Avril

début avril
Veronika, la compagne de Roman a des douleurs, elle est enceinte, il faut l´amener à l'hôpital. Roman ne sait pas dans quel mois elle est, mais il faut y aller. Le médecin dit qu´il faut l´hospitaliser, alors Roman revient chercher à la maison un pyjama, ou quelque chose qui peut faire office de pyjama. Entre temps il n´y a plus de place à l´hopital, alors on ramène Veronika au bidonville. Elle n´en mène pas large, elle n´a vraiment pas bonne mine. Le médecin lui a dit qu´il faut qu´elle revienne le lendemain à 6h30, sa vie et la vie de son enfant sont en danger, si elle ne vient pas elle risque de mourir, mais l'hôpital n'enverra pas d´ambulance pour la chercher. Véronika en est à son quatrième accouchement, les trois premiers ont été faits par césarienne, normalement, elle n'aurait plus due tomber enceinte après le deuxième accouchement pour des raisons de santé. Elle aurait dûe être stérilisée pour des raisons médicales, mais cela n´a pas été fait. Roman dit qu´il aurait fallu payer 250 eu pour cela, mais cela est peu vraisemblable, l'intervention à ce stade est gratuite, l´hopital aurait du la faire automatiquement, on ne comprend pas pourquoi cela n´a pas été fait. Le lendemain matin Veronika ne se présente pas a l´hopital à 6h30 comme convenu. Il faut dire, que lors de tous ses séjours précédents à l´hopital, pour ses accouchements, à chaque fois elle s´est enfuie, malgré son état de santé qui nécessitait encore l´hospitalisation. L'hôpital finit par appeler Veronika, l ́enjoignant de venir, sinon elle risque de mourir. Roman m´appelle pour les amener, mais le temps que je vienne, il a fini par trouver quelqu'un qui l'amènera en acceptant d'être payé plus tard. Le lendemain Véronika accouche, par césarienne, la quatrième. C´est une fille, elle est prématurée, il faut la mettre à l´incubateur et sous respiration assistée, car elle a une malformation aux poumons. Deux jours plus tard, Veronika est renvoyée à la maison, cette fois-ci elle n´a pas eu le temps de s´enfuir. Mais sa sortie est prématurée, la césarienne ne peut pas être cicatrisée en si peu de temps, et les conditions matérielles dans lesquelles elle vit, sans eau, sans sanitaires, ne permettent absolument pas de soigner correctement sa blessure à la maison. La petite reste dans l´incubateur, Roman m'appelle pour que je les amène chez les parents de Veronika, pour que sa mère s´occupe d´elle, les conditions matérielles sont parait-il meilleures chez eux que chez Roman. Le temps que je monte dans la voiture, Roman m'envoie un sms, comme quoi ce n´est plus la peine, ils ne veulent pas d´eux chez les beaux-parents... La petite n´a plus besoin de respiration artificielle, elle peut respirer par elle-même, mais elle a perdu 100 grammes, elle ne pèse plus que 1 kilo 600. Elle ne pourra quitter l'hôpital que si elle arrive à atteindre 2 kg.
Roman continue a prendre part activement aux répétitions qui viennent de reprendre.

Notre belle-sœur, Anna Koptová, vient de publier un livre de contes tsiganes en romani et en slovaque. Anna est très active dans le domaine de l´édition. Tous les ans elle produit soit un dictionnaire, soit une œuvre littéraire, qu´elle traduit en romani. Elle est depuis pas longtemps secondée par sa fille Martina, qui a fait des études de romani et de hindi a l´Université de Charles de Prague, et a eu son doctorat de romani à Helsinki, en Finlande.

14 avril 2023

Aujourd´hui, nous avons été invités par l'École élémentaire de Matejovce pour nous produire à l'occasion de la Journée Internationale des Roms. Avec plaisir nous y sommes allés, et nous avons passé avec les élèves et les enseignants des moments fort sympathiques, en attaquant Dželem Dželem et en finissant par Madara. Dželem, c ́est l ́hymne des Roms, on a fait passer l ́info, et Madara, ca veut dire "N ́ai pas peur", ca, les élèves le savent, ils sont tous Roms, mais on leur a expliqué qu ́il ne faut surtout pas avoir peur d ́avoir des bonnes notes, ce n ́est pas compliqué, il suffit d'ouvrir son bouquin, d ́apprendre la leçon, et de lever le doigt ensuite en classe...

