on galère ce qu'il faut  avant d'y arriver. 

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On fini par garer tant bien que mal notre gros bus parmi les voitures des Voyageurs qui n'arrêtent pas de venir et sortir, et je pars repérer l'endroit. Il pleut, et l'action, prévue en plein air, va se dérouler à l'intérieur.

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C'est une sorte de petite remise, partiellement en sous-sol, vraiment pas démesurée, dans les 18 m carrés, avec déjà plein de monde en train de faire la java. C'est tous des Roms français, certainement de mouvance évangélique, mais visiblement, ils n'ont pas froid aux yeux, et s'éclatent bien autour d'un minuscule parterre avec quelques marmots qui dansent pour la joie des vieux tout autour. Il est évident que l'on aura du mal à intervenir tous là. Logiquement c'est même impossible. Si on vient tous en même temps, il n'y aura plus un centimètre pour bouger, on sera comme dans le métro aux heures de pointes. Bien sûr, c'est ce qui finit par arriver. J'aurais voulu que les nôtres descendent en deux groupes, c'est ce que j'essaie d'organiser, mais c'est pas la peine, dès que nos jeunes ont vu que ce sont des Roms comme eux, ils sont tous descendu dans la pièce, et c'est bon, on peut plus bouger.

Il y a un repas de prêt pour nous. Une goulash concoctée par les mamies du camp pour nous faire plaisir. Hélas, avec la meilleure volonté du monde, elle est immangeable. Même moi qui suis champion de bouffe toutes gastronomies confondues  passant à porté de ma fourchette, je n'arrive pas à ingurgiter ces créations culinaires mystérieuses, qui, bien que apparemment appétissantes, ont un goût et une odeur qui m'empêchent d'en avaler ne serait-ce qu'une bouchée. Bien sûr ce n'est pas la peine d'insister auprès des jeunes, rien à faire, on verra pour le ravitaillement après.  Pour l'instant je me demande bien qu'est-ce qu'on va pouvoir faire? Ça chante, joue, tout le monde est déjà en action, apparemment il n'y  a pas de barrières entre la France et la Slovaquie au niveau des Roms, reste à savoir comment gérer ce truc ingérable. Bon, je dis quand-même aux filles de mettre au moins leurs jupes, on réussi a jouer des coudes pour obtenir une  petite place pour le synthé et pour que je puisse m’asseoir et on lance la machine. Nous devons être pas loin d'une centaine, avec un peu plus de trois personnes au mètre carré... et ça n'arrête pas d'affluer. Bon, c'est comme chez nous. Il n'y a pratiquement aucun espace entre les danseurs et les spectateurs, de toute façon au fur et à mesure ils interviennent spontanément dans notre prestation, et tout se passe au mieux. Ça marche, on est sur la même longueur d'onde, c'est le même univers. Mais je sens bien qu'il manque encore quelque chose, et je me garde les chants sacrés pour la fin. Lorsque on attaque Nadara et Muro jilo, les deux tubes évangéliques planétaires du moment, c'est le délire. Repris par toute l'assistance, émerveillée de constater que nous sommes des nôtres... On réussit une belle gradation digne du Nabucco de Verdi, on remet ça, tout le monde en transe, piano, forte, pianissimo, fortissimo, extase... Super ! Le pasteur du coin me demande est-ce qu'on est évangélisé. Je lui réponds que Dieu reconnaîtra les siens, et tout va bien. Comme d'hab', il ne faut pas trop s'attarder, et on part comme on est venus.  

