Novembre
Il ne nous reste que peu de temps avant le vernissage, de nouveau il s'agira d'une occasion de sortie, de production en public, donc il faut être au top, et pour cela, il faut se préparer et mettre les bouchées doubles aux répétitions. En fait, ce n´est pas en deux ou trois séances que l´on changera quoi que ce soit, mais c´est le moment ou jamais pour motiver encore plus les troupes et pour passer au stade supérieur lors des répétitions. Tout le monde veut partir à Bratislava, tout le monde veut participer au voyage, alors il faut que tout le monde bosse au maximum, encore plus que d'habitude ! J'exhorte tout le monde, ne laisse rien passer, les répétitions perdent momentanément ce côté ludique et bon enfant que je tiens à maintenir en temps normal, là, on passe au mode pro, on répète, encore et encore, on travaille, enfin ! Ca a toujours été mon objectif et souhait profond, de travailler et travailler, toujours et encore, incessamment, jusqu' à tomber mort de fatigue… La méthode cosaque, celui qui tombe de fatigue, on l'arrose avec un seau d'eau froide et on continue !
Ça, c´est mon fantasme personnel, mais que j´ai quand même mis en pratique la majeure partie de ma vie professionnelle, qui, bien entendu, n´est pas applicable dans l´absolu dans les conditions qui sont les nôtres, et surtout avec les effectifs qui sont les nôtres – les jeunes et enfants des osadas. Bien, que même dans le mode de notre travail au quotidien on arrive à envoyer une sacré dose d´énergie et d´efforts, mais c´est toujours sur la base d´un mélange d'enthousiasme juvénile, de bonne humeur et aussi de la discipline, comme complément naturel et indispensable pour tout travail de fond.
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La méthode, c'est toujours l'exemple personnel, j'y vais à fond, comme je l'ai toujours fait, et j'essaie d'entraîner le reste avec moi. En général ça marche, c´est une méthode qui est déjà largement éprouvée par la pratique des années avec ce public bien particulier, je connais les « combines » qu´il faut utiliser, cela relève de mon travail de meneur de cabaret que j´exerçais dans le temps, il faut savoir mener les hommes là où on veut les amener, pour cela il faut bien les sentir, et surtout ne pas se ménager soi-même. Mais en période d´avant les spectacles ou des moment importants, cruciaux, j´en profite pour pousser le bouchon encore plus, j'explique et j´applique la méthode professionnelle, le travail, la répétition, pas de rigolade, on n´est pas une bande de jeunots des bidonvilles qui va se produire dans une école maternelle, non, nous sommes un groupe connu, semi-professionnel, nous allons nous produire devant des gens très importants, alors il ne faut pas se faire honte, il faut être au top, alors on bosse, encore et encore !
Ça, c´est pour le côté de mes fantasmes et convictions profondes, car il ne faut pas se faire d'illusions, cela ne marche qu´un certain temps, la faculté de concentration des jeunes est ce qu´elle est, limitée dans le temps, et le côté sérieux, travailleur et appliqué et vite submergé par la décontraction et désinvolture juvénile, les fou-rires ressurgissent juste quand c´est le moins opportun, la tension baisse, moi ça me met hors de moi, car bien sûr, je suis le seul qui me prend complètement au jeu de « travail professionnel », tout cela donne lieu à des scènes de colères noires de ma part, heureusement que tout le monde prend ça plus ou moins à la rigolade, mais on travaille dur quand-même, dans la mesure de nos moyens, et même au-delà.

