Perska

 
Perska est un cas. Véritable. Une voix superbe, du tempérement, et de la bonne humeur, ce qui n´est pas plus mal... Dans le reportage d´Arte elle excelle, naturellement. Les textes ne sont pas préparés, elle dit ce qui lui passe par la tete, et c´est parfait. Rien que ca. Perska nous revient avec Eliška, sa petite fille d´un an. Elles font un tres beau duo, ou plutôt trio, puisque Babovka, le papa, est de la partie. Tant mieux. Nous sommes heureux de les voir revenir, et de bien tenir la route. Cela compense les année de tendre enfance, qui n´a pas toujours été que tendre...
 
 
 
Un peu d´Histoire et d´histoires...:
octobre 2014

Un exemple pour tous: Perska, notre chanteuse émérite, la petite Piaf du groupe. Elle a tout de la vraie Piaf, une vie de misère, avec des revirements pas possibles, mais bien réels, malgré ses 14 ans. Alors, trois jours avant le départ, nous donnons un sac plein de vêtements à notre Perska, pour qu´elle ne parte pas en haillons, mais qu´elle soit bien habillée, propre, élégante, comme il sied à une gamine de 14 ans qui en parrait 18. Ce ne sont pas des vêtements neufs, mais ils sont en très bon état, nous les recevons de la part de nos amis au cours de nos voyages à l´étranger. Tout le monde le sait parfaitement. Perska, quand elle rentre au bidonville, toute fière, elle ne dit pas qu´elle a reçu un sac de vêtements de notre part, qu´on avait gardé pour elle depuis notre dernier voyage, mais elle brame à tout-va que nous lui avons donné 150 euro pour s´acheter des vêtement tout neufs en boutique, et qu´ils sont tous bêtes de ne pas faire pareil, et que c´est elle la plus maline, et qu´eux tous, le reste du bidonville, ne sont que des pauvres types, des sots, incapables de se débrouiller. Bien sûr, tout le monde prend ses élucubrations pour argent comptant, et les coups de fils n´arrêtent plus, vous donnez à elle, pas à moi, je ne pars plus, etc. Bref, plus personne ne part. Nous sommes à deux jours du départ. Le lendemain nous voyons Perska et nous lui demandons: Mais qu´est-ce que tu fais, nous ne t´avons pas donné de l´argent, tu sais bien que les vêtements n´étaient pas neufs! Pourquoi tu as raconté ces sottises, et provoqué tout ce bazar! Perska nous regarde, rigole comme une folle et s´enfuit en courant. Il est évident que ce moment de gloire, de revanche intense, qu´elle s´est payé en racontant n´importe quoi, en roulant tout le monde dans la farine, est pour elle bien plus important que tout le reste. Et peu importe les dégâts collatéraux. 

 

juin 2019

Notre retour est ausi marqué par un autre retour, celui de Perska et Babovka, et leur petite fille Eliska, de même pas un an. Leur retour est d´autant plus exceptionnel, qu´une règle dure comme du fer, veut que tout couple, pour marquer sa nouvelle situation sociale de couple officiel, romp avec tout ce qui symbolisait sa vie d´avant, donc en premier lieu le groupe, et ne prend plus part ni aux répétitions, ni aux spectacles. Ce qui est, bien sûr, dommage, pour le groupe, mais aussi et surtout pour les intéréssés eux mêmes, qui perdent ainsi ce contact et cet échappatoire aux quels ils étaient habitués depuis de longues anneés. Alors, que Perska et Babovka reviennent, constitue un événement en soi. Ils reviennent sans explication aucune, comme ça, l´air de rien. Babovka, de son vrai nom Dominik, babovka veut dire petite brioche, on n´a jamais su pourquoi il a eu ce sobriquet, et Perska, de son vrai nom Nikola, perska est dérivée de couche pour bébé, pareil on ne sait pas pourquoi on l´appelle ainsi depuis son enfance, s´investissent à fond dans les répétitions. Babovka organise les venues aux répétitions et prend en main les garçons, je suis surpris par son sens pédagogique naturel, comme danseur il ne sortait pas du rang, mais en tant qu´instructeur il tient très bien la route, il y a de la logique et du rationel dans son approche pédagogique et il obtient rapidement des résultats en tant qu´instructeur avec les nouveaux. Perska, sa compagne, est aussi une ancienne du groupe, elle est le personnage féminin central du reportage d´Arte, avec des répliques très pertinentes qui sortent de sa tête, on ne lui a rien soufflé, tout vient d´elle. Perska a une voix puissante et perçante, elle chante juste et a un bon sens du rythme. Plus un solide caractère, qui fait qu´elle remplit parfaitement la scène. Pour nous, elle est un apport très appréciable au niveau musical, son talent et ses dispositions vocales font qu´enfin, j´ai un partenaire valable au niveau musical, et avec elle, je peux même palier au manque de musiciens, qui est flagrant ces derniers temps. Donc, même sans musiciens, uniquement avec ma balalaïka, et sa voix comme support, nous pouvons tenir une répètition ou un spectacle, les autres s´alignant sur nous. Perska et Babovka apportent avec eux leur petite fille Eliška, qui n´a même pas encore un an, mais fait déjà partie de notre panoplie de spectacles, elle a instantanément intégrée notre troupe, sans le moindre problème ni en coulisses, ni sur scène. Perska se débrouille pour allaiter quand la petite a faim, et ce même en pleine représentation, et le reste suit tout seul. Ils amènent avec eux aussi Nikolas, le petit frère de Perska, qui a le même talent et la même voix que sa grande soeur, et à eux deux ils constituent une solide base musicale pour le groupe. Nous assistons ainsi aux premiers pas d´Eliska, qui se passent sur scène, lorsque Perska, sa maman, la pose par terre pour mieux se saisir du micro pour chanter, eh bien, tout à coup, la petite se reléve toute seule et se met à déambuler au milieu des danseurs, ensuite, comme une pro, lorsque Perska la reprend dans ses bras, elle s´accroche au micro et elle n´est pas en reste au niveau vocal avec ses onomatopés de bébé pour imiter maman… Tout cela, tranquilement, en plein spectacle, devant les spectateurs ébahis, qui n´en reviennent pas de ce naturel de la vie tsigane qui se déroule sous leurs yeux. 

