Galerie

Le 15 novembre 2022 nous avons mené un atelier de danse à la Tatranska Galeria à Poprad. C´était un prolongation informelle du projet d´il y a 3 ans, "L´Intégration par l´Art". Et cette fois-ci aussi, l´entreprise comportait de sérieux défis à relever. Tout d´abord, nous étions sans musique. Il n´est plus possible de compter sur notre clavier, Roman. Il est dans une situation financière épouventable, en fait, dans une crise chronique, perpétuelle, il n'arrive absolument pas à subvenir aux besoins de sa famille nombreuse (3 enfants et aucun revenu).  De ce fait, ses attentes et demandes envers nous ne font que croître sans arrêt, et atteignent un niveau auquel nous ne sommes plus en mesure de répondre.  Si l´on ajoute à cela parfois une conduite pas toujours des plus correctes de la part de Roman, il est évident que la seule issue de cette situation est de rompre tout contact avec lui. Ce qui fait que nous sommes sans musique, je suis tout seul à jouer, ce qui est, vu la faible facture harmonique de mon instrument, absolument insuffisant. Lorsqu´il y a Matej, Jakub et Marcel, on a au moins un soutien rythmique avec Jacub au cahon, et le chant puissant de tous les trois. Mais sans eux, nous sommes vraiment affaiblis. Les nouveaux sont encore loin de posséder tout le répertoire, ils ne savent pas chanter correctement, ne tiennent pas le rythme, et nos performances musicales sont plus d'une fois assez désespérantes. 
Notre trio des anciens est parti il y a deux semaines sur des chantiers à Bratislava, et nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Heureusement, par le plus grand des hasards, ils sont revenus deux jours avant le spectacle, mais ils devaient repartir tout aussitôt, et ne pourront pas venir jouer et chanter avec nous. Jusqu´au dernier moment nous étions persuadés que nous jouerons sans eux. Mais de nouveau, heureusement, leur employeur (au noir), qui les méne par le bout du nez, ne les paie pas, etc., ne leurs a pas envoyé l´argent pour le voyage de retour. Donc le matin, juste avant de partir pour le spectacle, nous avons appris qu´ils pouvaient venir avec nous. Ce qui était quand-même bienvenu, et nous a permis d´assurer une production musicale meilleure, bien que toujours sans le soutien de l´instrument harmonique principal, le clavier. Donc tout est bien qui finit bien.  Même très bien, bien au dessus de nos attentes. Mais avec une bonne dose de stress, car jusqu'à la dernière minute je ne savais pas avec quelle formation nous allions nous produire. 
Les organisateurs nous ont bien dit qu´il y aura aussi des éleves  de l'Ecole Spéciale, mais quelle ne fut notre surprise lorsque nous avons retrouvé parmis eux nos amis de l´Orphelinat de Poprad, avec lesquels nous nous sommes déjà vus à la Galerie de Košice, lors de notre dernier spectacle, et nous avons même dansé ensemble. Il va sans dire, que cet atelier, ou plutôt, atelier-spectacle, s´est très bien passé, nos copains ont dansé avec nous à fond, et ceux qui ne nous connaissaient pas encore, les nouveaux, et qui étaient un peu frileux au début, se sont tellement lâches à la fin, qu´on ne pouvait plus les arreter, ils auraient bien continué une petite heure de plus... 
De nouveau, il ne s'agit pas seulement    d´organiser une espèce de discothéque tsigane sympathique où tout le monde se défoule. Cela va bien au-delà d´une simple après-midi dansante.  Les nouveaux, un peu frileux, dont il est question sont en fait des jeunes, dont certains handicapés, introvertis, enfermés sur eux-mêmes, qui n´ont jamais eu l'occasion de s'extérioriser de la sorte. Ils souffrent d'un handicap mental, parfois physique, mais aussi social et culturel. Jamais, et nota bene dans le contexte d´un événement se passant dans la société majoritaire, ils n´ont eu la possibilité d'affirmer leur ethnicité, leur appartenance à l'ethnie rom, au grand jour. Et d´une manière positive ! D´habitude, ils ne font que subir l'image négative dont les Roms sont automatiquement porteurs, et là, c´est tout le contraire !  
Parmi nos amis de l´Ecole Spéciale, il y en avait pas mal, qui de toute évidence, souffraient de handicaps mentaux divers, parfois assez lourds. Mais cela ne nous empêchait pas le moins du monde de travailler aisément ensemble, d´une manière très intensive et dynamique, comme nous en avons l´habitude. Le tout s´est passé de la même manière comme lorsque nous sommes intervenus lors de notre dernière tournée en France, dans un établissement pour handicapés, le Viaduc, près de Gannat, et où tout s´est plus que bien passé. 
