Saint Denis

Après Tomblaine, Saint Denis. Notre participation au Festival Aux Actes Citoyens à Tomblaine était très intense, mais dans un climat tellement amical, détendu et généreux, que nous nous sentions comme après une cure de jouvence, revigorés et gonflés à bloc, nous mettons le cap sur Paris. Il n´y avait pas lieu de se presser, nous n´avions pas de spectacle le soir, c'était juste une journée de transport qui nous attendait. 
En arrivant un peu avant 18h à Saint Denis, je réfléchissais à quoi faire de mieux. Aller directement à l´hébergement, ou aller d'abord faire un tour au Chapiteau Raj´ganawak où officiait Camo?          
J ́aurais aimé opter pour la première variante, je me verrais bien au lit, souffler un peu après toute cette journée dans le bus, mais, comme me l ́avait signalée Camo bien avant que nous partions, il y aurait au chapiteau juste ce jour là, à 18h, un cours de boxe pour tous les niveaux. Un truc pareil, ça ne s'invente pas. Alors il ne faut pas le rater, et de toute façon, même si nous étions allés au gîte, personne n'aurait la moindre envie de se mettre au lit, à part moi, alors autant aller au Raj´ganawak, un peu de boxe  nous fera que du bien. Et c'était une très bonne option. En effet, après une journée à se transbahuter dans le bus, enfiler des gants de boxe relevait du nirvana tout simplement. Il était juste quelques 5 ou 10 minutes après 18 heures lorsque nous sommes arrivés au chapiteau. 
Le cours de boxe venait juste de commencer. Il y avait une petite dizaine de boxeurs plus ou moins novices, de tous âges, qui, menés par une monitrice, évoluaient sur la piste du cirque. Naturellement, nous nous sommes mis en cercle autour de la piste pour les regarder, et tout aussi naturellement, pratiquement instantanément, sans paroles inutiles, nous nous sommes joints à eux. D´abord l´échauffement, des étirements, un peu de muscu, et puis des esquisses de coups, des gardes, des défenses... 
Une véritable aubaine après les pas loin des 400 km sur les sièges de notre autocar. Et survint le moment de grâce suprême, des petits combats avec des vrais gants de boxe, dont il y avait un panier tout plein à disposition. Un rêve ! Mieux, une réalité au-delà de toute imagination. En effet, aucun de nos jeunes n'aurait pu imaginer un tel accueil au chapiteau. Inutile de dire que tous y allaient de bon cœur, et il fallait que je maîtrise l´espace et les combattants débordant de fougue et  d´ardeur pour qu´il n´y ait pas des ko en série. Heureusement, dans ma jeunesse j'ai pratiqué intensément les arts martiaux et j´en ai gardé encore quelques réminiscences, alors j´ai pu maîtriser les débordements prêts à déborder de tous les côtés.
La plus enhardie et téméraire était la petite Véronika. Elle n ́avait qu´un seul gant, puisque son autre bras était dans le plâtre, mais ça ne l'a pas empêché de se lancer sur son adversaire, un garçon du club local, qui, bien que plus haut  d ́au moins une tête, n´avait aucune chance devant elle, et n´avait d´autre solution, que de courir à toutes jambes pour échapper au gant de la main gauche de Véronika, qui lui courait après en rond autour de toute la piste du cirque. 
Vite fait, bien fait, après une petite heure, tout le surplus d´ énergie évacuée, nous pouvions évacuer vers notre lieu d ́ hébergement. 
C´est Camo qui nous a trouvé cette solution de rechange de dernière minute, après que notre plan initial au Château de Buno ait flanché. Camo est une vieille connaissance. Nous l´avons rencontrée il y a une quinzaine d´années, lorsque nous faisions nos interventions sur les terrains roms dans le 93. Le terrain de Hanoul, Montreuil, Aubervilliers... Camo, toute jeune trapéziste,  avait à l´époque un petit chapiteau de cirque, installé directement sur un des camps et elle y accueillait des enfants roms des campements avoisinants pour des activités circassiennes. C´est là que nous l´avons  connue, ainsi que Cassandra et Spartacus, dont elle s'occupait, et sur lesquels, Ionis, son compagnon, avait réalisé un documentaire qui a pas mal tourné dans les salles de cinéma.  Après, elle a déménagé son chapiteau, et elle se trouve actuellement à Saint Denis, pas loin de la Gare du RER. Nous longions la voie du tram pour arriver à l´adresse indiquée, bien sûr, un peu déconcertés par ce paysage quelque peu exotique qu´offre une banlieue telle que Saint Denis. Et encore, nous ne sommes pas passés par la Gare du RER, avec son hypermarché de brochettes grillées dans des caddies,  à ciel ouvert... Nous nous demandions bien dans quelle sorte de gîte nous allions nous retrouver ?! Et quelle ne fut notre surprise lorsque nous sommes arrivés devant un immense portail, en plein Saint Denis, qui une fois franchi, nous amenait dans un tout autre monde, à l'opposé de ce que nous voyons jusqu'à lors. Derrière le haut portail et des murs pas des moindres, se trouvait un véritable manoir, un petit chateau, entouré d´un parc idyllique, un vrai havre de paix et de quiétude dans cette banlieue parisienne quand-même un peu déconcertante sous certains aspects... Là, c'était tout autre chose, on se serait cru sur une autre planète. 