Ensuite, après une répétitions monstre, quand j´envoie tout le monde vite, express, au bus et au train, parce qu’on travaille jusqu´à la dernière minute, pas de pertes de temps inutiles, il faut courir pour ne pas rater les transports, je n´ai pas eu le temps de calmer le jeu, on reste sur mes invectives féroces, que si c´est comme ça, ceux qui ne sont pas sérieux et rigolent quand il faut être sérieux, n´iront pas au spectacle, j´en ai même mis un ou deux à la porte, ils doivent attendre dans le couloir que l´envie de rigoler leur passe, je ne compte plus ceux auxquels j´ai fait faire des pompes parce qu´ils n´étaient pas assez concentrés, après tous ces excès, le soir quand je rentre chez moi, j´ai des remords de conscience d´avoir été trop dur et intransigeant dans mon comportement, je me dis qu´ils doivent être traumatisés, il faut que je me calme la prochaine fois, sinon ils ne reviendront plus. Je téléphone à Domino, le plus ancien, pour savoir comment ça va, heureusement, il me rassure, aucun problème, c´est comme ça qu´il faut travailler, tout le monde va bien, la preuve, tout le monde revient le surlendemain à la répétition et ça repart comme si rien n´était, à fond… !
La veille du départ, après la répétition les filles de Lomnica préparent les sandwichs pour le voyage, il en faudra bien une soixantaine, deux par personne. Ils seront avalés lors de la première pause sur l'autoroute. Le reste de la restauration se déroulera au MacDo en rentrant, une récompense bien mérité après une prestation plus que réussie au Musée National Slovaque à Bratislava.
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Nous n'avons eu qu'une seule action en commun avec le Musée National Slovaque, mais elle fut de taille... Il s'agissait du vernissage de l'exposition photographique des Carrets qui a eu lieu le 5 novembre 2025 dans le bâtiment principal du Musée, sur les bords du Danube, à Bratislava. C´était l´aboutissement d´une longue série de démarches et tractations, car l'exposition était organisée dans le cadre de la donation de l´archive photographique de Claude et Marie-Jo Carrets à la République Slovaque via le Musée National Slovaque, plus précisément via sa succursale, le Musée de la Culture Rom à Martin.
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A l´origine des contacts ont été pris avec le Musée de la Culture Rom à Brno, en République Tchéque, mais l'action s´enlissait de ce côté là, alors on a bifurqué sur le Musée de Martin, et la chance était de notre côté, car les choses ont été prises en main par la responsable de la section rom du Musée, Adriana Daneková, qui s´est lancé avec passion et surtout détermination dans les interminables démarches relatives au compliqué processus de la donation. Le tout a pris deux bonnes années, durant lesquelles on n´était jamais sûrs du résultat, car le Musé National étant, comme son nom l'indique, une institution nationale, et de ce fait est sujet à tous les soubresauts et tremblements de terre qui déferlent sur la société slovaque et les institutions culturelles en particulier.
L'instabilité politique et la polarisation de la société slovaque ont pour conséquence une instabilité chronique et autodestructive des institutions étatiques, avec des changements constants aux postes de direction, et les prises de décisions sont devenues très délicates, voire impossibles. Dans ce cadre, l'aboutissement du projet de la donation, de l'exposition, et dans une moindre mesure, mais quand même, de notre participation au vernissage, relève de l'impossible. Et cet impossible a été rendu possible grâce à la détermination, à l'obstination d ' Adriana Daneková, qui, malgré des évolutions de situations désastreuses, n'a jamais abandonné, et s'est battue contre vents et marées jusqu'à la victoire finale. Adriana a été très bien secondée par l'équipe qui s'est formée autour des Carrets, avec Johann Le Berre en tête, qui, grâce au soutien financier de la Fondation Bader Philanthropies ont conçu, réalisé et édité le catalogue accompagnant l'exposition, un magnifique ouvrage, la matérialisation mérité de tous les efforts fournis par tous qui ont pris part à cette aventure.