 

parcelledesgensduvoyage.wordpress.com/

 

Do Saint Menet sme išli v rámci nášho festivalu Latcho Divano v Marseille. Vždy, keď je to možné, hľadáme možnosti ako popri našich klasických, konvenčných vystúpeniach, účinkovať aj v netradičnom prostredí marginalizovaných rómskych komunít, či to je v skvatoch, táboriskách, alebo v parkovacích miestach pre kočovníkov, ako tu v Saint Menet. Všetko bolo dohodnuté s festivalom, ale ako sa už pred tým neraz ukázalo, poriadatelia neovplývali akurát nadmernými organizačnými schopnosťami, a tak už samotný dojazd na miesto činu bol problematický. Tieto miesta sú vo väčšej miere vždy na odľahlých miestach, ťažké je ich nájsť bez zasväteného doprovodu. Ale nakoniec, po menšom blúdení, sme to zvládli a dorazili sme na miesto určenia. Podľa počtu karaván sa jednalo o pomerne veľké parkovisko, mohlo tu byť viac stovák kočovníkov. Pôvodne sa malo vystupovať pod holým nebom, ale neustály dážď tento zámer prekazil. Jediným riešním bola miestnosť miestneho sociálneho centra. S rozlohou asi 3 x 6 metrov, v polosuteréne, tieto priestory v žiadnom prípade neboli vhodné na akékoľvek podujatie hromadného charakteru. Ale o žiadnej diskusii tu nemohlo byť ani reči. Nahrnuli sa sem všetci miestny Rómovia ktorí sa mohli pomestiť, plus naši, spolu sme boli doslova ako sardinky, alebo cestujúci v metre v čaae najväčšej špičky. Za normálnych okolností by bolo absolútne nemysliteľné tu čokoľvek podniknúť. Ale okolnosti boli, samozrejme, všetko, len nie normálne. Tak sme spustili náš program kvázi postojačky, na mieste, keďže nebol najmenší priestor na akýkoľvek pohyb. Nikomu to absolútne nevadilo, obecenstvo, ktoré priam telesne splývalo s účinkujúcimi, bolo nadšené. Ukázalo sa, že to boli francúzsky rómovia (nie manuš ani gitans, ale rómovia), navlas podobní našim, hovoriaci tým istým jazykom, a zjavne majúc aj ten istý pohľad na svet. Rýchlo bolo zrejmé že sú silne nábožensky orientovaní v nejakom novodobom evanjelickom hnutí, tak sme im na záver spustili zopár duchovných hitov, a bola to hotová apoteóza, zborový spev a tranza v sardinkovom prevedení v suteréne mini soliálneho zariadenia. Domáci nám pripravili aj guláš, ale ten bol nejaký zvláštny, ani tým najväčším hladošom sa nepodarilo ho zhltnúť. Nič to, úmysel bol dobrý... Ako sme prišli, tak sme aj odišli, za výdatného dažďa, ale aj za ešte výdatnejšie nadšenia, s jedným z tých zážitkov na ktoré sa nezabúda...

 

Latcho Divano

2013_latcho_divano.pdf (967081)

Toujours dans la dynamique du décompte des heures qui nous séparent du départ prévu tout de suite après le spectacle de ce soir, nous essayons vainement de rejoindre au plus vite l'Espace Julien, quelque part au centre de Marseille, où nous devons nous produire ce soir. Laurène, du festival Latcho Divano, qui est avec nous et guide nos chauffeurs désemparés, est désemparée elle-même, et cet itinéraire anodin se transforme vite en parcours de combattant pour amateurs de courses d'orientation urbaine aguerris. On se paume, repaume, on s'encastre dans les petites rues impossibles à franchir avec un bus, etc. Arrivant à proximité de l'endroit présumé, il est évident que nous ne pourrons pas y accéder avec notre véhicule, alors nous descendons quelque part et faisons le reste du trajet à pied. Avec les costumes, les instruments et une petite pluie pour couronner le tout. Personne ne proteste, nous sommes dans une logique de bérézina logistique et on fait front comme un seul homme. On avance à travers les flaques d'eau.  Je suis totalement trempé, j’espère que les autres ne vont pas tomber malades, moi, je le suis déjà,  et on arrive à la salle. Belle, spacieuse, on s'y perd instantanément, n'ayant personne pour nous guider dans tous ces couloirs sur plusieurs étages, mais l'essentiel est que l'on soit enfin arrivé. On nous livre un repas par un traiteur versant légèrement dans l’ésotérisme. Je repars sous la pluie chercher des baguettes et des rillettes pour une restauration plus terre-à-terre et en phase avec l'urgence alimentaire du moment. On a  rien mangé de la journée... Heureusement, je trouve ce qu'il faut, j'aurais aimé dénicher aussi une paire de chaussettes pour avoir les pieds au sec, mais à l'impossible nul n'est tenu, ça finira par sécher tout seul. Vite fait, une balance. Un bon accueil à ce niveau, l'ingé son, sympa,  réussi même à faire un point de soudure sur la guitare basse qui ne voulait plus jouer suite à une chute, comme je viens de l'apprendre à l'instant. Dans les loges les rillettes n'ont pas fait long feu, pas plus que le coca et le nutela, notre carburant de base. 

