JC Decaux

JC Decaux, c´est Pavel. Pavel Slabý. Alors, que ce soit a Paris, Geneve ou Prague, jamais aucun probleme, s´il faut un coup de pouce au destin, on peut toujours faire confiance au pote des potes...
 
 
 
 
 
Été 2007, frontiére franco-allemande
 
Départ en tournée. Sans un sou. Les caisses sont désespérément vides. On a emprunté à tous ceux aux quels on pouvait emprunter. Avec ça on a acheté l'indispensable nécessaire pour le voyage, de quoi se ravitailler en sandwichs pendant deux jours. Et au moment de monter dans le bus (le chauffeur a accepté de partir avec nous sans acompte) pas un radis. Rien. Les cartes bancaires  toutes bloquées et littéralement, pas un centime en poche. La cata. Partir sans aucune réserve financière relève de la folie. On ne sait jamais ce qui peut arriver avec un bus plein de 30 gosses. On n'a même pas de quoi aller aux toilettes pendant le voyage... Normalement, dans une telle situation on ne devrait pas partir. On n'a pas d´argent, alors c´est simple, on reste à la maison et basta! Mais c´est sans compter avec les 30 paires de yeux qui nous épient avec insistance et qui demandent tous à l'unisson : Quand est-ce qu´on part...?! Alors on part. Avec la peur au ventre, sachant que l´on commet un acte irresponsable et que tout peut arriver. On file pratiquement sans s ́ arrêter, surtout en Allemagne, ou les toilettes sont payantes et on a pas de quoi s'offrir ce luxe. Première grosse pause pipi juste après la frontière française. Tout le monde profite de l'aubaine, les toilettes sont au sous-sol, et lorsque je remonte je jette un coup d´ œil distrait au self service à ma gauche. Et que vois-je? Pavel! Rencontrer quelqu´un de sa connaissance sur une aire d´autoroute relève de la pure fantaisie, ça n´arrive jamais. Et là, Pavel installé à table, en train de finir son steak frites me fait signe de la main. Retrouvailles. Comment ça va? Pavel me connait bien, il me demande l´air de rien si tout va bien. Ouais, ça va, pas de problèmes, je réponds. Mais tu n´aurais pas par hasard besoin d´un peu d´argent, me demande-t-il. Ben oui, je suis fauché comme un artiste, je dois avouer. Il sort son portefeuille, voilà 900 dollars, c´est tout ce que j´ai sur moi. Tu me les rendras quand tu pourras...
Bon, après ça, si vous me dites que les miracles n´existent pas... 
 
 
Juillet 2009, Ferney-Voltaire
 
Le Festival des Saintes, prés de la côte atlantique, est beaucoup trop loin pour que l´on puisse y parvenir sans escale. On doit absolument s'arrêter quelque part en route pour faire la pause obligatoire de 9 heures, exigée par la législation européenne relative aux transports routiers. Le tracé de notre route passe par Genève, alors on a demandé à Pavel si on pourrait faire une petite halte chez lui, on n´est que trente, alors les 9 heures ça passera comme du gâteau... Pas de problème, venez quand vous voulez...    
En fin de mâtiné nous débarquons chez Pavel, transformant  du coup sa piscine privée en piscine municipale par le nombre de nageurs au mètre carré qui y pataugent tout au long de la journée.  Pavel et Catherine ne viennent que le soir, juste au moment où nous leur cassons un gros pot de fleurs. Mais ça va, à part ça il n’y a pas de dégâts. C’est Richard, le cousin de Catherine qui nous reçoit. Il rentre d’un séjour de 15 ans au Tahiti, et il se trouve très bien avec nous, pas du tout dépaysé. On passe une excellente pause de 12 heures. Pavel, généreux comme d’habitude, nous offre un MacDo pour le dîner, et à minuit, direction Issoire.
Le lendemain matin, coup de fil de Pavel, chez lequel on a passé la journée d’avant-hier. Les bijoux de famille de Richard, un collier, des boucles d’oreilles et des bagues, tout ça en or ne sont plus à leur place, dans la salle de bains où sont passés tous ceux qui se sont baignés. Donc tout le monde. Il ne manquait plus que ça ! Pavel est un super copain, il nous reçoit, nourrit, nous a offert une bagnole l’année dernière, et voilà en guise de remerciement ! Discrètement, de suite on mène l’enquête. Heureusement, cela n’arrive pas souvent, mais on en n’est pas à notre première affaire (la troisième en dix ans…). Helena et les anciens passent en douce en revue tous les bagages. Rien. Finalement ce n’est pas la peine de chercher, les bijoux sont au vu de tous, sur la poitrine de Jarko et Matej, qui se sont servis, et s’en sont ornés naturellement, sans réfléchir, en toute simplicité. Ouf, ça va mieux. On n’en fait pas une salade, mais je choisis bien mon moment pour une explication virulente avec Jaro, qui était déjà, et comment, en mesure de comprendre la gravité de son geste. La prochaine fois, c’est les flics et la taule, sans aucun pardon!
 