Dès le départ, nous avons pris le parti de prendre part quoi qu´il arrive au vernissage, le point final en fin de ce parcours d'obstacles. Bien sûr, rien n'était moins sûr, car le moindre déplacement, et d'autant plus un aller-retour jusqu'à Bratislava, atteint des sommes astronomiques pour nous. Mais il était inimaginable que nous ne soyons pas présents à l´événement final. Notre ami Pavel Slaby, qui a déjà financé une exposition des Carrets à Klenovec, a promis de prendre les frais du voyage à sa charge, alors nous avons pu affréter un bus, et nous rendre le jour J à Bratislava. Soit dit en passant, nous avons déposé une demande de financement de ce voyage à la Section rom du Fond de soutien des minorités nationales auprès du Ministère de la Culture slovaque, mais notre demande n'a pas eu de suite. Nous avons formulé la demande de subvention comme un projet éducatif consistant en la visite de la capitale et de la participation au vernissage, cela aurait comporté une nuité à Bratislava, mais vu l'imperméabilité du Fond à nos demande, ce ne fut qu´un aller-retour, avec un bref passage sur les quais du Danube et quelques photos devant le Théâtre National. S'en est suivi le vernissage et le retour à Kežmarok aux alentours de minuit.

Le Musée a fait le nécessaire en ce qui concerne la propagation de l'événement, et a envoyé des invitations officielles où il se doit. J'étais sûr de voir les représentants des institutions culturelles liées aux Roms, les très voyants politiques et militants de la cause tsigane, qui n'hésitent pas à récupérer le moindre fait public en leur faveur, mais personne n'est venu. Décevant, c'est tout ce que l'on peut dire, mais, hélas, pas surprenant... Par contre, les ambassadeurs de France et du Japon étaient présents, de même que la directrice générale du Musée National Slovaque.
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L´ambassadeur de France, Mr. Suran, a eu un discours, et nous avons aussi eu l'occasion de discuter un peu ensemble. Tous les retours sont plus que positifs, nous aussi, nous avons eu une bonne impression de tout l'ensemble de l'action, que ce soit l'accueil, le déroulement de l'action, la prestation en elle-même, tout a bien marché, rien de négatif à signaler, que du positif !

Hormis le défi du financement du voyage à Bratislava, notre principal problème était, comme d'habitude, la participation de nos effectifs, avec comme toujours, la question épineuse de la présence ou non de Roman, notre seul musicien, au spectacle. Pour ce qui est des effectifs, le problème n´était pas aussi crucial que d'habitude, car il ne s'agissait pas d'une prestation sur scène, mais juste de quelques apparitions en début et au milieu du vernissage, avec une partie plus consistante à la fin. L'absence des anciennes danseuses, de nouveau alpaguées par Lubo, malgré leur retour vers nous au dernier spectacle à l'école de Hranovnica, n'est pas dramatique, tant pis pour elles. L'absence de Sara, notre danseuse soliste, partie la veille sans prévenir en Tchéquie, est un peu plus délicate, sans elle nous ne pourrons donner aucune des danses de notre répertoire classique, bon, il faudra miser sur le chant et les claquettes, alors on se débrouillera de la sorte. Avec tout ça, je ne savais pas quel bus réserver, combien on sera au final. Au final, comme d'habitude, nous étions une bonne trentaine, pour plus de la moitié des jeunes c'était leur première grande sortie, en plus dans la capitale de la République, Bratislava, donc un de ces événements dont on se souvient ensuite pour toujours.

Petit grand bonus, tous nos anciens, qui travaillent maintenant à Bratislava, et que l'on ne voit plus que très rarement, sont venus et ont même participé au spectacle. Nous avons eu ainsi le plaisir de retrouver Tomáš, qui a ensuite excellé dans son solo de hip hop, il y a eu aussi Cyril, toujours aussi fou qu´avant, Stefan était là aussi, et le plus surprenant, est venu aussi Stano, que l´on n´a pas vu depuis une quinzaine d´années. Stano était là lors de la fondation du groupe, il est devenu ensuite un des piliers de notre ensemble, il a apporté énormément au niveau de la chorégraphie et de la formation des jeunes, mais un jour, pratiquement du jour au lendemain, il a changé du tout au tout, a viré de 180°, est devenu carrément odieux et nous a quitté avec la bouche pleine de calomnies, etc. A l'époque cela nous a sérieusement affaibli et blessé au plus profond de nous mêmes, mais il n´y avait rien à faire, on dirait qu'un mauvais sort avait été jeté... Bien des années après il s'est fendu d'une lettre d'excuses, mais les choses en sont restées là, nous n'étions pas d'humeur à une reprise de contacts, les blessures étaient trop profondes. Et voilà que Stano réapparaît. Sans s'annoncer, nous ne l'avons pas prévenu de notre venue, il a du l´apprendre par les médias. Nous sommes en plein boum de la préparation au spectacle, il n´y a pas le temps pour des discours ni pour des bavardages, visiblement il est ému, alors je lui lance d'aller s'occuper des costumes, comme avant, et de nous rejoindre ensuite au chant lors de la production. Heureux, il réintègre son poste, et on attaque le spectacle.
