Primavera Tsigane
29 avril 2011
Extrait du journaldu bord...
Andréa nous suit depuis pas mal de temps, nous avons même fait un passage chez lui, à Vicenza, en Italie. Il nous a proposé d’organiser une soirée à Paris, lors de la quelle il voudrait mobiliser son réseau d’amis et de connaissances afin de nous faire connaître et aussi par la même occasion remplir un peu notre caisse dont il connait le vide chronique. Il prend l’organisation en main et avec deux bons mois d’avance s’investi à fond dans l’événement. L’essentiel est de mobiliser le maximum de monde susceptible de se déplacer pour voir un groupe inconnu du grand public. Les Romanès sont d’accord pour mettre à disposition leur chapiteau, la date du 29 avril en fin de tournée colle bien sur un weekend de rentrée de vacances, le mailing part dans tous les côtés, tout est fait pour que ce soit une réussite. De notre côté, les amis de Yepce s’investissent dans la création de « produits dérivés », cartes postales et badges. C’est plutôt chouette. Emmanuel Guibert et Krrist Mirror nous réalisent des affiches. A vrai dire, nous en espérons beaucoup, de cette soirée. Du point de vue des spectateurs, nous voudrions toucher un public qui nous ne connait pas et qui pourrait nous apporter des ouvertures sur de nouveaux contacts. Et l’aspect financier n’est pas négligeable non plus, si on remplit le chapiteau, cela pourrait être un apport consistant au budget de la tournée. Surtout qu’avec les deux étapes annulées nous sommes non seulement dans le passif, mais carrément dans la catastrophe. Nous avons, avec beaucoup de mal, réussis à trouver des alternatives logistiques aux différents désistements qui ont marqué cette tournée, nous avons pu, heureusement, être logés et nourris, ce qui était déjà formidable vu les circonstances, mais nous avions par ce fait deux cachets importants en moins. Et le bus à payer quoi qu’il arrive. Donc il nous manquait carrément la moitié du budget pour équilibrer la tournée. Initialement, avec la préparation de la soirée au Cirque, nous espérions pouvoir enfin produire un bénéfice dont a tant besoin l’association et tous les membres du groupe. Depuis pas mal de temps nous sommes sans aucune subvention, et autant dire que nous avons du mal à tourner que sur nos fonds propres… Donc nous voyons cette opportunité que nous propose Andréa presque comme un miracle, tant la situation de tous est précaire. En principe tout devrait bien se passer. Nous sommes super motivés, Andréa fait le maximum, tout un réseau d’amis et de connaissances s’investi pour faire passer l’information et faire venir du monde. Mais en même temps, n’ayant que trop l’expérience de ce genre d’événements, je suis lucide, et j’estime que si une centaine de personnes viennent, ça sera déjà pas mal. Cela ne résoudra pas nos problèmes financiers, mais ça sera mieux que rien. Cette soirée et le festival d’Auch, étaient les deux points principaux qui ont fait que nous nous sommes lancés dans cette tournée. Sinon, avec tous ces désistements, nous aurions tout simplement annulé le tout. Mais vu l’importance de ces deux manifestations, et surtout l’investissement personnel de nos amis qui étaient derrière tout cela, il n’en était pas question. Alors nous avons fait l’impossible pour y arriver, et pas qu’au sens figuré…