Dnes sme dostali pozvanie účinkovať pri príležitosti Medzinárodného Dňa Rómov v ZŠ v Matejovciach. Radi sme prišli, a strávili sme spolu so žiakmi a učiteľmi príjemné dopoludnie. Začali sme s Dželem dželem a skončili sme s Madara. Dželem dželem, to je rómska hymna, no a Madara, to znamená Neboj sa. Netreba sa báť mať dobré známky, veď to nie je až také zložité, stačí otvoriť knihu, naučiť sa úlohu a potom sa prihlásiť. Tak teda, do toho, a samé jednotky !
Ďakujeme p. vychovávateľkám za  výborné koláče, Oliverovi Ondrášovi za perfektné čierno-biele fotky a Viktorovi Beránkovi za pomoc pri realizácii tohto podujatia.
L´action a été risquée dans le sens que durant les trois derniers mois nous n´avons pas pu travailler, répéter, comme a l´accoutumé. Le nerf de la guerre a fini par manquer sérieusement... Bon gré, mal gré, nous avons essayé de maintenir un petit rythme d´une répétition par semaine, et encore, mais cela n' est pas suffisant, et de loin, pour atteindre un niveau honorable pour se présenter sur scène. Mais nous ne pouvions pas laisser passer une telle occasion. D´une part, parce que les occasions sont plus que rares, et d´autre part, parce que tout le monde était en hyper attante d´une production devant le public, cela faisait 4 mois que l´on n´était pas monté sur scène. 
Sans parler des élèves de Matejovce, qui sont tous Roms, vivant dans un taudis surréaliste, composé de préfabriqués, où ils ont été déplacés provisoirement suite a l´incendie  qui a détruit leurs habitations, il y a de cela 3 ans. Le spectacle pour eux, c´était une échappée au paradis, et on n'allait pas les priver de cela. Restait encore la question du transport.  L´école ne disposait pas de financement pour, et nous, hélas, non plus. Alors ne restait qu´a trouver un ami, capable de prendre les frais liés au déplacement en bus sur lui. Viktor Beránek, le gardien du refuge de montagne de Rysy nous a rendu ce service, alors nous avons pu y aller ! 
Pour le groupe c´était un véritable défi, car la majorité des danseurs et danseuses sont tous des nouveaux venus dans notre collectif, ils sont loin, très loin de posséder le répertoire, et n´ont pas la pratique de la scène. Mais c´est dans des cas pareils que l´on avance, que ceux qui sont plus anciens, ont l´occasion de mettre en pratique et a l´épreuve leurs acquis et leur expérience et de mener, sous mes ordres, toute la troupe, tout en chantant et en dansant, bien entendu. Aux 35 Kesaj sur scene, il faut rajouter une bonne quarantaine d'élèves, des petits et des grands, de 6 à 16 ans, qu´on a fait participer activement a notre spectacle en les faisant danser avec nous, et on a à peu près une idée de ce qui s'était passé a la Journée des Roms a Matejovce. Les maîtresses nous ont demandé de tenir une bonne heure. Tant mieux, comme ca nous avons pu faire passer le maximum du répertoire que nous travaillons en ce moment, mais que nous n´avons pas l´occasion de travailler aussi souvent que nous le souhaiterions, alors nous avons pu pratiquer en situation réelle, ce qui est toujours la meilleure méthode pour avancer. Tout le monde y allait de bon cœur, bien qu´il ait fallu que j'intervienne tout au long du spectacle pour remettre en place les uns et les autres. Mais peu importe, cela fait partie du jeu... Et on peut considérer que l´action était plus que réussie. 
Helena n´a pas pu venir, elle était a l´école de Košice, et son absence s´est fait, bien sûr, sentir.  Surtout au niveau du maintien de l ́ordre des filles, qui sont pratiquement toutes nouvelles, et très marquées par leur environnement social de l´osada, bref, elles sont prêtes à partir en bisbille à tout moment, et elles partent, elles n ́arretent pas de se chamailler à grands cris pour tout et rien, et il aura fallu l ́autorité implacable d´Helena pour les calmer. 
Ce genre d'interventions artistiques pour des spectateurs roms, venant des localités marginalisées et paupérisées à l'extrême, va bien au-delà d'un spectacle ou d'une partie dansante. Pour ces jeunes, enfermés dans leurs exclusion, ancrés dans leur misère, qui ne conçoivent même pas qu ́il puisse en être autrement du fait de leur ethnicité, dont ils ont, tout naturellement, une image exclusivement négative, pour ces jeunes, voir des Roms, comme eux, visiblement du même milieu social, sous un angle positif, équivaut à une petite révolution culturelle, à un chamboulement total de leur échelle de valeurs. De l ́ échelon le plus bas, ils passent tout d'un coup tout en haut, ils deviennent des stars sous les lumières des projecteurs, ils sont enfin, pour une fois, comme les autres... 
Après toutes ces années de pratique que nous avons derrière nous, j'affirme en connaissance de cause, que ces interventions s'apparentent à de la thérapie, en l'occurrence à de la thérapie de groupe, un cours accéléré de confiance en soi, envers les siens, un premier pas pour retrouver sa dignité.
 
