Retour au pays

 
Retour en Slovaquie et reprise
 
Kežmarok, 2 juin 2022
 
Le retour au pays s´est passé sans problèmes. L´option de voyage dans la nuit est excellente, elle a déjà fait ses preuves plus d´une fois, tout le monde dort, et c´est parfait, un moment rare de repos et de tranquillité pour nous aussi. Le soutes du car, ainsi que les espaces sous les sièges étaient remplies de cartons et de sacs en plastique, pleins de vêtements récupérés suite à une collecte organisée à Tomblaine et aussi apportés par notre amie Monique, une bénévole du Festival de Reims, qui nous attend toujours à la sortie d'autoroute avec une camionnette pleine d ́affaires, lorsque nous passons par là lors de nos tournées. Nous rentrons donc avec une montagne de vêtements pour tous les âges et pour tous les goûts. Dès le lendemain nous avons fait venir les parents pour la distribution, et tout le monde y a trouvé son compte, surtout les chaussures sont une denrée rare et très périssable dans les conditions spécifiques des bidonvilles. 
Les répétitions n´ont pas repris au complet tout de suite, les plus grands sont partis travailler, alors nous avons redémarré avec les petits, toujours très nombreux et très en demande d´activités. Sans les grands, ce n´est pas toujours évident, lorsqu´il n´y a personne pour servir d'exemple et pour transmettre le répertoire. Les déboires avec Roman sont d´une constance à toute épreuve. Souvent nous nous passons de lui, donc nous sommes sans une assise musicale consistante, mais l´essentiel est qu´il soit parti en tournée avec nous, pour le reste on fait comme ça vient. Peu à peu, les grands reviennent, les petits boulots ont, comme d´habitude, tournés court, et nous nous retrouvons de nouveau au complet, et même plus que ça, puisqu´il y a maintenant une moyenne de 50 à 60 participants aux répétitions. C'est très bien, cette forte demande de la part des jeunes me fait plaisir, c´est le but de notre démarche, que d´intéresser et investir le plus grand nombre. Et cela malgré le fait que les répétitions sont très exigeantes, tant au niveau artistique, qu´au niveau de la discipline qui va de pair. Vu d´extérieur, on croirait par moment que c´est presque une formation paramilitaire qui s'entraîne, et pas des jeunes tsiganes des bidonvilles, sans foie ni loi... Il ne peut y en être autrement. En étant le seul adulte avec une soixantaine de jeunes, il faut qu´il y ait un respect sans faille de la part de tous, sinon on ne pourrait arriver à rien. J´exige un engagement total lors des entraînements, moi-même, je suis le premier à donner l´exemple, il faut que tout le monde suive,  il ne peut y avoir de demi-mesure.
Il va de soi qu'après chaque répétition les locaux sont balayés et passés à la serpillère, par les jeunes, il faut que tout soit impeccable. Au début, les nouveaux sont un peu déconcertés par ces pratiques inhabituelles pour eux, mais on ne leur laisse pas le temps de s´étonner, ils font comme tout le monde, comme les grands, sans poser de questions, et la prochaine fois, d ́eux-mêmes, ils prennent le balai sans qu'on ait quoi que ce soit à leur dire. 
On peut dire qu´il y a une bonne et saine ambiance. Tout le monde veut travailler, s´investir. Après chaque répétition, la seule question qui revient est : c´est quand la prochaine répétition ?  A côté de  l´aspect artistique, il y a aussi l´organisation, la logistique. Et elle n´est pas des moindres. En ce moment les jeunes et les enfants viennent surtout de deux localités, Veľká Lomnica et Rakúsy, et parfois aussi de Spišský Štiavnik.  La première est accessible en train, mais exige un accompagnement personnel sur place, car l´accès à la gare est problématique, il n´y a pas de passage piéton sur la route nationale qui y mène, la traverser est dangereux, et nécessite une présence d´adulte. Alors je fais traverser la route aux plus grands et les petits, je les améne en voiture. Le bidonville de Rakúsy est desservi par le bus, des anciens du groupe (des ados de 16 – 17 ans) prennent en charge l´accompagnement des plus jeunes. C´est de ce bidonville que vient le groupe le plus nombreux des jeunes (env. 30 par répétition) et qui est le plus lourd en termes de coût du transport, car  le prix du ticket de bus a presque triplé par rapport à l´année dernière. Parfois je fais venir aussi quelques jeunes de Spišský Štiavnik, mais c´est compliqué, car ce bidonville est excentré, à l'opposé de notre salle des répétitions, et il faut que j´aille les chercher en voiture, ce qui me prend en tout au moins 2 heures, et n´est pas tenable à long terme.
La participation massive aux répétitions rend bien entendu celles-ci plus onéreuses. Nous avons réduit le nombre de répétitions hebdomadaires à deux par semaine. Je ne veux pas réduire le nombre de participants, faire de l´élitisme serait vraiment contraire à nos principes. Depuis toujours, nos portes sont ouvertes à tous. Pour venir, mais aussi pour partir, s´il viendrait à l'idée a quelqu´un de ne pas respecter les règles en cours. On ne retient personne, si tu n´est pas content, tu peux t´en aller, il y en a plein qui attendent pour venir... Une règle un peu rude à première vue, mais efficace, et correspondant parfaitement à la réalité de la vie qui est la leur. Chacun est responsable, et ca, dès le plus petit âge, de ses agissements, les excuses qui sont monnaie courante envers le monde extérieur, l ́éternel, ce n ́est pas de ma faute, c ́est la faute des autres, des blancs, des racistes, etc., n ́ont pas cours ici. Alors, si quelqu'un veut vraiment venir, accepte notre régime stricte et notre engagement de travail, de surcroît, souvent ces gosses sont l ́objet de railleries méchantes de la part de leurs congénères jaloux, qui voudraient les décourager et dissuader de venir, alors si un jeune brave tous ces obstacles, on ne vas pas lui dire de rester chez soi. Nous avons donc continué à mener ces répétitions à grand nombre de participants, malgré le coût financier exorbitant du transport, dans le but donc de faire participer un maximum de jeunes, de les former tant bien que mal, pour les amener à se présenter aux deux spectacles qui se profilaient pour nous en fin novembre et début décembre. Quitte ensuite à marquer une pause, faute de moyens. C ́est dans cette optique que nous avons travaillé toute la rentrée, jusqu´en début de décembre.