 

decembre 2019

Babovka et Perska, ne sont plus là. Ils nous ont laché la veille du départ en tournée, ce qui n´était pas très sympa. Babovka espérait que son engagement au sein du groupe se verrait courroné par un petit poste rémunéré d´instructeur de danse. Il en aurait la capacité, mais nous, nous n´en avons absolument pas les moyens. C´est dommage qu´il ne voyait sa participation que sous cet aspect, et qu´il a entraîné avec lui aussi Perska, son frère et la petite Eliška, leur fille, tout ce petit monde ne vient plus. Babovka a trouvé du travail, ce qui est bien, mais les autres auraient pu continuer à venir, ils subissent aussi un environement famillial épouventable (l´adjectif est, hélas, parfaitement bien choisi..), cela leur aurait fait le plus grand bien de pouvoir s´en échapper de temps en temps.

 

avril 2025

...Perska, une ancienne de nos danseuses et chanteuses, un sacré caractère, mais aussi un sacré talent. Nous avons convenu avec Babovka, son mari, qu'il viendra pendant quelque temps nous aider avec nos jeunes. Babovka connaît parfaitement notre répertoire, il a fait partie de groupe pendant des années, jusqu´à qu´il se mette en ménage avec Perska, il y six ans de cela. Depuis ils ont six enfants, et ils ont dû arrêter le groupe, bien entendu. Babovka a un rare talent pédagogique, alors, puisque nos ados de Lomnica sont en pleine crise d'adolescence et ne font plus office d'instructeurs auprès des nouveaux, j'ai fait appel à lui pour qu´il vienne nous donner un coup de main avec nos petits. Cela moyennant une modeste rétribution, car on ne peut pas demander à un père de six enfants de donner de son temps juste comme ça. Perska est donc revenue avec Babovka, et ça fait du bien d'avoir un soutien de cette envergure, cela change la qualité des répétitions, les nouveaux peuvent apprendre en les regardant, et tout va plus vite. Perska était toujours un personnage et un talent hors pair, surtout au niveau vocal, elle tenait d'Édith Piaf, tant par sa voix, que par son destin qui ne lui a pas fait de cadeaux. Mais Perska est une coriace, elle a beau n'avoir que 23 ans et déjà six enfants, et elle fait front à la vie la tête haute, et apparemment, ça lui fait du bien de revenir dans le groupe. On va bien voir ce que ça va donner... 
En tout cas, ça fait plaisir de les voir revenir, et qui de plus est, avec une partie de leur marmaille...