Au Cirque, et pas que là d’ailleurs, la sono est toujours notre talon d’Achille. Soit il n’y en a pas, ce qui n’est pas le pire, nous préférons de passer en acoustique dés que c’est possible, ou alors elle est non adaptée et mal servie, et c’est vraiment l’horreur. Et ce fut le cas cette fois-ci. J’avais, bien à l’avance, demandé à des amis de nous prêter du matériel et venir sonoriser. Le jour même il y a juste Tagada qui passe avec deux micros et il ne peut pas rester. 3 micros pour 30 personnes. On a pas assez de rallonge, donc l’orchestre ne peut pas être placé au devant, ce qui peut paraître anodin, mais pour nous c’est vital d’avoir le contact visuel avec toute la troupe, et puis les musiciens et moi-même, nous faisons aussi une part importante du visuel, le public suit mon contact avec toute la troupe et ça fait partie du spectacle. Donc là nous étions cachés derrière la piste, et les gosses n’arrêtaient pas de se retourner pour avoir ce contact des yeux au quel ils sont habitués, et cela donnait la pénible impression qu’ils ne savaient pas quoi faire et étaient perdus au milieu de la scène… Dés que nous avions commencés, j’ai vu les spectateurs, les enfants surtout, se boucher les oreilles. Manifestement c’était trop fort. Il y en avait qui ont carrément quittés la salle à cause de cela. Et personne pour baisser d’un cran. J’étais rivé à mon instrument, il fallait absolument que je mène la musique et donne la dynamique et l’énergie au groupe. En même temps que le public souffrait des décibels, les musiciens, n’ayant aucun retour du son, étaient persuadés qu’on ne les entendait pas, eux ils ne s’entendaient pas, et avaient du mal à jouer et à chanter ensemble, à tenir le rythme.

Heureusement qu’au milieu du spectacle Alexandre Romanès saute derrière la table de mixage et baisse le son. Mais complètement, et on n’entendait plus rien du tout. Cela, plus le décalage visuel avec toute la troupe, a produit une prestation qui n’était pas des meilleures que l’on a données. Nous étions aussi très fatigués, éreintés après un nombre démesurés de spectacles pour survivre. Moins on est payé, plus on joue. En moyenne deux, voir trois spectacles par jour, au rythme qui est le nôtre, ont de quoi entamer les réserves d’énergie inépuisables des gamins. Mais je crois que malgré cela nous avons bien tenu. Tout le monde s’est donné à fond. Sans retenue. Mais le résultat était tel qu’il était. Mitigé, pas au top. Une espèce d’agonie en bout de course. Horrible. Tout ce mal qu’on s’est donné, que d’autres se sont donné, pour un piètre résultat. Le Cirque était plein à craquer. Autour de cinq cent personnes se sont déplacées. A Paris c’est une prouesse incroyable. J’étais le premier à ne pas y croire. Ce n’est pas la centaine que j’escomptais, loin de là. Et pas n’importe qui. Dés que le public commençait par arriver au chapiteau de la Porte de Champerret, nous étions impressionnés pas le nombre et la qualité des gens, manifestement sortant du cadre ordinaire des spectateurs lambda. Des amis de longue date, que l’on n’a pas vu depuis des lustres, se retrouvaient. Même le temps était sympa. De l’orage, la météo a miraculeusement virée au beau fixe, et nous a permis d’organiser avec des amis une buvette sympathique qui fait le charme de l’endroit. A la fin du spectacle, les gens trainaient encore un peu, ambiance décontracte, il y a eu des félicitations, je pense sincères, nous avions la bonne sensation du devoir bien accompli, en tout cas l’épuisement total y était, mais hélas cette impression d’avoir raté une occasion unique m’a hanté encore longtemps.

Le lendemain, comme s’il n’en avait pas encore assez, nous faisons encore un passage sur un terrain de Montreuil. Une assoc locale organise le tout avec Colette, et sur le bitume, entre les caravanes, nous donnons un spectacle impromptu pour les Roms roumains qui campent là. Coralie est venue avec quelques gamins de Saint Denis. C’est plutôt sympa. Il y a des jeunes, des enfants, et c’est toujours motivant de se produire devant les siens.

Mais on doit prendre la route ensuite, et nous voudrions passer encore vite fait à la Tour Eiffel pour les nouveaux du groupe, alors on ne s’attarde pas. Après une bonne collation et avec plein de ravitaillement nous quittons le camp pour la place du Trocadéro. Pendant que les gamins découvrent la Tourcifelle, Andréa me rejoint pour me donner la recette.

Le miracle. Les deux cachets en moins que nous avons perdus suite aux désistements des spectacles sont compensés par les entrées d’hier. On équilibre le budget. On a rien gagné, mais on a rien perdu. Formidable. Nous sommes très reconnaissants à Andréa. Sans son intervention nous aurions été totalement perdus. C’est d’autant plus rageant que ce fameux spectacle au Cirque était ce qu’il était.