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Nous nous sommes mis d´accord avec la chef du protocole qu´on interviendra en début du vernissage avec une chanson, ils ont proposé l´hymne rom, Djelem djelem, mais cela me semblait trop sérieux, inutilement pathétique, on se l'a gardé pour plus tard, dans une version moins formelle. Nous avons donc attaqué avec notre chant d'introduction habituel O Roma, qui a aussi un côté hymnique, mais sans prétention inutile. Ensuite il y a eu des discours officiels, de nouveau une intervention de notre part, cette fois-ci avec Je suis tsigane, toujours dans le mode mineur et grave, mais avec un côté théâtral et dramatique, donc sans exubérance rythmique, que l'on se réservait pour plus tard. De nouveau des discours, l´Ambassadeur de France, Mr. Suran prend la parole, suivi de Yechiel, et puis c'est à nous. Cela fait presque une heure que le flot des discours ne tarit pas, c´est le moment idéal pour apporter un peu d'énergie et de mouvement. Ca tombe bien, l'énergie, c'est notre terrain de prédilection, notre mission en ce bas monde, dirais-je sans prétention en tombant les pieds joints dans le pathétique, il n´y a pas de raison d'user d´expression fortes lorsqu´elles sont portées par la véritée ! :)
Alors on met le paquet, du rythme, des claquettes, des rires et des fous rires notamment des amis de l'ambassadeur, qui manifestement n'en revenaient pas de le voir évoluer sur le parquet dans les bras d'une de nos danseuses.
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Au début je ne savais pas si nous allions lancer aussi notre subtile spécialité, la danse avec les spectateurs, le public me paraissait un peu guindé, sérieux et solennel. Madame la Directrice générale du Musée National slovaque, qui était assise aux côtés des ambassadeurs de France et du Japon, avait l'air d'être bien stricte et sérieuse, pas du tout du genre à aller faire le guignol sur scène. Par précaution j'ai demandé discrètement à son assistant si cela serait opportun, horrifié, il m'a répondu que surtout pas, en aucun cas ! Ok, soit, j'ai passé la consigne à Cyril et à Dominik de ne pas l'inviter à danser lorsque ce sera le moment de faire entrer les spectateurs sur scène. Et bien entendu, comme souvent en pareilles circonstances, c'est exactement le contraire qui s'est produit. Stefan, qui n'a pas entendu ce que je disais, est allé directement, avec un grand sourire vers elle, et elle, avec un grand sourire l'a suivie sur le parquet, et cela a donné une merveilleuse petite séquence de vidéo, que dès le lendemain s'est empressé de mettre sur la toile le fidèle assistant de la direction. Nous n'avons eu que des retours très positifs de tous les côtés, y compris de la part de Mme la Directrice.
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Nous aussi, nous étions très satisfaits de notre petite virée automnale dans la capitale et de notre prestation. Tout a été parfait, la rencontre avec les anciens du groupe, avec Martin Šulík, le régisseur du Cigán qui nous a rejoint malgré son emploi de temps hyper chargé, l´accueil au Musée, le passage au MacDo Yepce, et puis, il ne faut quand même pas oublier l´essentiel, le vernissage, l'aboutissement d´une montagne d´efforts de nos amis, avec pour en toile de fond la reconnaissance de l´investissement exceptionnel de Claude et Marie-Jo qui ont sillonné durant des années notre pays avec leurs appareils photos et des coeurs grands ouverts. Tout cela, ca fait une belle histoire, à laquelle nous sommes heureux d'avoir pu prendre part.