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Tout le monde réussi à se mettre en costume, ce qui est un exploit en fin de tournée, les pertes et défaillances matérielles sont sensibles en fin de parcours, et nous sommes prêts pour le spectacle. Heureusement que c'est le dernier, car je n'arrive pratiquement même plus à parler, la toux m'étouffe sans arrêt lorsque j'essaie de dire les quelques mots de présentation sur le groupe avant de commencer. C'est pas grave, il y a une belle salle, une bonne sono, pas mal de monde, on attaque. La basse, réparée in extremis pour la balance est de nouveau défaillante, elle ne marche plus.  Ok, on fait sans. Rastik a la bonne idée de passer au clavier, Tomas sera au chant, et ça y va. Bonne dynamique, malgré l'effet du dernier jour, qui est toujours un peu déstabilisant, on fait du bon boulot, tout le monde est dedans, exceptionnellement, je veux les ménager et je fais signe de ne pas descendre danser en bas, puisque la scène est très haute, au moins 1m60, mais c'est l'inverse qu'ils comprennent (Cyril est champion en interprétation à l'envers de mes consignes durant les spectacles...). Finalement c'est pas plus mal. Plus d'une fois ça arrive, que mes directives, que j'envoie durant le spectacle par gestes, gueulantes, grimaces et autres onomatopées, soient interprétées exactement à l’opposé de ce que j'aurais souhaité, mais souvent c'est encore mieux ainsi, le tout est de ne pas s’énerver, c'est ce que je fais malgré mon air d’excité profond, et je suis le mouvement en musique, tout le monde descend la scène vertigineuse en sautant dans le noir, il y a pas de blessés, la ronde de danse repart dans le public, lorsque je fais signe de rester en bas, pour que les gens n'aient pas à escalader cette scène abrupte, bien sûr ils montent tous en haut, en transbahutant les spectateurs avec eux, exactement ce que j'ai tenté d'éviter, c'est pas grave, on continue, c'est le bordel comme d'habitude, ...et c'est très bien ainsi. Malgré tout, il y a de la maîtrise, bien qu'à ce stade ça s'apparente plus à du zen tantrique que du zen tout court... Bref, avec cette scène escarpée et les allées-venues incessantes pour danser en bas et en haut on a l'impression de faire des Montagnes russes, mais comme visiblement ça ravi tout le monde, notre carrousel ne va pas s'arrêter de si tôt. J'en oublie ma toux, mes pieds trempés, l'extinction de la voix, elle ne passe pas, alors je ne vais pas faire de longs discours, mais je réussi quand-même à dire au public et aux organisateurs tout le bonheur que nous avons d'être là, et que nous leurs en sommes infiniment reconnaissants. Après l'énième rappel on s'en va, la fatigue, on ne la sens plus, j'ai l'impression de planer... j'imagine que les drogues dures procurent ce genre d´effet. Effectivement, nous sommes tous accrocs, et je sais déjà que l'on voudra repartir sur les tréteaux, même si nous rentrons complètement épuisés, déchirés, défoncés... Heureux.