A l´origine de ce succès est de nouveau l´extraordinaire quotient d´adaptation de nos jeunes, qui, comme chez eux, dans leurs communautés, d´une manière on ne peut plus naturelle, sans la moindre hésitation, intègrent tout le monde dans leur structure sociale. Tous, y compris ceux, souffrant de handicaps lourds. C´était une intervention exigeante, mais menée avec succès. Tous se sentaient comme au septième ciel. Un tel résultat peut être aussi obtenu par des artistes professionnels de haut niveau, mais avec cette différence, que dans leur cas, ce ne sera qu´un jeu d´acteur, même s ́il est excellent, ce ne sera que du jeu, tandis que chez nos jeunes, c´est du "vrai", sans aucun jeu ni simulacre, c´est de l´humain pur, un morceau de la vie... Et c´est ce qui fait toute la différence. 
8 décembre 2022
On a beau vouloir, encore il faut pouvoir... Mais nous, nous n´avons plus d´attentes ni de prétentions d'aucune sorte, nous prenons humblement tout ce qui vient, comme ça vient... Voilà pour situer le contexte de notre production d'aujourd'hui à la Tatranská Galéria de Poprad. Une production très importante pour nous, mais tout autant risquée et périlleuse. Importante, parce que c´était l´aboutissement d´un travail de plusieurs mois avec une équipe pratiquement toute neuve, pour la plupart des participants c´était leur première scène, et risquée et périlleuse pour la même raison. De plus, les répétitions ont eu lieu avec une équipe complétement affaiblie, sans musique et sans les chanteurs expérimentés.  Avec une telle constellation, c'était vraiment très éprouvant, même désespéré par moments. Mais le groupe a tenu le coup. Au contraire, à chaque répétition nous étions une bonne cinquantaine, ce qui était par contre très lourd au niveau financier. 10 jours avant le spectacle, Jakub et Marcel sont partis travailler en Tchéquie, ce qui fait que l´on s´est retrouvé sans le chant, ni la base rythmique. Mais quelques jours après, Jakub a appelé, en disant qu´il aimerait bien rentrer, qu´il en a marre, il est malade, il a mal au dos et des picotements au coeur et de toute façon on ne les paie pas, est-ce qu´on ne pourrait pas lui envoyer de l´argent pour le voyage, il pourra ainsi participer au spectacle et aider avec le chant et les percus. Nous lui avons envoyé. Il n´est pas venu.  Heureusement, la veille, on a reçu un coup de fil de Roman, se repentant, etc. C´est Helena qui a parlé avec, alors on a arrondi les angles, et le lendemain Roman est revenu en répétition. Et le surlendemain je l'amenais chez ses beaux-parents, parce que son petit Eric avait des vers et devait aller chez le médecin, à Štiavnik. Ce n´était pas du tout gagné qu´il vienne le lendemain matin à Poprad pour le spectacle. Mais il est venu. Heureusement. Car si nous étions restés sans chant, sans percus et sans le synthé, cela aurait été dramatique. Nous étions un bon paquet.  54 Kesaj, ceux de l ́Orphelinat  environ 14, plus une bonne douzaine d'élèves de l´École Spéciale de Veľká Lomnica. Heureusement, la Galerie dispose d´un espace assez grand pour accueillir tout ce petit monde, les organisateurs sont avenants, le public, bien que peu nombreux, mais d'autant plus entièrement acquis, et tout s´est  passé pour le mieux. Pour les 2/3 des nôtres, c´était leur première scène. L´ élan général n ́ avait de pareil que l ́ enthousiasme général, qui était au top, astronomique... Le public, participatif à souhait, ainsi que les participants enthousiastes, tous ont passé un excellent moment, en partageant la scène, ainsi que le parquet devant, pour une méga partie de disco spectacle tzigane, sans retenue ni soucis d'aucune sorte. Même la télé était là, pour faire un petit scoop qui est passé dans les infos nationales le lendemain. Ce petit événement culturel avait pour nom "Noël Tsigane" , et il l´a parfaitement mérité. Tout le monde était heureux... Le rôle de la télé est très important. Les journalistes nous connaissent, et ont fait un très bon travail. Une image hyper positive des jeunes Roms des bidonvilles. Dans le contexte médiatiques dans le quel prévalent des informations sur la criminalité et des faits divers scabreux perpétrés par des Roms, une information positive est rare et vaut son pesant d´or.  
Quelques précisions. Tous les participants, autant  les jeunes artistes que les spectateurs, provenaient des communautés roms marginalisées, des osadas, donc des bidonvilles de la région des Tatras, en Slovaquie orientale. Parmi eux, un bon nombre des élèves des Écoles spéciales (autant parmi les spectateurs que parmi les artistes), donc ayant une diagnose de déficience mentale établie par des médecins spécialisés. Tous, des élèves de classes tsiganes. Bref, que des jeunes et des enfants situés en marge de la société majoritaire, vivant en exclusion de par leur habitat et de par leur appartenance à une communauté ethnique, culturele, linguistique et sociale particulière. 

 

spravy.rtvs.sk/2022/12/v-tatranskej-galerii-popri-tvorbe-znamych-umelcov-visia-aj-autoportrety-romskych-deti/?fbclid=IwAR1RpgY7RG4E-GKd16ZokQfbWaQQIXg9vRnQ4aC2FuCV3XILvjXWVfqQas4

Atelier de danse