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Hélas, comme souvent en pareils cas, les états de béatitude simple et bienheureuse, largement mérités après des efforts surhumains et des succès exceptionnels (mais si :), ne durent que le temps d´une respiration lors d´un sprint dans une côte (mon exercice favori en montagne qui me permet de tenir le coup tant bien que mal jusque là). Dès le lendemain Roman a téléphoné qu´ils n´ont pas de bois pour se chauffer, est-ce qu´on peut l´aider ? Je suis dans la montagne, tranquille, à me vider la tête de tous les problèmes, loin de tout, me voila rattrapé par la réalité. En descendant je fais un crochet pour lui donner quelques sous pour se chauffer. Mais des le lendemain le téléphone sonne de nouveau, cette fois-ci Roman a trouvé sur le net une super télé à vendre pour 150 eu. Pas question, après le voyage à Bratislava on a plus rien. Il propose de nous donner sa carte bancaire et sa pièce d'identité pour qu´on récupére l´argent directement lorsqu'il va recevoir ses allocations. Non, il nous a déjà fait le coup, ca ne marche pas, et de toute façon, s´il se paie la télé, qu'est-ce qu´il va donner à manger à ses enfants ensuite ?! C'est non. Le lendemain, rebelote. Encore une télé, décidément c'est une manie. Cette fois-ci pour 90 euros. Il m'exaspère, impossible d'avoir une journée tranquille sans être sollicité, alors que j´ai vraiment besoin de décompresser après le dernier spectacle. Il me rappelle encore une fois, cette fois-ci pour dire que finalement la télé a été vendue à quelqu'un d´autre. Je lui dis que de toute façon il n'a pas les moyens de se permettre de telles dépenses avec ses allocations familiales, pour la simple raison que s´il achète une télé ou n´importe quoi d´autre, non indispensable, il n´aura pas ensuite de quoi acheter à manger pour ses quatre enfants, ce qui est indispensable...
En ce qui concerne les télés, le problème est d'autant plus crucial, que nous l'avons déjà aidé à acquérir plusieurs télés (je ne les compte plus) et elles ont toutes fini dans un temps record cassées par son épouse lors de ses accès de folie réguliers et fréquents. Je lui ai expliqué ça calmement, sans invectives, en dehors des répétitions et spectacles je suis quelqu´un de très calme et pondéré. Mais acheter des télés pour les voir cassées peu de temps après ne m'enthousiasme pas plus que ça. De nouveau coup de fil, Roman, visiblement entouré de ses proches, il prend mal mes considérations et recommandations, et m´annonce que si c´est comme ça, ce n´est plus la peine de le rappeler, qu´il ne faudra plus compter sur lui pour venir jouer avec nous. Bravo. Très bien. Après tout ce qu´on a fait pour lui (aides, caravane, etc), il fallait bien s'attendre un jour à une telle réaction. Donc nous ne sommes même pas trop surpris, il y a juste le timing qui n´est pas des meilleurs, après cette action plus que réussie a Bratislava on aurait aimé être tranquilles au moins pendant quelques jours, mais c´est toujours comme ca, ce genre de surprises arrive lorcequ´on s´y attend le moins.
Ce n´est pas la première fois qu´il réagit de la sorte, mais au moins cette fois-ci c´est sans cris et invectives. C´est déjà ça, c´est un progrès. Mais cette fois-ci nous n´allons pas laisser passer la chose comme ça. On va vraiment mettre des distances pour un certain temps. Il doit recevoir bientôt ses allocations familiales, donc il sera tranquille pour quelques jours, mais ce ne sera que de très courte durée, et il reviendra de nouveau à la charge. Il va se morfondre en excuses et explications, promesses de ne jamais recommencer, etc. Non. On va tenir bon. Bien qu´on a besoin de lui pour les répétitions et spectacles, on ne va pas fléchir. Après tout ce qu´on a fait pour lui, il ne peut pas avoir de tels comportements. En plus, bien sûr, tout le monde est au courant de l'affaire. D´un point de vue éducatif, on ne peut pas se permettre de tels rapports. Et bien sûr, du point de vue humain, ça devient trop lourd à supporter pour nous. On n'en peut plus.