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Aneta

 

Sur le retour nous avons une pause ravitaillement de prévue chez Andréa, à Vicenza, qui est pratiquement à mi-chemin, en Italie. Nous ne pouvons pas trop nous attarder à cause des horaires des chauffeurs qui veulent être à la frontière slovaque en moins de 18 heures pour respecter les temps de conduite. A la frontière autrichienne - surprise, un barrage de police intercepte toutes les voitures. Un inspecteur des douanes monte et vérifie tous les passeports. Moment d'émotion intense avec Meklésh. Deuxième surprise – ils le laissent passer. Ouf, on n'en menait pas large, même si ses papiers sont en règle, il y a des atavismes qui perdurent...

Nous rentrons vers minuit, répartissons les gamins dans les différents bidonvilles. Ils ont tous des gros sacs de vêtements, certains (Janka, Perla...) n'arrivent même pas à les porter. Au moins ils auront de quoi se vêtir quelques temps. Helena arrive de Prague au petit matin, elle a réussi ses examens, applaudissements de ses élèves ...et les cours peuvent commencer. Personne n'a dormi, c'est pas grave. Meklesh découvre, stupéfait, les réalités slovaques. Il ne s'attarde pas trop dans les osadas, les bidonvilles, il ne connaît que ça, ayant vécu toute sa vie dans la rue ou dans les camps, par contre l'école, il n'y a jamais mis les pieds, alors ce petit stage qu'il va effectuer chez nous est pour lui une véritable découverte. On l’intègre d'emblée dans tous les cours, et il n'en demande pas mieux, il découvre les maths, la physique, etc., et même si c'est en slovaque, cela ne semble pas l'effaroucher plus que ça. Il faut dire qu'il est reçu les bras ouverts, il est la « vedette américaine » de tout le collège et les élèves l'adoptent instantanément, il devient la mascotte de l'établissement. Sans parler des filles, qui rivalisent les unes et les autres devant ce visiteur d'un autre monde, mais qui est quand-même le leur... Cela ne dure pas longtemps, car je crois que dès le premier jour c'est le coup de foudre. Selon la loi des extrêmes qui s'attirent, il y a manifestement un courant qui passe entre lui et Aneta, une fille de seconde, de 17 ans, qui est la seule du groupe à provenir d'un milieu social absolument banal, citadin, elle n'a rien a voir avec les bidonvilles, ni avec cette culture tsigane dans la quelle les autres baignent. C'est une fille bcbg, une vraie « bourgeoise », elle a déjà même un petit diplôme, et avec Meklesh, elle forme la parfaite réplique des dessins animés de Walt Disney, quand on voit un gros matou de gouttière tomber amoureux d'une petite minette guindée avec un gros ruban rouge autour du cou... Le bonheur.

 

Que dire de la dernière tournée de printemps? 

Rien. 

Tout est dit dans les lettres que nous ont écrit les élèves des écoles Jacques Prévert et Torigné de Rennes, avec les quels nous avons participé à une résidence artistique fin mars de cette année. 

La résidence n´était pas seulement artistique, elle était surtout et avant tout "humaine". 

Eh oui, être "humain", pas seulement en apparence, mais aussi dans ses gestes, dans sa façon de faire, de partager, d´être, tout simplement, ma foi, c´est aussi une matière, un savoir-faire, à développer, à perfectionner.

Les lettres qui nous nous ont été adressées ont été écrites par nos correspondants, élèves de Torigné et Jacques Prévert, que nous ne connaissions pas avant de venir à Rennes. Le temps de quelques répétitions et spectacles, ils sont devenus nos amis, et nos partenaires sur ce travail de "l´humain".

Merci à vous tous, nos amis. Vous aussi, vous nous avez beaucoup appris et apporté durant ces instants passés ensemble.