juin 2025

extrait du journal du bord

le lendemain de notre prestation à Bobrovec. Enthousiaste, et encore, j´ai dû me retenir, tellement j´étais sous le coup de l´émotion après notre bref séjour dans ce petit village slovaque de la région de Liptov, aux pieds des Tatras. L´accueil, les habitants, tout était vraiment au top, merveilleux, relevant du miraculeux… Mon embellie psychique, l´état de nirvana qu´on ressent après un exploit véritable accompli dans l´adversité et la tourmente ne fut que de courte durée. Dès le lendemain, que dis-je, le soir même, après être rentré complétement éreinté, mais heureux, chez moi, je reçois les premières nouvelles des participants, et elles sont ce qu´elles sont. Perska (Nikola), m´annonce qu´elle a perdu son portefeuille, avec de l´argent dedans, plus les cartes d´identité et les cartes de crédit. Je vérifie auprès du chauffeur du bus, bien sûr, c´est du n´importe quoi, elle n´a rien perdu, c´est juste un stratagème sournois pour nous extorquer de l´argent. Et ça ne tarde pas, au message suivant, la demande de prêt des sous pour payer le renouvellement des documents est formulée, en des termes pas très délicats, comme quoi elle a bossée dur pour nous, avec ses enfants, alors… Mais dans le message suivant Perska nous apprend que ce n´est pas elle qui a écrit le message précèdent, qu´on lui a piraté son compte fb, et que c´est quelqu´un d´autre qui est à l´origine de ces diatribes. Bon, ok. N´empêche que les messages reprennent, cette fois-ci c´est apparemment Perska qui écrit, du moins c´est ce qu´elle affirme en personne, et elle reprend sa rengaine, comme quoi on pourrait lui prêter au moins 50 eu pour les papiers. On stoppe les communications, qui continuent du côté de Perska, et on laisse venir, laissant au temps le temps de calmer le jeu. Nous n´avons absolument rien promis à Perska, c´est elle-même qui a insisté pour venir, avec son mari Babovka, et quatre de leurs six enfants, dont le plus petit, Matéo, n´a que trois mois. Il y a quelque temps, j´ai proposé à Babovka de venir nous donner un coup de main aux répétitions, et je lui ai proposé de le rémunérer à hauteur de 15 eu par répétition, puisqu’il a avec Perska déjà 6 enfants. Il est venu deux fois, et après il a disparu, sans un mot, sans prévenir. Là, avant ce spectacle, le premier après une longue période de disette de 6 mois, Perska a refait surface, en demandant de venir, on lui a répondu que ok, bien que la présence de 4 enfants en bas âge ne collait pas forcément avec notre projet de spectacle, mais il n´était absolument pas question d´une rémunération quelconque. 

Tout s´est bien passé, il faut dire que Perska a bien géré ses petits, elle avait amenée avec elle une cousine pour lui donner un coup de main, donc en fin de compte nous avions 7 personnes en plus, ce qui n´est pas peu. 

Roman, lui aussi il a amené sa marmaille, donc ça nous faisait une crèche en villégiature, mais peu importe, au point où nous en étions, on n´allait pas chipoter. 

