Porte Dorée

 
 
 

Samedi 2 mai, Porte Dorée

Samedi, départ pour la Slovaquie. Avec, entre temps un spectacle au Musée de l´Immigration et encore un à Lunéville, sur le chemin du retour. Mais n´anticipons pas, on fonce sur la Porte Dorée, la circulation est bien meilleure que la veille, à midi nous sommes sur place. Je laisse nos jeunes à leur sort. Bien encadrés par Johann qui est revenu de Rennes, ils auront droit à une visite de l´Aquarium, pendant que moi, je fonce à la réunion du Réseau thématique des Droits des Roms du CCFD pour y raconter notre histoire. Heureusement, ce n´est pas loin, juste à quelque pas, alors, je peux mettre le paquet, et vider mon sac pendant près d´une heure et demie, devant un auditoire de bénévoles, dont j´ai déjà rencontrés pas mal d´entre eux, notamment la semaine passée à Marseille. Un vrai plaisir de les retrouver, ils augmenteront les rang de nos spectateurs, tout à l´heure, au Musée. Je fonce retrouver le groupe, vite, une balance, l´ingé son est coopératif, ca devrait aller. Les Tamèrantong ne peuvent pas être là, ils ont un spectacle à l´autre bout de Paris. Les Intermèdes viennent d´arriver. On en profite pour une mise en place express. Jeudi je me suis fait une idée de ce qu´ils font. On les fera chanter en solo Ederlezi, ils le font très bien. Par contre les danses, ce n´est pas encore ça. Je réfléchis vite comment faire au mieux. Et je tente un coup risqué. Sachant que Hafsatou a du répondant, on peut s´aventurer à refaire un de nos numéros de prouesse du début de notre spectacle, mais cette fois-ci en faisant danser le solo à toute vitesse à Hafsatou. Elle ne l´a encore jamais fait avec nous, mais c´est pas grave, c´est ce qui donnera du piment à la chose. Les autres seront aussi de la partie, mais moins exposées. Mais elles participeront à fond, et puis on les prendra tous pour l´intervention devant la scène, dans le public. Là on va les laisser, et on les reprendra pour le salut final. J´étais pas peu fier de mon coup. Bien qu´il fallait braver le courroux de Helena qui ne comprenait pas ou je voulais en venir, et aussi insister auprès des filles des Intermèdes qui étaient déstabilisées de devoir s´engager dans un truc qu´elles n´ont jamais fait. Et aussi insister auprès de nos filles, qui croyaient qu´on allait leur subtiliser leur solo, bref j´étais contre tout le monde, mais il n´y avait pas à tergiverser, je savais très bien ou je voulais en venir. D´expérience, je savais que tous les ingrédients étaient réunis pour un super numéro. Du savoir faire, de l´imprévu, de l´audace. Tout, sauf de la routine. Il y avait du risque, mais le risque, c´est la clef du succès. On ne s´attardait pas trop, les 17h approchaient, le spectacle allait commencer. Il y avait dans la salle pas mal de mes amis russes de mon temps des cabarets. Des musiciens qui nous avaient vus à nos tous premiers débuts, j´étais curieux de leur réaction près de dix ans après. A l´époque nous avions avec nous plein de petits, dont Matej, véritable bête de scène du haut de ses sept ans à l´époque. Maintenant, il a de la barbe, ce n´est pas pareil. A vrai dire, je craignais même un peu leur réaction après tout ce temps. Par contre, il n´y avait pas trop de monde. Après coup, lorsque nous allons jouer pour la deuxième production, à 19h, à la guinguette, comme convenu, il y a pas mal de gens qui sont venus, ils pensaient que le spectacle était en soirée. La communication était confuse, pas claire. Mais finalement l´énorme halle du musée s´est quand même remplie. Il y avait aussi des touristes de passage, des allemands, des chinois, un peu de japonais, kesaj, en veux-tu, en voilà… Nous sommes bien conditionnés, malgré la fatigue, prêts à envoyer toute la sauce, mettre la gomme. J´ai proposé aux Intermèdes de s´installer dans la salle, pour assister au spectacle. Ils ont préféré rester dans les vestiaires pour entrer au moment de leur intervention. Abdel fera le lien. Le lieu est vraiment splendide. Des fresques immenses sur les murs, pleines de couleurs, un plaisir que d´évoluer en ces lieux. A ce stade de la tournée, juste à sa fin, le spectacle est hyper bien rodé. Nos filles, que quatre, heureusement que Joana est là pour la rescousse, arrivent très bien à occuper toute l´immensité de la scène, les allers-retours vers le public sont réglés comme sur du papier musique… Rien à redire, du très bon travail, pro, même les nouveaux sont déjà dans le coup. Joana m´a demandé de mettre au programme pour cette dernière représentation aussi le Conte de fées, qu´elle danse avec Stéfan. Volontiers. C´est le moment idéal pour faire la transition avec les Intermèdes. J´en profite pour prendre la parole. J´ai mon pantalon qui faillit me tomber sur les genoux, je le tiens d´une main, dans l´autre j´ai le micro, je passe la balalaïka au premier gus à la portée de