Vous aussi, vous êtes tous des merveilleux danseurs, musiciens et chanteurs. Parce que vous chantez, jouez et dansez avec votre coeur et vous n´hésitez pas à partager votre plaisir avec d´autres. Continuez comme ça!

Après le départ de Rennes, la tournée s´est poursuivie à Istres et à Marseille. Partout un accueil dans la lignée des émotions de Rennes. On croit que l´on a déjà tout vu, que rien ne peut nous surprendre... Mais si. Et dans le bon sens! Comme à Istres avec l´ADDAP 13 et à Marseille avec Latcho Divano.

 Et un grand merci à toute l´équipe de YEPCE et des Têtes à l´Est de Rennes, ainsi que la MJC Bréquigny qui ont bien oeuvré sur „l´humain“ en amont pour que tout cela puisse se réaliser. Autant dire qu´ils ont bossés comme des fous et que nous leurs en sommes reconnaissants, ...et prêts à recommencer à la première occasion...:))

 

 

Cher Ivan,

Voici comme promis un autre courrier. Pour dire au-revoir, pour dire merci, pour le plaisir... Chacun de mes élèves a écrit une lettre, avec beaucoup de coeur. Il y a aussi des dessins de la Tour Eiffel, et les photos. Elles valent ce qu´elles valent, mais ce sont de très heureux souvenirs. J´en ai accroché plein dans la classe, et les enfants adorent aller les contempler, les commenter.

Les parents qui étaient là le soir du concert à la MJC de Bréquigny ont beaucoup aimé, ils me l´ont dit.

Pour ma part, comme je te le disais dans un mail, je reste profondément touchée, marquée par cette rencontre. C´était BEAU, tout simplement... Tout simplement, et pourtant si rare dans ce drôle de monde.

A la maison, je transmets à mes 2 enfants un peu de la musique des Kesaj Tcahve, avec le CD, et aussi avec le dernier Pitt´Ocha (on est accro depuis le début!).

Bref, merci à toi, merci à eux!

Belle route à tous.

A une prochaine fois, par mail, ou dans un festival, ou autrement encore. Passe s´il te plaît un très chaleureux bonjour à tous les jeunes!

Alexia

PS: j´allais oublier: le dernier n. de notre journal de l´école, avec Kesaj Tchave à la une!

Le P´tit Prévert

DU BONHEUR EN COULEUR!!!

KESAJ TCHAVE

A la rencontre des enfants de la fée

Pendant 2 jours, les jeudi 28 et vendredi 29 mars, nous et les éleves de CM1 de la classe de MM, Bécel et Lechaux avons vécu des moments exceptionnels, magiques, avec les enfants de la fée Kesaj: les Kesaj Tchave.

Il s´agit d´un groupe de jeunes danseurs, musiciens et chanteurs roms de Slovaquie. Ils sont accompagnés par Ivan Akimov et son épouse Helena. Ivan est un grand joueur de balalaika.

Jeudi matin, les Kesaj Tchave sont arrivés a l´école en chantant et en dansant, et tous les éleves ont assisté a un concert formidable dans le gymnase. Ils dansent et chantent tres bien, et les filles ont d´immenses robes tres colorées qui tourbillonent des qu´elles bougent. Tres vite, ils ont entrainé tout le monde dans la danse!

L´apres-midi, et le vendredi toute la journée, nos deux classes sont allées a la MJC de Bréquigny pour faire des ateliers de danse / chant et pour répéter avec eux en vue du concert du vendredi soir.

Les plus grandes des Kesaj Tchave ont appris aux filles quelques pas de danse et chorégraphies, et les plus grands ont fait la meme chose avec les garcons. La danse des filles et celle des garcons sont tres différentes. Les garcons font parfois des claquettes, des acrobaties et des percussions corporelles. Nous avons aussi chanté avec eux certains chants de leur répértoire, que l´on avait préparés tous les lundis avec Manu, un musicien.