 
 
Mai 2019, Prague et les environs..
 
A l ́origine il était prévu que l'on dorme dans une salle de gym, sur des tatamis, mais quand Barbora m ́a fait part de ce plan logement, j ́ai appelé mon pote d ́enfance, Pavel,  et il nous a trouvé un hostel tout ce qu ́il y a de top dans le genre et c ́était un bonheur que de pouvoir s'y calfeutrer pour une nuit. En effet, avec le temps je deviens plus pantouflard, je m'embourgeoise, et quand je peux, je m'arrange pour trouver d'autres combines, que celles qui ont été notre quotidien pendant des années lors de nos sorties internationales. Combien de fois avons-nous dormi dans des endroits pas imaginables, par terre, dans des gymnases, sur des chantiers, des squats, etc… Mais maintenant, je n´ai plus le cœur à faire subir de telles conditions à Helena, je le dis tel quel, et je me débrouille pour trouver d´autres solutions. Alors un coup de fil à Pavel a résolu ce petit problème épineux, et nous avons pu dormir comme des princes pour deux nuits. 
 
… Le lendemain soir nous avons de nouveau la chance de bénéficier pour encore une nuit de la générosité de Pavel, et nous dormons cette fois dans un endroit paradisiaque, un immense chalet appartenant au club de golf du coin, le nec plus ultra en termes d´habitat pour nous. Le matin un petit déjeuner titanesque couronne cette étape hors du commun et nous poursuivons en direction de Paris...
 
 
 
Aout 2025, Veľká Lomnica
 

L´habitat de Roman est à l´ordre du jour dans notre « chronique » pratiquement au quotidien. Hélas, à juste titre. C´est un miracle qu´il ait pu survivre et tenir jusque-là. Nous avons cherché maintes fois comment résoudre ce problème, mais sans succès. Les coups de pouce au niveau du matériel, pas plus que les projets de construction ou reconstruction de son habitat ne se sont avérés probants, ce n´étaient que des coups d´épée dans l´eau, la situation était figée, immuable, il ne restait qu´à attendre qu´un malheur ou une tragédie ne se produisent… Une amélioration tangible est enfin survenue il y a deux mois, un peu par hasard, lorsque Kevin, un cousin de Roman, lui a proposé de venir habiter chez lui, en mettant à sa disposition une des deux pièces de sa petite maison, qu´il lui a vendu pour 500 eu, payables en plusieurs mois. C´était un énorme progrès, enfin un toit un peu plus solide au-dessus de la tête, et surtout, un sol sans trous, donc plus de rats au menu du jour toutes les nuits. La situation restait quand-même fragile, quand il pleuvait le sol était inondé, mais c´est surtout la cohabitation qui était délicate, car les deux épouses, celle de Kévin, et celle de Roman, n´étaient pas toujours d´humeur idéale, Véronika étant très instable et explosive, avec des ascendants destructifs à répétitions, et de l´autre côté ce n´était bien mieux. Il n´était qu´une question de temps qu´un conflit majeur ne se déclare, et que la femme de Kevin mette en application les menaces qu´elle profère de plus en plus souvent, de rembourser l´argent que Roman leur a donné pour la petite pièce, et de les mettre à la porte illico.

