Toursky

Le Toursky nous accueillait les bras ouverts. Un excellent cadre, un service professionnel, tout pour plaire. Nous ne rechignons pas à faire des interventions dans toutes sortes d´endroits improbables, en commençant par des squats, en passant par des camps et campements, des bidonvilles, des prisons, des prés et des champs, mais de temps en temps, jouer dans de bonnes conditions, dans un vrai, beau théâtre, ça fait du bien. Et là, c´est le cas. En plus, manifestement, nous sommes sur la même longueur d´ondes avec le directeur des lieux, Richard Martin, qui nous programme dans le cadre de son Festival „Faites de la Fraternité“. Seul regret, je n´ai pas le temps de passer un peu de temps avec nos hôtes ou avec nos amis sur place, car, entamant la seconde moitié de la tournée, j´en suis aussi à entamer mon intransigeant régime de croisière, c.a.d., de ne faire que le strict indispensable – crier, jouer ou dormir. En effet, mes forces physiques étant aussi sérieusement entamées, le rythme des spectacles et de la route jusque là était plus que soutenu, je dois passer en mode économie, et ne me consacrer qu´à l´essentiel. Gueuler un bon coup sur les petits s´ils font les malins, jouer à fond pour maintenir le niveau des répétitions et des spectacles, et le reste du temps, dormir. Même si ce n´est que dix minutes dans les loges avant le spectacle, cela peut être fort utile lorsque je vais puiser tout au fond de mon réservoir d´énergie tout à l´heure, sur scène. Heureusement, Luc arrive à m´arranger le coup, il décale le reportage prévu avant le spectacle pour juste après, de toute manière il y en a eu déjà un pour une télé tout à l´heure, et je peux fermer les yeux quelques instants, affalé dans le fauteuil des vestiaires. 

La salle est bien remplie, il doit y avoir près de 400 spectateurs, ce qui est très honorable. La communication est passée par les réseaux associatifs, le Ccfd s´est investi à fond, et les spectateurs sont là. L´ingé son, même s´il est un peu pète-sec, fait un très bon travail, pour une fois, le son et les lumières sont impec. Un vrai plaisir que de jouer dans de telles conditions. Le spectacle est à la mesure de notre plaisir, on s´éclate, et je pense, qu´on arrive à communiquer ce bonheur au public. Dans les rangs du quel pas mal de roms roumains, de Marseille et même de Toulon, acheminés au Toursky par les très nombreux bénévoles, largement investis dans l´événement. 

Juste avant la fin, les roumains montent en nombre sur scène, on les fait participer, ils ne se font pas prier pour, au contraire, on a du mal à les arrêter et à les faire redescendre dans le public. Décidément, ils sont très „spontanés“, pour ne pas dire complètement sauvages. Bref, manifestement, ils n´ont pas encore eu l´occasion d´évoluer et de travailler sérieusement en groupe, et envahissent la scène telle une sympathique, mais incontrôlable, horde sauvage. Que faire? Je les laisse un peu se défouler, et puis, l´air de rien, on reprend le dessus avec notre groupe. Mais ce n´est pas si évident, car ils sont coriaces… Qu´à cela ne tienne. Au bout d´un moment on maîtrise de nouveau la situation, et on arrive même à faire un silence absolu sur scène, ce qui équivaut pour moi au moment suprême du dressage des fauves, lorsque le dompteur met sa tête dans la gueule du tigre. Au moins, comme ça, les spectateurs peuvent apprécier en direct notre travail. Le point de départ – la foule indomptable sur scène, et le point d´arrivée, lorsque tous sont alignés en rang, et dans un silence de cathédrale arrivent à se plier à la règle générale, respecter les nouveaux collègues sur scène, respecter les spectateurs, et se respecter soi mêmes. Lors de mon allocution, qui, à ce stade du spectacle, est tout ce qu´il y a de plus spontanée, ça sort comme ça vient… je dis que notre règle de travail c´est la rigueur, la discipline et la joie de vivre. Aussi simple que ça. Même avec les tsiganes. Sans exception culturelle...