Ils ne parlent pas le Francais, mais pourtant nous avons énormément échangé et appris, juste grace a la danse, c´était incroyable! Ils ont une énergie fantastique et ils ont su nous transmettre plein de choses avec beaucoup de générosité. Nous avons aussi pu échanger avec eux des moments de détente, entre deux répétitions: nous avons partagé des gateaux que nous avions amenés, nous avons dessiné, nous leur avons demandé des autographes, certains parlaient un peu anglais.

Les kesaj Tchave avaient amené beaucoup de robes superbes pour les filles: elles étaient ravies de pouvoir les mettre et de se faire maquiller par les Kesaj Tchave! Puis ca a été le grand moment du concert: de l´énergie, des couleurs, des sourires, de la musique, des voix, de la danse... Un tourbillon qui a vite entrainé une bonne partie du public!

Ce fut une rencontre inoubliable pour la plupart d´entre nous. merci les Kesaj Tchave, on espére croiser encore votre route un jour!

Eleves de CM2, Mme Olivier, Mme Freslon

 

Bonjour, je n´oublierais jamais le concert, j´aurais aimé que vous restiez un peu plus de temps avec nous. J´ai adoré ces deux jours avec les Kesaj! Vous portez bien votre nom les enfants de la fée Kesaj. Vos chansons sont magnifiques, vos pas de danse et les musiciens aussi. J´aurais aimé apprendre plus de choses sur vous. Je vous remercie d´etre venus. J´espére vous revoir!

 

Bonjour,

C´est Nabil. Est-ce que ca va? J´ai beaucoup aimé ces deux jours avec vous, danseurs, musieciens et chanteurs exceptionnels. J´ai appris des pas de danse mails ils sont quand meme durs. Je vous remercie à tous et pour m´avoir appris. Salut

Salut, les Kesaj!

J´ai passé deux jours formidables avec vous!

Je n´ai jamais vu de si bons danseurs, les filles avec leurs grandes robes sont super jolies! J´adore votre nom: „Les enfants de la fée“. Le moment du gouter avec vous était super. Je vous remercie de ce que vous m´avez appris (pas de danses, claquettes...). Je vous admire. J´ai aimé le concert. J´espére vous revoir, A bientôt!

Elisha!

Bonjour les Kesaj Tchave

Je suis tres content d´avori passé une demi-journée avec vous, d´apprendre vos chansons et de danser avec vous. Je suis content que vous soyez venus à Rennes. Merci!

Okan Gurel

Hi,

Merci Kesaj Tchave pour tout ce que vous nous avez appris (la danse), merci pour avoir été aimables avec nous. Vous étes incroyables! J´ai adoré ces deux jours avec vous!!! J´étais tres fatigué à la fin. Au spectacle j´aurais aimé rester à la MJC toute la soirée.

Salut Dominik, j´espére te revoir bientôt

Tim

Bonjour les Kesaj Tchave,

Un grand merci pour les pas de danse, et pour le grand

concert, les entrainements étaient super. J´ai aimé

vos robes et surtout quand elles tournaient, j´ai passé

de trés bons moments avec vous. Un grand merci!

Je n´oublierais pas ce grand moment passé avec vous!

Je ne vous oublierais jamais les Kesaj Tchave!

J´espére vous revoir. Au revoir! 

Neary Moeur!

I love Kesaj Tchave

Salut...

Tout d´abord un grand merci à vous les Kesaj Tchave et aussi à Yvan. Et Helena pour etre venus ici à Rennes. Jamais je n´oublierais tous ces moments passés avec vous!!! J´ai beaucoup aimé les pas de danse que vous nous avez appris. Vous etes des danseurs et chanteurs exceptionnels, vous etes gravés dans mon coeur à jamais.

 J´ai aimé vos robes! Vous étes fabuleux!!!