Car il faut bien dire, que non seulement l´après spectacle relevait de la psychiatrie, mais aussi toute la période avant de partir en spectacle valait son détour. Le cirque avec Perska n´était que la cerise sur le gâteau de toute cette affaire, ou plutôt de toutes ces affaires. En effet, selon la loi immuable des probabilités, deux jours avant la date du spectacle, nous ne savions absolument pas qui viendra, et si quelqu´un viendra. Comme d´habitude, le fond du problème, le nid à serpents se trouvait à Rakusy. A commencer par les filles de Rakusy (celles de la famille de Lubo), avec lesquelles nous avons déjà eu d´énormes problèmes avant de partir en tournée l´année dernière. Elles remettent ça de nouveau, depuis deux semaines on ne les revoit plus. Impossible de savoir ce qu´il y a derrière, les rapports entre les différents groupuscules d´ados du groupe sont complexes, on ne sait pas qui est avec qui, qui a raison ou non, à la colonie c´est Dominik qui gère la venue des troupes, et du haut de ses 17 ans il n´a pas l´autorité requise pour assumer cette tache comme il faut. On se rabat sur un groupe de 5 nouvelles filles de la famille de Sara, elles ne connaissent rien à notre répertoire, mais c´est mieux que rien, elle seront là pour le décor, pour le nombre. Mais trois jours avant le départ, elles aussi, viennent à flancher. Elles ne sont pas là à la répétition générale, elles ne viennent plus. Les adultes, les parents, n´interviennent d´aucune sorte (à part les ragots) dans notre organisation, nous en sommes réduits uniquement aux rapports avec les jeunes, ados de moyenne d’âge 12 -15 ans, c´est bien quand ça marche, et c´est la majeur partie de nos rapports, ils se prennent tout seuls en main, et gèrent leur participation aux répétitions, ce qui est méritant, mais quand ça flanche, il n´y a pas à qui s´adresser pour gérer les affaires et les malentendus, on se retrouve, toute proportion gardée, comme avec les enfants soldats en Afrique, avec des enfants qui jouent avec des armes, sans se rendre le moins du monde compte, de la gravité de leurs agissement, et des conséquences de ceux-ci. Ils n´en n´ont pas la capacité, ce ne sont que des enfants. Ici, heureusement, les armes ce ne sont que des ragots, mais les dégâts ne sont pas des moindres et font mal. Cela peut paraitre anodin vu d´extérieur, mais en plein dans l´action, ces entourloupes juvéniles produisent des effets de bombes atomiques. Car bien sûr, toutes nos affaires, tous nos spectacles, tous nos engagements, nous les prenons très au sérieux. Extrêmement au sérieux, Il ne peut en être autrement, vis-à-vis de nos partenaires, et vis-à-vis des jeunes c´est même la base de notre démarche pédagogique, nous voulons leur donner par nos agissements, par notre exemple, le bon exemple à suivre, le modèle auquel s´identifier. Celui du sérieux, responsable, fidèle et digne de confiance dans ses promesses et engagements. Donc toutes ces revirements de situations, nous les vivons très mal, c´est un stress incroyable, par rapport aux engagement que nous avons pris, en l´occurrence cette fois-ci avec la Municipalité de Bobrovec, qui s´est montrée très avenante et bienveillante vis-à-vis de nous, et de plus, le tout a été arrangé par l´intermédiaire des amis, et il était hors question de décevoir ou faillir à nos engagements. Mais comment faire avec tout ce remue-ménage ?! Bien sûr, il est hors question d´annuler le spectacle, ce qui aurait été normal, vu la situation de catastrophe annoncée. Mais aller se produire avec un tiers de nos effectifs, pratiquement sans danseuses, un autocar à moitié vide, alors qu´il coute une fortune… ! Et puis, finalement, la veille, Dominik laisse entendre que les filles viendront, toutes, sans doute. Entre temps nous avons fait appel aux anciennes, et Perska s´est manifestée d´elle-même, donc au final nous étions 52. L´autobus a une capacité de 53 places… 

Donc ça, c´est pour l´avant spectacle. Le spectacle en lui-même, ainsi que le court séjour à Bobrovec, c´est très bien passé. Ce n´était pas une mince affaire, car, il fallait gérer toute cette masse de 52 personnes que nous étions, tous des jeunes, dont beaucoup de totalement inexpérimentés, dont c´était la première sortie à l´extérieur de leur colonie, et aussi leur premier spectacle, sans avoir pour autant beaucoup participé aux répétitions. Mais le tout était une réussite, j´ose dire même  que cela relevait de l´exploit. Donc quand je parle du sentiment du travail bien accompli après être rentré chez soi, je ne pense pas exagérer le moins du monde. Et d´autant plus fortes sont les répercussions des ragots malveillants qui surgissent le soir même. Le nirvana fut de courte durée. Il n´y a pas de limites à la fantaisie, l´après spectacle était marqué par la communication avec Perska, qui après s´être calmée un peu, mais juste en apparence, a repris de plus belle, en allant voir Maria, qui n´a pas pu venir avec nous car sa petite avait de la fièvre, en lui disant qu´elle était bête de ne pas être venue, car elle, Perska, elle est venue, et elle a reçue de notre part 170 euros ! Bien sûr, ce n´est pas vrai, mais ça fait son effet, tout le monde y croit dur comme du fer, et les messages, pas très timorés, affluent, comme quoi pourquoi à elle, et pas à moi… ?! A ce stade, ce de l´art, du grand art. Perska a du talent. La fabulation, c´est son domaine. Il faut dire qu´elle pratique, et depuis longtemps. Elle nous a fait le même coup il y a dix ans, lorsque nous partions pour notre tournée à l´Olympia. Le summum de notre carrière. Un jour avant le départ elle a fait courir le bruit que nous lui avons donné 200 euros, et que les autres était des idiots, puisqu´ils n´ont rien reçu. Inutile de dire l´effet que ça a fait. Plus personne ne voulait partir. Quand nous sommes allés la voir à la colonie pour s´expliquer devant tout le monde, elle s´est enfuie en rigolant comme une folle. Elle avait 14 ans. Là, elle en a 24, déjà 6 enfants, et pas de changement dans la continuité…

 

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