24 avril
Ça y est, la petite de Veronika vient d'atteindre les 2 kg réglementaires, l´hôpital appelle Roman pour qu´il vienne la récupérer. Roman m ́ appelle, et on va chercher la petite. Font partie du voyage, bien sûr, Véronika, la maman, qui va déjà mieux, Roman et leurs deux petits, Romanka et Erik, la troisième restera à Lomnica, elle est élevée par la mère de Roman. Tout ce petit monde ira a Štiavnik, chez les beaux-parents de Roman, ceux-ci viennent de toucher les allocations, alors ils peuvent recevoir leur fille avec toute sa progéniture. Pas pour longtemps, juste un jour. Roman veut rentrer le lendemain a Lomnica, car si sa cabane reste sans surveillance, elle risque encore de se faire  cambrioler, comme la dernière fois. En effet, rien de plus facile, il manque une fenêtre, les paroies sont en carton renforcé, il n´y a même pas besoin d´effraction pour y pénétrer. Par contre, comment vont-ils faire pour élever dans ces conditions leur quatre enfants, dont la petite qui vient de naître et de passer trois semaines dans l´incubateur....?! 

24 avril

Nous approchons la fin du mois d´avril et nous n´avons toujours pas touché la subvention du Ccfd. Pourtant le paiement, après vérification de la responsable du service financier, est parti de leur compte le 6 avril, et le versement aurait dû être effectué il y a belle lurette. Craignant une situation semblable, j´ai pris toutes mes précautions déjà à partir du mois de septembre de l´année derniere. Nous sachant dans une situation critique du fait des augmentations des énergies et des transports, je savais que nous allions nous retrouver à court de finances plus tôt que prévu normalement, et nous aurons du mal à joindre les deux bouts, c.a.d. la fin de la subvention précédente et le versement de la suivante. Donc j'ai voulu éviter à tout prix qu´il y ait des retards pour des causes quelconques, et surtout administratives, comme cela peut arriver avec la meilleure volonté du monde. J´ai donc joint la responsable du service partenariat, ce qui n´était pas évident, car il y a eu des changements de postes, Florent est parti, et il n´y a toujours personne pour le remplacer. J´ai expliqué notre situation et j´insistais pour que l´on me donne tous les documents à remplir dans les délais, afin que je puisse les renvoyer tout aussi dans les strictes délais, qu´il n´y ait surtout pas de retards inutiles, qui nous mettraient en péril. Tout a été fait dans les règles de l´art, et pourtant nous nous retrouvons dans la situation catastrophique que je voulais éviter au départ. Nous avons dû interrompre nos activités en fin d´année précédente et en début de celle en cours. Cela était dû au fait que nous avons aussi énormément travaillé en automne, en sureffectifs au niveau des participants, avec un rythme de répétitions soutenu, ce qui, compte tenu des augmentations des transports, allait se répercuter sur notre situation financière, et nous serions obligés de ralentir par la suite. Ca, nous le savions, nous avons agi de la sorte sciemment, pour réagir à une situation particulière, avec l´opportunité de participer à plusieurs spectacles grand public en fin d´année, qui constituaient une forte motivation de travail pour l´ensemble de la troupe. Donc c ́ était l'objectif principal, quitte à être obligés de faire une pause par la suite, comme j´avais prévenu tout le monde, puisque nous n´aurions plus de quoi financer les transports en commun des bidonvilles aux répétitions, sans parler du prix du gaz qui a triplé tout aussi. Sachant que le versement des subventions s'effectue en général fin février, début mars, cela nous faisait grosso modo deux mois à tourner au ralenti. C´est ce que nous avons fait, en maintenant un petit rythme de répétition une fois par semaine en moyenne. Encore avant les Fêtes de fin d ́ Année, nous avons eu la proposition de venir animer la Journée Internationale des Roms a l´École élémentaire de Matejovce, qui accueille  en majorité des élèves roms, venants d'une localité épouvantable de la région. Bien sûr, nous avons accepté, l´école n´avait pas de quoi financer notre déplacement, mais nous le prendrons sur nous, sachant qu´a cette date la subvention aurait du être déjà versée. Puisqu ́il n´en a pas été ainsi, nous nous sommes tournés vers des amis pour sponsoriser cette action, et c ́ est Viktor Beranek, le gardien du Refuge des Rysy, un ami de vieille date, qui nous a aidé. Actuellement nous sommes très déstabilisés par rapport aux paiements des impondérables liés à nos activités, le loyer, et les énergies. Nous avons de nouveau réduit le rythme des répétitions, et nous espérons des jours meilleurs :)

25 avril

Retour au bercail pour Roman et sa tribu, à Lomnica. Une des sœurs de Veronika est revenue à la maison des parents A Štiavnik, et comme la maison est constituée d´une seule pièce dans laquelle s´entassent une quinzaine de personnes de tout âges, il ne reste à Roman que la solution de repli, donc retour à la maison. Sa maison, c´est la fameuse baraque éventrée en pâte carton, et il fait encore froid pour la saison, donc ce n´est pas une sinécure qui les attend. Heureusement, les beaux-parents ont touché les allocations et ils ont pu donner à Roman quelques billets pour acheter des couches et du lait en poudre, alors le départ n´est pas trop douloureux.