J´espére vous revoir!

Merci!

Cassandra

Bonjour les Kesaj Tchave!

Je vous remercie de nous avoir appris votre musique et vos danses, cela a été un grand moment de plaisir. Vous étes de tres grands danseurs!

A bientôt au-revoir

Nathan

Bonjour,

Je suis Lisa, j´ai pasé des bons moments avec vous. Je me suis bien amusée, vous m´avez appris plein de choses. Au revoir et à bientôt les Kesaj Tchave

Lisa

Bonjour les Kesaj Tchave,

Je me suis bien amusée pendant ces deux jours, c´était mes jours préférés.

J´aimerais qu´on soit encore avec vous.

J´ai aimé vos robes.

C´était super!!!

Merci pour cette rencontre.

Ayse Lezgin

Bonjour, les Kesaj Tchave!

Jeudi et vendredi, c´était super! Je me suis bien amusée, et les pas de danse étaient géniaux. Et meme si vous ne parlez beaucoup le francais, on a quand meme un peu compris comment vous vouliez qu´on se place, etc. Les robes étaient tres jolies. Et Cyril danse hyper vite, on aurait dit Speedy Gonzalez. C´était vraiment extraordinaire quand les petits faisaient les saltos, enfin voila! J´espére qu´on va bientôt se revoir. Vous chantez trop bien. J´ai vraiment adorée. Au revoir et à bientôt

POLHOŠ, SIMONA, SLAVO, MARIA, MIRA, PATA, DOMINIK, KATKA, YVAN, Cyril le roi de la danse, TOMIE, STEVO, TOMAS, GIZELA, KESAJ TCHAVE

Jessie

Les Kesaj Tchave!

J´ai vraiment aimé ces 2 jours avec vous! Quand vous nous aviez „appris“ vorte danse c´était bien. Vous avez beaucoup d´énérgie! J´ai trouvé que votre danse était superbe. Quand nous avons été sur scene avec vous, je me suis beaucoup amusé! Vous dansez vite, bien, et vous donnez envie de danser! Quand nous nous sommes quittés le Jeudi 28, j´ai eu tres hate de revenir le Vendredi 29 mars. Je vous remercie de votre présence, votre énérgie, c´était super! Merci et au revoir!

Bonjour les Kesaj Tchave

J´ai passé une tres bonne soirée, le spectacle était formidable! Vous chantez et dansez tres bien. Nous n´avons pas pu vous dire au-revoir. J´espére qu´on se reverra un jour.

Continuez comme ca!

Déborah

Bonjour, vous étiez exceptionnels lors de notre rencontre. J´ai hate de devenir comme vous. Vous étiez aussi magnifiques avec vos costumes, vous etes rapides. J´ai ressenti quelque chose de bizzare pendant la préparation pour le concert. Cyrille m´a coiffé et c´est lui qui nous a appris à danser. Et j´ai ressenti que Cyrille était mon meilleur ami et mon frere. Le KESAJ que j´ai préféré était Cyrille. En tout cas vous allez tous beaucoup me manquer. Moi j´ai beaucoup aimé le concert.

Nadim

Salut les Kesaj

Déja, j´aimerais vous remercier pour le moment que vous nous avez fait passer avec vous. Vous etes formidables, sachez que je n´oublierais jamais ce moment passé avec vous. Aussi, les pas de danse que vous nous aviez appris, vos robes, tout était superbe. Merci mille fois, Au-revoir les Kesaj Tchave

Delphine

Kesaj Tchave!!! Je ne vous oublierais jamais

Bonjour à tous, j´ai passé un bon moment avwec vous tous, je me suis bien amusé. J´ai été impatiente de vous rencontrer le jeudi. J´ai bien aimé apprendre les pas de danse des filles. Les robes sont tres tres tres belles, elles ont des belles couleurs. C´était bien de prendre un gouter avec vous tous. J´ai été contente de faire le concert avec vous. J´ai adoré!!! Je n´oublierais pas ce moment passé avec vous tous. Au revoir!!! Et merci beaucoup!!!

