Tomáš

Reportage pour TA3 slovaque                                 Gala des Bacheliers, décembre 2015
 
 
Tomáš n´a pas forcément le physique d´un maître de ballet, mais cela ne l´ empêche pas d´avoir une véritable passion pour la danse, la chorégraphie et le cinéma. Il s'épanouit dans toutes ces disciplines, avec en prime, un sens réel de la caméra, comme en témoigne plus d´un reportage aux quels Tomáš a participé.
Tomáš travaille depuis plusieurs années à Bratislava, il loue sur place une maison et publie régulièrement sur fb des vidéos  avec ses chorégraphies complètement loufoques dont il est le principal et unique interprète. Hormis cela, Tomáš a à son compte plusieurs réalisations cinématographiques, dont un long métrage, qui de plus est, est un film d´horreur, tourné dans les environs de Rakúsy... 
Tomáš est un de nos anciens bacheliers, il a passé le bac avec la mention "excellent". 
 

L´Arche de Noé, lors du Festival de Rudolstadt, Allemagne, 2016

Extrait du journal de bord 2016

...l'inspection est venue pour inspecter, alors que notre destin s' accomplisse! L'inspecteur demande les notes administratives, les rapports, les fiches, les factures, les... bref, toutes les paperasses relatives à l' année en cours. On a passé tout le weekend à mettre de l´ordre dans tous ces trésors de la bureaucratie scolaire, alors on lui livre, tout fiers, une pile de dossiers d'un bon mètre de hauteur, de quoi l'occuper pour le restant de la journée. Advienne ce qu'il adviendra. L'inspectrice, une prof de slovaque et d'anglais, s'en va inspecter directement dans la salle des examens. Nous sommes déjà un peu plus sereins, car les matières à problèmes ont eues lieu le matin. Le slovaque et l'anglais ne devraient pas poser trop de problèmes dans l'ensemble, sans parler du romani, qui sera une sinécure... Et là, une autre surprise attendait notre inspectrice, encore plus inattendue et incongrue que celle de tout à l'heure, avec la bouteille près de ma voiture. Qui sait à quoi s'attendait notre brave académicienne d´inspectrice lorsqu'elle venait s´assoir derrière le bureau de la commission des examens. Elle en a vus, des étudiants passer leur bac. Des slovaques, tchèques, ruthènes, hongrois, des ukrainiens, des polonais, des croates, toutes les nationalités et minorités éparpillées de par notre beau pays du coeur de l´Europe... Mais des Tsiganes, non, jamais. C' était une première pour elle, tout autant que pour nous tous. Alors, comme elle nous l'a relatée après, elle s'attendait à voir déambuler des ados plus ou moins délurés, comme tous les ados, pas très affables, morts de trac, sans la moindre trace de politesse, et encore moins de sourire. Bref, des ados, comme tous les ados, peu importe qu'ils soient tsiganes ou non, mais sachant que ceux qu'elle allait voir sortaient tous des bidonvilles, obligatoirement, elle ne s' attendait à rien de bien vaillant...

Le premier à passer était Tomas. Habillé comme s'il sortait de Harvard, grand sourire aux lèvres, parfaitement décontracté, dans un anglais tout à fait correct, à l'aise, naturel, lui disant d'abord Hello, ensuite how are you... etc. De la politesse élémentaire, du savoir vivre, un charisme naturel. On en oubliait complètement qu'il sortait du bidonville... Venait ensuite Klaudia. Pareil, la même avenance, un sourire de star, mais sans en rajouter, une confiance en soi rassurante, une aisance et un bien-être communicatifs. Et à cela s' ajoutait une pratique de la langue tout à fait honorable. L'inspectrice en chef n'en revenait pas. Du haut de ces plus de trente ans de carrière, elle n' à jamais vu cela. Tout le contraire de ces malheureux, mal dégourdis qu'elle côtoie habituellement aux examens, qui correspondent parfaitement à l'image internationale de l'ado sous toutes les latitudes du globe, pas trop éveillé, sans la moindre notion de politesse ou du savoir-vivre élémentaires... Dire bonjour, et quoi encore?! Et là, ils lui ont même demandé comment allait-elle et lui ont offert des fleurs. De la courtoisie sur les bancs des examens. Elle n´a jamais vécue cela!