J´ai eu un coup de fil de Ciaš, une vielle connaissance de Rakusy, me demandant si on ne pourrait pas le prendre comme musicien dans le cadre de ses activités relatives à son statut de chômeur de longue durée. Tout bénéficiaire d´aide financière de la part de l´Etat doit en contrepartie effectuer un certain nombre d´heures de travaux d´intérêt public, moyennant une obole de quelques 60 eu par mois, ce qui est bien peu pour 4 heures de travail par jour, quatre fois par semaines. Et pourtant, même pour cette misère les Roms se battent pour faire partie des travailleurs mobilisées dans le cadre du Programme d´activation des chômeurs de longue durée. Mais bien entendu, une fois qu´ils sont partie prenante de ce grandiose projet national, ils ne font pas grand-chose, d´une part parce que qui voudrait travailler pour une telle misère, et puis parce qu´il n´y a rien à faire. Les municipalités emploient toute cette armée de chômeurs pour divers travaux de maintenance et de nettoyage, ce que ces malheureux font tant bien que mal lorsqu´il y a de quoi faire, et le reste du temps, eh bien, ils font semblant de travailler pour garder les apparences. Tout cela n´est pas bien vaillant ni glorieux, mais donne une impression à tout le monde, surtout aux politiques, qu´on fait quelque chose pour l´emploi, alors que tout le monde sait parfaitement que tout cela ne sert à rien… Il y a bien des années nous avons eu une expérience directe avec ce programme, Helena a été coordinatrice d´une équipe de chômeurs qui exerçaient leurs activités dans le cadre de notre association, c.à.d. une équipe de 7 ou 8 femmes, mères de nos jeunes, qui devaient ranger, balayer le couloir dans lequel nous répétions. Il n´y avait pas grand-chose à faire, c´était balayé en moins de deux, mais même avec ce pas grand-chose il y avait plein de problèmes, personne ne voulait balayer, ou vraiment à contre cœur, et au point de vue de l´administration, de la paperasse, c´était une véritable horreur, nous avons dû faire appel à un comptable, professeur d´économie au lycée local, qui nous a escroqué et ne nous a jamais remboursé. Bref, plus jamais de ça. Donc j´ai répondu à Ciaš que non, nous ne pratiquons plus ce genre d´activités. Mais après je me suis ravisé, et j´ai téléphoné à la Maire du village auquel appartient le bidonville, et nous nous sommes mis d´accord que Ciaš pourra effectuer son activation chez nous par le biais de la Municipalité, comme ça nous n´aurons pas toute la charge administrative à gérer. Cela tombait bien, comme ça nous ne serons pas autant dépendants de Roman au niveau de la musique, et peut être ca l´amènera à réfléchir un peu.
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Entre temps nous avons quand même repris contact avec Roman, qui tout en excuses et repentances a réapparu de nouveau avec son lot de malheurs et catastrophes au quotidien. Tout d´abord une bagarre avec son père, qui est venu, ivre, à minuit leur frapper à la porte pour en découdre. Une altercation s´en est suivie, Roman a eu la main droite tuméfiée, heureusement pas cassée, et la famille du paternel qui a reçu une raclée a dès le lendemain coupé l´électricité à toute la tribu de Roman qui était branchée sur eux. Donc plus de jus. Est-ce qu´on peut aider. Car un autre voisin veut bien qu´ils se branchent sur lui, mais il faut payer à l´avance… A peine ce problème réglé, que les premiers froids sérieux apparaissent, avec des chutes de neige conséquentes, qui provoquent des chutes de toits conséquents, bref, le toit chez la mère de Roman, qui était déjà bien endommagé après les dernières pluies, vient de rendre l´âme avec ces flocons lourds de conséquences. Là, on ne peut pas intervenir, mais on est sollicités.
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