Maela Sayede

Bonjour, les Kesaj Tchave

Je me suis bien amuséé pendant ces deux jours, car vous chantiez tres tres bien et que vous étiez marrants, et vous dansiez bien. J´espére qu´on pourra vous revoir encore, car ces journées étaient merveilleuses, et magiques. Surtout quand vous deveiz venir, j´étais impatiente de vous voir. Tous les soirs, je n´arrete pas de penser à ces deux journées que l´on a passées ensemble. Et vos robes étaient trop belles! Au revoir, les kesaj tchave et merci beaucoup à vous pour ces belles journées.

Souraya

Cyril, Mira, Athony, Yvan,Helena, Kesaj Tchave, je vous aime

Bonjour,

J´ai bien aimé ces deux jours avec vous. Quand on vous a entendu chanter on était impressionné. Aussi ai beaucoup aimé Cyril et Dominique

Theo

 

Bonjour,

 

ça fait une semaine que nous sommes rentrés de la tournée de printemps. Une tournée riche en rencontres, échanges, expériences, amitiés, découvertes... mais aussi en restauration, hébergement, remise en forme... car cela aussi fait partie des lacunes à combler en premier lieu lors de nos départs. Alors, pari gagné, les petits sont rentrés avec des kilos en plus, des habits plus décents et des sourires encore plus craquants (dixit une minette de Rennes au détour d´une sortie de concert...). Une pêche d´enfer, toujours prêts à l´aventure: "Quand est-ce qu´on repart?" (Matej, hier). Bien sûr, on va essayer de repartir, malgré que l´on se soit dit avec Helene que ce n´est plus possible de tenir des épreuves pareilles. Mais bon, on est pas tout seuls, vous êtes là, alors... Helene a réussie ses examens à Prague, où elle a du partir avant la fin de la tournée. Au retour à l´école, à Kezmarok,  un pataquès pas possible suite à des ragots habituels de retours de tournées, mais là ça avait une incidence directe sur les effectifs en classes, certains parents ont réagi trop spontanément aux SMS frivoles  que leurs gamins se sont envoyés, on a cru qu´on allait fermer l´école... Aujourd´hui ça a l´air de repartir, mais on a eu chaud... Comme quoi, on n´arrête pas le progrès...

 

Chers amis, merci pour ces instants passés ensemble, merci pour eux, tous ces gamins qui nous ont gratifiés de leurs sourires en musique...

 

et  qui sait, peut-être à une prochaine fois...

 

Amitiés

 

Ivan Akimov et les Kesaj Tchave

 

En effet, l’ensemble Kesaj Tchavé déborde le cadre des fanfares et des groupes musicaux puisque ce projet démarre en 2000 dans les bidonvilles roms de Kezmarok en Slovaquie, à l’initiative d’Ivan Akimov (musicien professionnel, qui sera présent lors de la soirée du 27 mars à la MJC Bréquigny) et d’Helena Akimova (éducatrice de rue). Le collectif créé se veut d’abord une plate-forme qui s’emploie à aider, à travers la musique et la danse, les jeunes Roms en difficulté. Aujourd’hui ce sont des spectacles réjouissants, colorés et magnétiques qui portent le mieux la belle réalité de ce projet. Pas étonnant que les virevoltants organisateurs aient eu à cœur de consacrer aux Kesaj Tchavé une semaine entière et de mettre au centre de leur venue des échanges et des travaux communs avec les enfants d’écoles rennaises ou encore de l’école de musique de Saint-Aubin d’Aubigné.

www.unidivers.fr/page/270/?tribe_event_category=rennes&tribe_event_display=day&eventDate=2021-07-06

Fotogaléria: printemps 2013 Rennes MJC Bréquigny

Marseille Espace Julien