De gauche a droite : Stefan, Klaudia, Zuzana, Lenka, Tomáš . Juste apres les examens du baccalauréat, en mai 2016

 

Extrait du journal de bord, tournée de printemps 2024 :

Ce gros paquet de temps libre dont nous disposons inopinément nous permet de passer à une activité dont tous nos amis et partenaires français raffolent, mais que nous ne pratiquons pratiquement jamais – la discussion en groupe. Et nous avons de quoi discuter, ce ne sont pas les sujets qui manquent ! Surtout un, celui des finances, du rapport à l´argent en général et de toutes ces histoires à dormir debout qui nous tombent dessus avant chaque départ en tournée, en particulier, lorsqu´on nous fait du chantage de tous les côtés pour nous sous-tirer quelques euros pour les soi-disant indispensables affaires qui manquent tout à coup aux jeunes pour le voyage. Nous réunissons tout le monde dans le vestibule du rez-de-chaussé et nous entrons dans le vif du sujet. Le mieux, c´est de se servir d´exemples concrets. Stefan et Tomas seront les outils pédagogiques du jour. En effet, tout le monde les connaît, ils viennent des mêmes bidonvilles que tout le monde, ce sont des jeunes Roms comme eux tous, pareils, ce sont deux des leurs. Stefan et Tomas travaillent actuellement à Bratislava. Ils gagnent bien leur vie. Pour pouvoir venir avec nous en tournée, ils ont du prendre des congés dans leurs entreprises respectives. Donc pendant ce temps, lorsqu´ils seront avec nous, ils vont gagner moins d´argent. Ils vont perdre de l´argent, ou vu différemment,  c´est comme s´ils payaient pour pouvoir venir en tournée avc nous. Nous faisons exprès de tout expliquer en détail, comme aux tout petits enfants pour que tout le monde comprenne tout. Stefan et Tomas se prêtent volontiers à ce petit jeu, ils y vont aussi de leurs explications, et affirment haut et fort qu´ils ne nous ont pas demandé de l´argent pour venir, qu´ils n´en ont pas reçu, et qu´ils sont venu en tournée avec nous uniquement sur leurs propres fonds. Et qu´ils sont très contents d´avoir pu le faire, et qu´ils espèrent que ça se reproduira. Et en plus, tous les deux sont de véritables apports, nous aident vraiment, tant sur le plan artistique que sur tout le reste, la cuisine, la surveillance, etc. Donc ils pourraient légitimement avoir des prétentions au niveau financier (comme d´autres au pays), mais non, ils n´en ont pas eu, ils sont venu gratuitement ! Voilà pour le décor de notre séance de pédagogie de groupe, et le contenu en est ce rapport exacerbé à l´argent, au profit qui doit être généré de toute activité, quelle qu´elle soit, on ne fait rein gratuitement chez les Roms au bidonville… Et pourtant, Stefan et Tomas sont venus gratuitement nous aider ! Donc, la conclusion, s´il peut il y en avoir une, est que, d´accord, au bidonville ça se passe comme ça, mais ici, entre nous il en est tout autrement. Et d´ailleurs, pas qu´ici, mais aussi dans le vaste, grand monde en dehors des bidonvilles, en dehors de la misère éternelle, les gens aident, les gens s´aident, aident ses prochains sans forcément en attendre toujours du profit, les gens s´aident parce que c´est comme ça que marche le monde, c´est comme ça que la terre tourne. Nous sommes dans la deuxième moitié de notre tournée qui touche bientôt à sa fin. Les jeunes ont découvert et vécu que des choses extraordinaires, dont ils n´auraient même pas pu rêver s´ils seraient restés à la maison, s´ils n´étaient pas partis avec nous. Et pourtant leur départ était sérieusement compromis par toutes ces histoires d´argent qui ont pourries les journées d´avant le départ. Nous, ça nous a coûté beaucoup d´énergie, nous avons du énormément batailler pour que finalement presque tous puissent partir. Presque tous, parce qu´il y en a qui sont restés à la maison et n´ont pas pu partir et vivre tout ca, tout ce que vous avez vécu. Cela n´aurait pas été dommage si vous aussi, vous ne seriez pas partis ? Ce n´est pas une véritable discussion, mais plutôt un monologue mené par Helena et moi. Les jeunes n´ont pas l´habitude de s´exprimer comme ça, officiellement en public. Mais plus tard, d´une manière informelle, le sujet reviendra, entre eux, avec Helene... Le plus jeune des chauffeurs est là, intéressé, il suit nos palabres. On lui demande tout de go combien va coûter le bus. Dans les 8 – 9 mille euros, il répond. Est-ce qu vous avez de quoi payer, nous demandons aux jeunes. Dans les autres groupes folkloriques semblables au nôtre, mais slovaques, les parents se cotisent à raison de 2 – 3 cent euros par enfant et le bus est payé. Vous, vos parents n´ont pas de quoi payer, il y a des gens en France, qui ne vous connaissent même pas, qui ont trouvé de l´argent pour que ce voyage puisse se réaliser. Ils ont payé à votre place, à la place de vos parents. Sans cela vous n´aurez pas pu partir. Il faut en être conscients, et mériter ce formidable cadeau. Bien se tenir, bien se comporter, et se rendre compte que la vie peut être aussi faite d´entre-aide, d´amour de son prochain, on en parle dans la Bible, on en parle aussi dans le conte de fées tsigane de la bonne fée rom Kesaj, qui dit que si tu veux recevoir de l´amour, il faut que tu saches en donner…