Et puis, un miracle est arrivé. Roman s´est tout à coup retrouvé avec deux demeures à son compte. Du statut du SDF potentiel il est passé a celui du propriétaire immobilier. Au logement chez Kevin s´est ajouté une caravane en parfait état, donc habitable, livrée les clefs en main, garée contre la maison de sa grand-mère, donc dans un endroit relativement sûr et sécurisé. La caravane dispose de deux pièces, un coin douche, une cuisine, un branchement à l´électricité, bref, un rêve sur quatre roues…

Tout cela a commencé il y a à peu près un an, lorsque nous a rendu visite Pavel, un vieil ami et compagnon d´aventures depuis toujours.  Pavel est un vieux routard, aventurier de la vie, il en connait tous les aspects, les hauts et les bas, il s´est bâtit une situation exceptionnelle, mais il se souvient très bien de ses années de misère, et surtout, il a gardé en lui un très bon cœur, rempli de générosité. La preuve, lorsqu´il a vu dans quelles conditions vit Roman et sa famille, il a tout suite dit qu´il a au fond de son jardin, à Prague, une caravane dont il n´a plus besoin, et qu´il pourrait la ramener à Veľká Lomnica pour Roman. Il arrive souvent que des gens bien intentionnés prennent de bonnes résolutions en voyant la misère des autres, l´envie d´aider son prochain est, heureusement, naturelle et assez répandue, mais pour ce qui est de la concrétisation, c´est souvent une autre histoire… 

Il n´en a pas été de même cette fois ci. Pavel a dit, et Pavel a fait ! Un beau jour d´été, il est venu, a livré la caravane et il est reparti. Sans gloire ni fanfare, sans les médias et les caméras, il a fait quelque chose de simple et d´exceptionnel à la fois. Simple, façon de parler, car il fallait toute une procédure administrative au niveau des papiers pour que le véhicule puisse être acheminé de Tchéquie en Slovaquie, et le transport en lui-même s´est fait sur une remorque, donc il a fallu faire appel à un transporteur professionnel. Mais simple dans le sens qu´une décision a été prise, et elle a été réalisée. Exceptionnelle, car ce genre d´histoires n´arrive jamais, et de surcroit sans médiatisation aucune, sans aucune publicité, sans la moindre volonté de tirer la couverture sur soi. Dans le contexte des aides mondiales, universelles, aux pauvres, aux Roms, lorsque le moindre petit geste de charité bien ordonnée est amplement amplifié et récupéré, oui, je veux parler des innombrables ONG, associations et autres bienfaiteurs professionnels qui polluent sur le marché de la charité et de l´humanitaire, qui n´arrêtent pas de pavaner au moindre petit semblant de geste de bonne volonté, une telle démarche est rare, pour ne pas dire inexistante.

A l´osada c´était tout un événement, une remorque qui débarque avec une caravane et la gare en plein milieu de la colonie, cela ne se voit pas tous les jours. Alors quoi de plus naturel que tout le bidonville soit venu voir de quoi il était question. Mais tout s´est bien passé. Il y a eu foule, comme c´est de coutume en ce genre d´endroits, tout le monde voulait voir, assister à l´événement, c´était en peu comme si on venait assister à un débarquement d´extraterrestres, mais puisque ces « extraterrestres » étaient bien intentionnés, et qui est de plus, déjà connus, car ils ont déjà visité ces lieux, et on en avait un bon souvenir, ils étaient les bienvenus. Et le soir même, les petits de Roman dormaient déjà dans la caravane, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous, on s´est lavé les mains, pas comme Ponce Pilate, mais tout simplement pour se protéger de l´hépatite A, Pavel est retourné à Prague, et il ne nous reste qu´à lui dire un grand, un très grand MERCI !

www.kesaj.eu/fr/projekt/kesaj/nase-uspechy/la-caravane-de-roman/