Nous étions à l'Auberge Municipale de Saint Denis, qui était comme par enchantement juste libre et disponible à cette période, et que Camo avait réservée pour nous. Un accueil très sympathique, un cadre féérique, tout était rénové, on se serait cru au Club Med. Le seul hic, c'était la disposition des chambres qui nous étaient destinées. Il y avait aussi d´autres visiteurs, deux classes de CM logeaient déjà dans les locaux, et nous ne pouvions pas être dispatchés tous sur les mêmes étages, et de surcroît,  même pas dans les mêmes bâtiments. On sera répartis carrément sur cinq endroits différents. La cata. Comment faire pour arriver à maîtriser tout le groupe, pour surveiller toute cette jeunesse débordante d´énergie ?! Par ordre d´importance, d´abord, les filles au plus près de nous. Donc les deux chambres qui étaient à côté de la nôtre seraient pour elles. Ensuite les plus grands, jeunes adultes, donc autonomes, dans l'endroit le plus éloigné, un petit pavillon au fond du parc, et les jeunes garçons dans un autre pavillon, à un étage, les petits en haut, et les grands au rez-de chaussé, à les surveiller. Bien sûr, personne, à part moi, n´aura connaissance des codes d'accès du portail de sortie. 
Je prends quelques ados avec moi et je pars chercher des pizzas à la pizzeria du coin que j´ai repéré en arrivant, et une fois tout le monde rassasié, tout le monde au lit. Bien entendu il faut plusieurs visites autoritaires au pavillon des garçons pour que ça se calme enfin, mais la fatigue finit par produire ses effets bénéfiques sur tout ce petit monde et le sommeil vient enfin prendre possession de toute la troupe. La cohabitation avec les classes françaises se passe sans problèmes, après une nuit tranquille nous nous retrouvons tous ensemble au petit déjeuner comme si nous sortions de la même école. 
Histoire de se mettre un peu en jambes avant la journée touristique qui nous attend, nous faisons un petit tour à la Cathédrale de Saint Denis. 
C´est le jour du marché, et ça vaut le détour.
Nous avons même rencontré un vendeur algérien qui connaissait la Slovaquie et qui a tout de suite repéré que nous étions des Roms... et qui était très sympathique. Il vendait des ustensiles de cuisine qui coupent des légumes du monde entier, mais nous n´avons pas pu lui en acheter. C´est pas grave, il ne s´est pas fâché.. 
La journée qui nous attend sera consacrée d'abord au tourisme, nous irons au Montmartre, au Sacré Coeur le matin, pour revenir manger au chapiteau à midi, et partir pour le spectacle du soir en fin de journée. Nous amenons avec nous Cassandra, qui vient de rentrer de Roumanie, et qui effectue son service civique chez Camo. Elle ne demande pas mieux. Pareil que Camo, nous la connaissons depuis des lustres, elle avait 7 ans à l´époque, elle en a une vingtaine maintenant. Nous allons à Montmartre en RER et en métro, ce qui constitue déjà  toute une aventure en soi et une expérience nouvelle. Des escaliers mécaniques, des tourniquets, ne pas rater sa station, que des découvertes... 
Les escaliers (pas mécaniques) pour monter au Sacré Coeur sont une excellente mise en condition pour se ressourcer ensuite à l´intérieur de la Basilique. Il y a beaucoup de monde, mais nous arrivons même à assister à un office qui a lieu juste au moment de notre visite. Petit tour sur la Place du Tertre avec ses peintres et retour à Saint Denis. 
Cassandra arrive à se tromper de station, nous descendons du RER une station plus tôt que prévu, alors il nous faut marcher sous le soleil de midi, et ce n´est pas une sinécure. Helena et les filles sont épuisées, on va prendre le tram, ne serait-ce que pour une station, ça vaut la peine, vu la fatigue de certains. J'achète des billets, à la grande stupéfaction de Cassandra, qui comme beaucoup de ses compatriotes roumains n´arrive pas à comprendre l'utilité d'une invention comme les tickets de métro. 
Mais il est hors question que je pratique ce sport, pourtant très répandu, du transport au noir, alors trois carnets seront sacrifiés, même si ce n´est que pour une station. Un kebab près du chapiteau nous attend pour le repas de midi, ensuite une après midi tranquille au cirque et puis départ, cette fois-ci avec notre bus, pour la rue Verneuil à Paris, pour le spectacle  au Centre National du Livre.