ma main et j´y vais de mon discours. Pas le temps de préparer quoi que ce soit, mais c´est comme ca que ca sort le mieux. Je ne taris pas d´éloges, sincères, sur les Intermèdes, sur l´excellent travail social qu´ils mènent sur les terrains et je les appelle sur scène, sous les applaudissements… Ils attaquent Ederlezi, avec Yaelle, une petite francaise toute blonde comme soliste, c´est parfait, j´en profite pour aller changer de chemise, qui est comme d´habitude complètement trempée. Je laisse le commandement à Dushko, si je ne reviens pas assez tôt, je lui dis d´enchainer ensuite avec notre nouveau tube, Savana. Mais j´arrive à temps, on lance ensemble Savana, nos gars se ruent sur les filles des Intermèdes pour une danse débridée, façon impro, informelle. Une belle fiesta, un beau mélange entre les Roms d´Europe Centrale et toute la diversité des cités francaises personifiée par les Intermèdes. Ensuite, sans transition, l´air de rien, on fait bifurquer le programme sur le passage que j´ai imaginé lors de la mise en place. C´est parfait. Hafsatou est magnifique, elle danse comme une tigresse, rayonnante de sa beauté africaine, en parfait contraste, mais aussi accord, avec nous. Elle passe le relais à une autre fille des Aven Savore, et on enchaine sur notre gros morceau vocal, le O Roma, le chant hymnique du film Les Tsiganes montent au ciel. Je suis plutôt content. Le coup a parfaitement réussi. Nous avons incorporés les Intermèdes dans un de nos meilleurs passages, mais pas en tant que figurants au fond de la scène, au contraire, ils ont eu une place de choix, sur le devant, en interprétant un de nos meilleurs solo avec nous, au même titre que nos solistes. Le sacro-saint principe du spectacle était appliqué à la lettre - il vaut mieux une intervention pas trop longue, mais super performante, qui laisse le public sur sa faim, que de rester sur scène indéfiniment avec une présence pas trop enjouée qui n´apporte rien aux spectateurs. Là, c´estait pile ca. Je profite du pianissimo du prologue pour de nouveau raconter je ne sais plus trop quoi, en gros mon bonheur d´avoir pu participer à un si beau projet comme Aven savore, et ma fierté devant le résultat obtenu par les jeunes autour de moi. Ensuite, descente dans le public, participation des spectateurs, tout, comme nous avons l´habitude de le faire ensemble. On ajoute une danse Kesaj, pour marquer le coup, n´oublions pas que c´est un spectacle tsigane que nous sommes en train de produire, dans le contexte d´un événement centré sur les Tsiganes, alors il faut ce qu´il faut, et on fait de nouveau monter les Intermèdes pour le salut final. Heureux. Sincèrement, je ne sais pas qu´est-ce que j´aurais pu inventer de mieux. Ce n´est pas un manque de modestie, mais tout simplement un bilan de toutes mes années sur scène, je ne saurais pas faire mieux. Quelqu´un d´autre aurait pu faire certainement une autre variante, je ne suis pas un génie universel. Mais moi, avec mon expérience, j´ai mis tout mon savoir-faire dans cette finale, et, sentant tous mes collègues, car je considère tous les jeunes comme mes partenaires, donc collègues sur scène, les sentant tous heureux et satisfaits de leur performance, je saluais le public avec la sensation qui me comblait, du travail bien fait. Mais hélas, mon scénario instantané n´a pas fait l´unanimité auprès de la direction des Intermèdes qui partent précipitament. Domage. Nous n´avons pas le temps de nous attarder. Il est bien plus de 18h et à 19h on doit attaquer la séance disco, à la guinguette, dehors. Alors, vite, avaler quelque chose au catéring, et en piste. Les musiciens n´auront même pas le temps de passer par la case restauration, ils vont directement à la scène de la guinguette et spontanément se mettent à jouer. Nous nous sommes mis d´accord avec les organisateurs que l´on ne va pas trop insister, nous avons encore le trajet de nuit sur Lunéville devant nous, alors on joue tout de suite, pour mieux partir ensuite. Je retrouve de nouveau pas mal de mes amis. Hélas, la communication sur l´événement n´était pas des meilleures, il n´était pas précisé si le spectacle était à 17 ou à 19 heures. Alors les gens sont venus à 19h, croyant pouvoir assister au spectacle, alors que celui-ci venait de se terminer. En d´autres circonstances nous aurions remis cela, mais là, nous n´en avions plus la capacité. Et puis, ce n´était pas la peine. Erik et les gars de Lomnica envoyaient du solide disco tsigane, les autres dansaient, en mode détente, relax, ca faisait un spectacle en soi pour les gens qui étaient là, à boire un verre au bar de la guinguette. Et puis, cela collait parfaitement à la manifestation des Mondes tsiganes (au pluriel), nous avons proposé un véritable extrait de l´univers tsigane, tel quel, comme à Rakusy ou Lomnica.

 

twitter.com/PPDoree/status/1002939866320162816